Le dialogue social n’est pas un long fleuve tranquille

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icone Extrait de l'hebdo n°3981

Depuis qu’elle est implantée aux thermes de Bagnoles-de-l’Orne (Orne / Normandie), la CFDT tente de promouvoir la culture de la négociation et de la consultation au sein de l’établissement. Ces derniers mois, elle a enregistré ses premiers succès.

Par Guillaume LefèvrePublié le 07/10/2025 à 12h00

Nicolas Delalé est délégué syndical CFDT des thermes de Bagnoles-de-l’Orne.
Nicolas Delalé est délégué syndical CFDT des thermes de Bagnoles-de-l’Orne.© Syndheb

« Nous partons de très loin car le dialogue social ne fait pas partie de la culture des établissements thermaux », confie Nicolas Delalé, délégué syndical CFDT des thermes de Bagnoles-de-l’Orne, une institution normande qui reçoit jusqu’à 14 000 curistes à l’année et l’un des cinq établissements du groupe France Thermes. On retrouve également la société de thermalisme en Auvergne-Rhône-Alpes (Châtel-Guyon et Vichy), en Nouvelle-Aquitaine (Salies-de-Béarn) et dans le Grand Est (Vittel).

Si les salariés du secteur expriment de l’insatisfaction en ce qui concerne leurs conditions de travail et leurs rémunérations, il est extrêmement difficile de les mobiliser, explique cet agent de maintenance polyvalent. Cependant, il ne blâme pas ses collègues : « Il faut laisser le temps au temps ! » Pour Nicolas, le déclic s’est produit en 2022 ; un problème au sujet du versement des salaires est à l’origine de son engagement. « J’avais l’impression que nous étions menés en bateau, c’était compliqué d’obtenir des réponses. Je me suis dit que ça ne pouvait plus durer. » Il fait alors le choix de la CFDT, après avoir croisé à plusieurs reprises certains de ses représentants durant son parcours professionnel. S’il tire un bilan mitigé de ses expériences, il connaît la force du collectif et sait pouvoir compter sur un réseau.

Deux salariés sur trois en CDD “sans terme précis”

Propulsé représentant de la section syndicale, il est élu dans la foulée au CSE1 lors des élections professionnelles de mars 2023 – sachant que la CFDT est à cette époque la seule organisation à présenter une liste. Une déception, cependant : la participation de ses collègues fut nettement en deçà de ses attentes. De fait, nombre d’électeurs parmi les 175 inscrits n’ont pas voté. « Il y a un vrai travail de pédagogie et d’explication à faire sur notre rôle et nos missions », affirme Nicolas Delalé. S’il n’est pas tout seul, présenter une liste complète relève de la gageure ; néanmoins, il peut compter sur la présence discrète mais précieuse de plusieurs adhérents. « Les collègues ont peur des possibles conséquences sur leur carrière s’ils s’engagent, mais également sur leur potentielle réembauche », résume Nicolas, salarié de la station thermale depuis sept ans. Une spécificité propre à l’établissement explique aussi la frilosité des personnes lorsqu’il s’agit de s’encarter à la CFDT : une centaine de salariés se trouvent en CDD « sans terme précis » – autrement dit, la durée de leur contrat de travail correspond précisément aux dates d’ouverture et de fermeture de l’établissement, définies par l’autorité préfectorale.

Deux accords qui améliorent le pouvoir d’achat

Heureusement, il en faut plus pour décourager Nicolas et la CFDT. « Une locomotive est nécessaire pour tirer les wagons ! Si les collègues voient que l’on se bat pour eux, ça peut les motiver à nous rejoindre. » L’équipe orange se targue d’avoir obtenu la mise en place d’une prime mensuelle lors des négociations annuelles obligatoires de juin 2025 : 5 euros brut après quatre ans d’ancienneté, jusqu’à 80 euros après vingt ans. Ce premier pas, un accord avec la nouvelle direction, est salué par les salariés, notamment celles et ceux qui cumulent les CDD depuis plusieurs années. Autre motif de satisfaction pour le militant, l’instauration d’une prime annuelle sur objectif qui peut s’élever jusqu’à 300 euros net. « C’est quelque chose que l’on n’avait jamais vu. On part vraiment de très loin… » Ces deux bonnes nouvelles en matière de pouvoir d’achat, Nicolas ne manque pas de les valoriser auprès de ses collègues dès que l’opportunité se présente. Et quand elle ne se présente pas, il la provoque, profitant de chacune de ses pauses méridiennes pour les rencontrer. « Mes collègues savent où et quand me trouver ! », s’exclame-t-il.

Plus de 10 000 pas par jour

« Mon bureau, c’est un peu partout. Je fais largement plus de 10 000 pas par jour. Il va d’ailleurs falloir que je pense à revoir mes objectifs à la hausse », plaisante le quadragénaire, qui visite quotidiennement chacun des quatre sites du complexe thermal. C’est d’ailleurs à l’occasion de l’une de ses récentes tournées qu’il a pu démêler la situation d’un travailleur saisonnier s’étant vu refuser la prise en charge à 50 % de son abonnement de transport. « Cette année, j’ai fait une adhésion. Ça peut sembler n’être pas grand-chose mais aux thermes, c’est énorme ! »

Et parce que la chance et les rencontres se provoquent, le CSE a organisé un barbecue en juin dernier, auquel se sont rendus une trentaine de salariés. C’était l’occasion d’échanger sur les problématiques locales et nationales. Ainsi, les suites de l’avenant 33 font beaucoup parler. Rappelons que, le 27 mai dernier, le tribunal judiciaire de Paris entamait la procédure lancée par la CFDT Santé-Sociaux à l’encontre de huit groupes de santé (dont France Thermes) qui refusent d’appliquer les revalorisations salariales prévues par l’avenant 33.

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

La forte participation à ce moment convivial confirme une certaine appétence des collègues pour la lutte syndicale. Un motif d’espoir pour Nicolas, qui a déjà en tête les élections professionnelles de 2027.