Espoirs douchés, syndicats indignés… et mobilisés

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icone Extrait de l'hebdo n°3980

En fermant la porte aux principales revendications du monde du travail, Sébastien Lecornu prend le risque d’une nouvelle paralysie politique du pays. L’intersyndicale appelle à amplifier la mobilisation lors d’une nouvelle journée d’action et de grève, le 2 octobre prochain.

Par Anne-Sophie BallePublié le 30/09/2025 à 12h00

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© Thierry Nectoux

Après deux semaines de huis clos et de consultations tous azimuts, Sébastien Lecornu est donc sorti du bois. Dans un entretien accordé au Parisien, le 26 septembre, le Premier ministre a levé le voile sur ce que pourraient être les premières pistes du budget 2026. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la déception est proportionnelle aux espoirs suscités au sein d’un monde du travail avide de justice sociale et fiscale, et dont le mécontentement s’était largement exprimé lors de la mobilisation du 18 septembre dernier.

Où donc est passée la “rupture” ?

Loin des promesses de rupture et du « budget de compromis » qu’il prétend présenter, Sébastien Lecornu semble donc exclure toute suspension ou abrogation de la réforme des retraites de 2023 – considérant que cela « ne réglerait aucun des problèmes » –, balaie d’un revers de main la taxe Zucman sur les grandes fortunes, laquelle ne constitue pas, selon lui, « la bonne solution », et refuse un retour de l’ISF1, supprimé par Emmanuel Macron en 2018.

Ces mesures de justice sociale et fiscale figurent pourtant comme autant d’indispensables, du côté des organisations syndicales comme de la gauche, pour espérer trouver une voie de passage dans le marasme politique actuel. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure. Malgré les discours d’ouverture et d’attachement au dialogue social, Sébastien Lecornu n’est pas parvenu à trouver le chemin de l’apaisement avec le monde du travail. Au contraire, la ligne affichée par le locataire de l’hôtel de Matignon – qui consiste, peu ou prou, à maintenir la politique économique actuelle – est un choix dangereux, estime pour sa part Marylise Léon : « L’immobilisme est mortifère, mais l’entêtement politique en période de crise démocratique l’est tout autant. »

Une occasion manquée

La rencontre, quarante-huit heures plus tôt à Matignon, ne laissait malheureusement rien présager de bon. L’intersyndicale, reçue le 24 septembre (à la demande du Premier ministre), espérait encore obtenir des réponses concrètes aux revendications des travailleurs… mais a finalement déploré « une occasion manquée ». « Aucune réponse claire n’a été apportée à la colère des salariés, agents, demandeurs d’emploi, jeunes ou retraités », résumait à sa sortie Marylise Léon, au nom de l’intersyndicale. Celui qui avait promis rupture et engagement « n’a montré ni rupture avec les mesures présentées en juillet ni engagement sur ce que pourraient être des mesures de justice sociale et fiscale », précise l’intersyndicale. « Nous avions dit que si nous n’avions pas de réponse claire, une nouvelle date de grève et de mobilisation serait à l’ordre du jour. Ce sera donc le 2 octobre », lâchait, amère, Marylise Léon sur le trottoir de la rue de Varenne.

Maintenir la pression

Au cœur des revendications de l’intersyndicale pour la mobilisation du 2 octobre, on retrouve les mêmes mots d’ordre qu’à la fin août, lorsque les organisations syndicales avaient appelé à une première journée interprofessionnelle : abandon de l’ensemble du projet de budget présenté à la mi-juillet ; justice fiscale avec la mise en place de dispositifs faisant contribuer les très hauts revenus et contraignant le versement des dividendes ; conditionnalité des aides publiques aux entreprises ; abandon de l’âge de départ à la retraite à 64 ans et moyens budgétaires dédiés aux services publics, à la transition écologique et à la réindustrialisation. Afin de réussir cette nouvelle journée de mobilisation, les organisations syndicales entendent « maintenir la pression par des actions dans les entreprises, services et administrations, et par différentes initiatives : réunions d’information, assemblées générales de personnels… », développe l’intersyndicale dans un communiqué commun.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Le 18 septembre, 250 rassemblements réunissant un million de manifestants s’étaient tenus un peu partout sur le territoire national. On recensait ainsi 35 000 personnes à Bordeaux, 20 000 à Lyon, 3 000 à La Rochelle, 120 000 à Marseille ou encore 40 000 à Toulouse. Partout, la voix des travailleurs, portée par un micro ou traduite en slogans sur des pancartes, s’était élevée. « Il faut être sourd pour ne pas entendre que les Français nous demandent plus de justice fiscale », avait alors réagi celui qui rappelle à l’envi sa volonté de ne pas passer en force. « Il ne s’agit pas d’entendre la colère. À un moment, il va falloir écouter », s’emporte la CFDT.

Cinq thématiques à discuter

« Un courrier devrait être adressé dans les tout prochains jours aux partenaires sociaux pour leur demander de contribuer à cinq thématiques », a indiqué Matignon après avoir rencontré collectivement les représentants des organisations syndicales d’un côté, ceux des organisations patronales de l’autre, le 24 septembre. Alors que se dessinent actuellement les contours du futur agenda social autonome – une lettre a été envoyée en ce sens par le président du Medef, Patrick Martin, aux organisations syndicales –, les contributions souhaitées par Matignon portent sur le financement de la protection sociale, la réindustrialisation et la souveraineté économique, les conditions de travail et la QVT, le renforcement du paritarisme et la modernisation du marché du travail. Des thématiques qui ne sont pas sans rappeler les négociations que François Bayrou avait suggérées aux partenaires sociaux à la mi-juillet 2025, attendant que ce dialogue aboutisse avant la fin de l’année.