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Extrait de l'hebdo n°3988
Élue à la fin septembre, la toute jeune équipe CFDT de Verkor, à Dunkerque (Nord / Hauts-de-France) est déjà aussi à l’aise qu’active. Sans expérience syndicale antérieure, les militants impressionnent par leur maturité et leur sens des responsabilités.

Avec eux, tout est allé très vite. Ces militants qui composent la toute jeune équipe CFDT de la gigafactory1 Verkor de Dunkerque ont de l’énergie à revendre. Il y a quelques semaines, la plupart étaient à peine adhérents ou, du moins, n’avaient jamais assumé un mandat syndical. Pourtant, à l’annonce de l’organisation d’élections, indispensables, en vue d’installer un CSE, à la fin de l’été 2025, ils se sont lancés. Précisons que l’usine de production de cellules de batteries électriques (un bâtiment long de 800 mètres, large de 200 et vaste comme plus de dix terrains de foot) sort tout juste de terre. Elle ne sera officiellement inaugurée que le 11 décembre 2025. Les machines sont encore en phase de test, certains ateliers en rodage, et tout, sur le plan syndical, reste à construire. Ce vrai défi semble booster les jeunes élus.
C’est d’ailleurs ce goût du challenge qui les a conduits à postuler chez Verkor, dès les premiers mois de démarrage de l’immense projet. « Participer à la création d’une usine, c’est une aventure qui n’est pas donnée plusieurs fois dans une vie », explique Jérôme Dupont, le nouveau délégué syndical, âgé de 47 ans, technicien logistique. Une motivation partagée par ses collègues. Mais, alors, comment ces derniers, qui étaient éloignés du syndicalisme, se sont-ils retrouvés élus portant les couleurs de la CFDT ? Tout cela n’est évidemment pas arrivé tout à fait par hasard.
Une belle opportunité d’implantation
Mieux comprendre cet événement suppose de revenir sur la stratégie de développement menée par l’Union régionale interprofessionnelle (URI) des Hauts-de-France à propos de ce territoire de Dunkerque, en pleine mutation. Dans la zone industrialo-portuaire désormais estampillée ZIBaC (zone industrielle bas carbone), les projets d’implantation industrielle se multiplient (il y en a une petite vingtaine au total), essentiellement tournés vers la décarbonation. La CFDT y a vu une réelle opportunité d’implantation. Non seulement afin d’accueillir et d‘accompagner les nouveaux travailleurs de l’industrie bas carbone dunkerquoise, mais aussi « pour rencontrer les interlocuteurs au sein des entreprises et contribuer à instaurer un dialogue social intelligent et efficace », explique François Kindt, responsable de l’Union locale de Dunkerque et coordinateur du projet TED2. Ainsi, l’été dernier, avec les militants du collectif, il a tracté aux portes de l’usine. « Nous sommes venus deux fois dans le courant du mois d’août. Cela nous a donné l’occasion d’établir un premier contact avec les salariés. »
Bonne équipe et bonne cohésion
Depuis, tout est allé très vite, et de manière étonnamment fluide. La constitution d’une liste CFDT est passée crème : « Nous venions de services différents mais nous avions déjà des affinités », témoigne Pauline Kerkhoff, 38 ans, autre déléguée syndicale et coordinatrice facility management (en l’occurrence, coordinatrice de tous les prestataires de services qui interviennent pour les salariés : nettoyage, restauration, etc.). « On a eu que des super motivés ! », ajoute Jérôme. Lors des élections professionnelles – elles se sont déroulées du 19 au 22 septembre –, l’équipe a raflé 67 % des suffrages au premier tour, rassemblant au total seize élus et deux mandatés. Face à elle, une seule organisation (FO), qui s’est révélée beaucoup moins organisée et convaincante.
« On a une bonne équipe, une bonne cohésion, des compétences très complémentaires. Celui qui sait, il fait. On avance comme ça », résume Jérôme. Y aurait-il un peu de stress à la perspective de tenir leurs premiers comités sociaux et économiques ? Même pas ! « On a bossé et on s’est bien préparé », résume, avec un grand sourire, Djaudi Vanderstraeten, 30 ans, nouvel élu au CSE et technicien de maintenance. Et puis l’équipe sait qu’elle peut compter sur le soutien de François et des militants TED pour toute question, difficulté, besoin de formation. « Mais ils sont très autonomes », affirme François.
Prochain chantier centré sur les adhérents
L’équipe est déjà bien identifiée par les 550 salariés présents sur le site. « Ils viennent nous voir, posent des questions », précise Hayat Sedki, 42 ans, élue au CSE et opératrice de production. C’est un aspect du travail syndical que l’équipe veut consolider. Une tournée de l’ensemble des ateliers de l’usine est donc prévue en décembre 2025, pour mieux connaître les salariés, leurs attentes… et engranger les adhésions ! En matière de dialogue social, il y aura aussi du pain sur la planche – avec la renégociation de l’accord temps de travail, entre autres. « Pour l’instant, les équipes travaillent en deux-huit. Mais, à terme, la direction veut passer en cycles de douze heures. On veut des garanties, notamment au sujet du respect des jours de récupération et de repos », explique Jérôme.
La jeune équipe CFDT veut également négocier une hausse du budget des œuvres sociales (et passer de 0,3 % à 1 %). Elle compte déjà quelques avancées à son actif, comme « un jour de congé supplémentaire à la Saint-Éloi [le 1er décembre]. On a épluché la convention collective, on a vu que ça existait… et on l’a obtenu ! », indique Djaudi. La semaine précédente, Jérôme a menacé d’un droit de retrait dans l’atelier de mixing (préparation à base de mélanges de poudres qui seront ensuite chauffées pour devenir les composants des batteries), en raison d’une fuite de NMP (la N-Méthyl-2-pyrrolidone, de formule chimique C5H9NO), un liquide organique très dangereux qui peut provoquer, entre autres, de sévères irritations (bronches, yeux…). « On a obtenu qu’une réparation ait lieu l’après-midi même, indique Jérôme. Quand on dit quelque chose, ça bouge vite derrière ! »