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Extrait de l'hebdo n°3983
Dans la principale usine du leader mondial du café, à Andrézieux-Bouthéon (Loire / Auvergne-Rhône-Alpes), la CFDT a mené le combat pour un meilleur partage de la richesse produite. Au terme de seize jours de grève, elle a obtenu de réelles avancées salariales. Retour sur un conflit exemplaire.

C’est sous un éclatant soleil et le sourire aux lèvres que les salariés de JDE Peet’s (leader mondial du café, propriétaire des marques L’OR, Senseo, Tassimo…) ont démonté leur piquet de grève, le 8 octobre dernier. Après un long mouvement – seize jours au total –, les salariés d’Andrézieux-Bouthéon sont arrivés à leurs fins : faire plier la direction et obtenir de substantielles augmentations de salaire. En l’occurrence, 160 euros bruts mensuels pour l’ensemble des salariés ainsi qu’une prime exceptionnelle de 1 500 euros qui figurera sur la paye du mois d’octobre (elle profite également aux intérimaires).
Mieux comprendre la situation suppose de remonter à la présentation des résultats de l’entreprise, à la toute fin de l’été dernier. « Nous appartenons à un groupe ultrariche qui nous a annoncé avoir réalisé 422 millions d’euros de bénéfices en six mois ! Ils ont reversé plus de 300 millions d’euros de dividendes aux actionnaires… et pas un centime aux salariés ! », s’étrangle encore Jérôme Stravianos, le délégué syndical CFDT de cette entreprise de 500 salariés (dont 130 intérimaires) et par ailleurs secrétaire général du Syndicat général de l’Agroalimentaire de la Loire (SGA 42).

Fort de café, la proposition originelle de la direction
Face au mépris de la direction, les représentants syndicaux de l’entreprise (CFDT et CGT, réunies en une intersyndicale solide) adressent un premier courrier, le 1er septembre 2025, revendiquant une augmentation générale et exceptionnelle de 250 euros bruts mensuels pour l’ensemble des salariés hors cadres. À cela, la direction répond par une « aumône » : une prime de 1 000 euros sur l’intéressement. C’est nettement insuffisant aux yeux des salariés et de leurs représentants, qui décident alors d’appeler à la grève le 23 septembre. À l’atelier de production (le premier à entrer dans le mouvement), on compte environ 90 % de grévistes ; ils seront rapidement rejoints par la maintenance. « Sans techniciens de maintenance, c’est l’arrêt des machines, donc de la production », souligne Jérôme.
La détermination des troupes ne vacille pas. La direction continue de tergiverser : après avoir proposé une augmentation de 50 euros et une prime de 800 euros, elle monte à 110 euros, ajoutant une prime de 1 000 euros et + 2,5 % pour les cadres. Encore insuffisant, décide l’intersyndicale, qui fait monter la pression d’un cran en bloquant l’entrée de l’usine, empêchant ainsi le déchargement des matières premières. Début octobre 2025, la direction riposte en assignant les grévistes au tribunal, en référé, afin qu’ils débloquent le site. L’audience a lieu le 6 octobre. Là, coup de théâtre : la juge du tribunal déboute la direction de sa demande et propose de trouver une solution grâce à une médiation. « C’est une solution que nous avions proposée mais la direction, à ce moment-là, n’avait rien voulu entendre », précise Jérôme. C’est finalement grâce à la médiation de la Dreets (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) qu’un accord sera trouvé deux jours plus tard…
Une mobilisation exceptionnelle et payante
De ces seize jours de grève Jérôme Stravianos dégage un premier bilan à chaud. La fierté et la satisfaction l’emportent, et d’abord en ce qui concerne les résultats obtenus par la mobilisation. « Selon nous, c’est une augmentation qui est juste, en rapport avec les bénéfices que fait le groupe. Je le rappelle : 422 millions d’euros de bénéfices en six mois, 300 millions d’euros reversés aux actionnaires. Notre site est l’usine phare du groupe, elle compte pour 22 % des bénéfices. C’est notre part du gâteau ! » Il y a aussi « le sentiment d’avoir vécu un grand élan de solidarité entre nous tout au long du conflit, y compris après l’assignation au tribunal ». Et puis la satisfaction d’avoir su mener la grève « sans heurts, sans dégradation, avec un souci de médiation que la juge du tribunal a souligné ». « Cette victoire est celle de la solidarité, de la cohésion et du courage », a, pour sa part, salué la CFDT Agri-Agro dans un communiqué. On ne saurait mieux dire.