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Un collectif face à l’adversité

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iconeExtrait de l’hebdo n°3859

À Marolles-en-Hurepoix (Essonne), la CFDT d’Arquus a fait une belle percée aux élections de novembre 2022 et nombre de nouvelles adhésions. Face à une direction qui entretient le flou quant à l’avenir du site, la section agit et rassemble.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 01/02/2023 à 13h00

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© DR

« À la CFDT, j’ai trouvé des gens vraiment prêts à s’occuper de notre situation, prêts à mouiller le maillot pour nous aider. » Laurent Bizet, nouvellement élu secrétaire du CSE1 central d’Arquus (cette filiale du groupe Volvo emploie 1 200 salariés répartis sur quatre sites de production et a son siège à Versailles), a choisi la CFDT il y a tout juste un an. À l’image de cet acheteur employé à Marolles-en-Hurepoix, de nombreux salariés du site francilien ont rallié la CFDT ces derniers mois, à la faveur des élections professionnelles de novembre 2022. La CFDT a ainsi remporté 72,73 % des voix à Marolles (43,76 % sur l’ensemble des sites d’Arquus) et est devenue la première organisation syndicale dans l’entreprise pour la première fois de son histoire !

Menace de fermeture de l’usine

La percée est d’autant plus notable qu’elle s’inscrit dans un contexte difficile. À Marolles-en-Hurepoix, la situation est délétère. Depuis deux ans plane la menace d’une fermeture de cette usine, qui fabrique des éléments de transmission pour les véhicules blindés légers de l’armée française. Raison invoquée par la direction : le terme du bail de l’entreprise (qui est locataire du site) à la fin 2024.

Mais quand on rencontre les équipes, on comprend qu’il s’agit plutôt de la conséquence d’une stratégie de spécialisation des différents sites de production (Marolles, donc, mais aussi Garchizy, près de Nevers, Limoges et Saint-Nazaire) ; à cela s’ajoute la volonté de la direction de regrouper toutes les activités tertiaires (concentrées sur les sites de la région parisienne), vidant ainsi l’usine de Marolles-en-Hurepoix de toute activité. « La direction prend le chemin d’une fermeture du site sans vraiment le dire, en laissant la situation se dégrader et en attendant que les gens s’épuisent et partent d’eux-mêmes », gronde Hervé Rigault, responsable du service maintenance, membre du comité de direction et néanmoins secrétaire CFDT du CSE de Marolles. « Je n’accepte pas que l’on n’assume pas. »

Sur le site, on se dit « dans le flou », « dans le brouillard » en ce qui concerne l’avenir de l’usine. « Ça fait deux ans que nous sommes dans l’expectative… L’attente, ça tue », confie un adhérent récent. « En l’espace de deux ans, on a perdu presque la moitié des effectifs. On était 220 en 2021, 160 au début 2022 ; nous ne sommes plus que 130 début 2023 », ajoute un autre, soulignant que « tous les managers s’en vont ». L’amertume des salariés est d’autant plus vive que Marolles a connu des années fastes. Les plus anciens se souviennent avec fierté qu’ici, de la fin des années 70 aux années 2000, du temps où l’entreprise Panhard était encore propriété du groupe PSA, on construisait des véhicules blindés légers (VBL) qui servaient aux régiments de reconnaissance de l’armée française, les P4 ou d’autres modèles destinés aux forces spéciales.

« À une époque, on produisait les véhicules de A à Z. On avait tous les services, du bureau d’études à la production. On a même eu un centre d’essai moteur qui a servi pour le civil », indique Laurent Pennont, magasinier cariste entré en 2006 à Marolles et devenu délégué syndical. « J’ai signé chez Panhard à Marolles parce que travailler pour l’armée française, cela signifiait l’excellence… et la stabilité ! », souligne V. (qui requiert l’anonymat), entre nostalgie et dépit.

“Un gâchis industriel et humain”

Le rachat de Panhard par Renault Trucks Defense en 2012 (qui deviendra Arquus en 2018) marquera une rupture. Baisse des investissements, stratégie de spécialisation des sites… : Marolles a vu progressivement son activité se réduire. « Aujourd’hui, il nous reste la réparation et la production des boîtes de transfert [tout ce qui sert la transmission, du moteur aux roues] », note avec regret Stéphane Guyader, agent de maintenance entré à l’usine en 2000 et qui a adhéré à la CFDT en 2022. De nombreux salariés pointent aussi la perte de compétences… « C’est un véritable gâchis industriel et humain. »

Inquiets du fait de la baisse de charge de l’usine et de l’extrême maigreur du carnet de commandes, les élus CFDT ont demandé, l’automne dernier, audience au conseiller du ministre de la Défense. Le jour de la rencontre entre l’équipe et Syndicalisme Hebdo, nul ne pouvait se prononcer au sujet de l’impact qu’aurait la prochaine loi de programmation militaire (elle sera présentée au printemps prochain) sur l’activité de l’usine. Pourrait-elle acter un regain de production ? Difficile d’y croire, vu l’attitude actuelle de la direction. Pourtant, dans le contexte de guerre en Ukraine, le site de Marolles bénéficie de toutes les infrastructures et des savoir-faire. « On a tout pour produire : l’espace, l’outil industriel… On est opérationnel s’il faut répondre à de grosses commandes », indique Laurent Pennont.

“L’union fait la force”

Malgré les incertitudes, personne n’accepte de baisser les bras. « Moi, si j’ai adhéré, c’est pour qu’on soit plus fort quand il s’agit de défendre la boîte face aux loups d’Arquus », explique Xavier Guillard, 54 ans, au service maintenance depuis 2016 et à la CFDT depuis les dernières élections. « L’union fait la force », ajoute Stevens Sebille, peintre industriel, 36 ans, chez Arquus depuis 2017 et nouvel adhérent. « Ils nous prennent pour des pions, alors il faut faire quelque chose. » La section de Marolles-en-Hurepoix sait qu’elle peut compter sur les camarades des autres sites d’Arquus, dont l’Inter-CFDT, bien structurée par les deux délégués syndicaux centraux Gilles Broche et Éric Dulauroy, se révèle un appui précieux. Le collectif CFDT semble en tout cas très soudé afin de faire face à l’adversité.

Quelques dates clés

1890 : création de l’entreprise Panhard et Levassor. La marque va s’imposer, après la Seconde Guerre mondiale, parmi les plus grands constructeurs automobiles.
1965 : l’entreprise Panhard est intégrée au groupe Citroën.
1973 : création du site de Marolles-en-Hurepoix.
1990 : production de VBL pour l’armée française. Le site de Marolles produit également la Peugeot P4.
2005 : le groupe Peugeot-Citroën décide de se recentrer sur ses activités purement automobiles. Il cède Panhard à la société auvergnate Auverland (producteur des 4x4 militaires légers A3 et A4).
2012 : le site de Marolles est racheté par Renault Trucks Defense (filiale de Volvo Trucks).
2018 : Volvo Trucks décide d’unifier ses marques et crée Arquus. L’usine de Marolles perd définitivement sa spécificité Panhard.