Partout, les droits des travailleurs se dégradent

temps de lecture Temps de lecture 4 min

icone Extrait de l'hebdo n°3969

Le 2 juin, la Confédération syndicale internationale a publié son “indice CSI des droits dans le monde 2025”. Elle dresse un bilan implacable : dans le monde, les violences à l’encontre des travailleurs et les violations des droits syndicaux augmentent… et l’Europe n’échappe pas à la règle.

Par Guillaume LefèvrePublié le 10/06/2025 à 12h00

image
© CSI

« Depuis plusieurs décennies, les gouvernements collaborent à la déréglementation et au néolibéralisme, ce qui a conduit à l’effondrement des droits des travailleurs. Cette situation a privé des millions de personnes de leurs droits et a ouvert la voie à l’extrémisme, à l’autoritarisme et au coup d’État des milliardaires contre la démocratie, qui menacent aujourd’hui la démocratie elle-même. » Lors de la présentation de la douzième édition de l’indice CSI des droits, Luc Triangle, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (elle regroupe plus de 300 syndicats et 200 millions de travailleurs), ne mâchait pas ses mots. Mais comment en être surpris, hélas, au vu de l’effondrement des droits des travailleurs partout dans le monde et face à la multiplication des arsenaux législatifs restreignant toute activité syndicale ou l’interdisant purement et simplement.

Payer de sa vie son engagement syndical

Selon les données de la CSI, 87 % des pays du monde ont violé le droit de grève et 80 % ont bafoué le droit de négociation collective. L’accès des travailleurs à la justice a été restreint dans 72 % pays (+ 7 points en seulement un an) – le pire taux enregistré depuis la publication du premier indice, il y a plus d’une décennie. Des travailleurs ont été arrêtés et/ou emprisonnés dans 74 pays, de la Biélorussie (Europe) à Hongkong (Asie) en passant par l’Égypte (Afrique). Au Pérou, au Cameroun, en Colombie, au Guatemala et en Afrique du Sud, des syndicalistes ont été assassinés pour avoir défendu les droits des travailleuses et des travailleurs.

D’ordinaire plutôt bonne élève, l’Europe n’échappe pas à cette spirale infernale. L’accession au pouvoir de partis populistes, conservateurs et d’extrême droite, en Hongrie, Slovaquie, Italie ou Finlande, n’y est pas étrangère, bien au contraire, prévient la CSI. Avec des conséquences très concrètes : le droit de grève a été violé dans 73 % des pays européens. En outre, nombre de gouvernements ont élargi de manière excessive la définition de « services essentiels » afin de restreindre et contourner le droit de grève (entre autres en Albanie, Finlande, Moldavie). Le droit de constituer un syndicat a été mis à mal dans quatre pays sur dix. Les libertés d’expression et de réunion ont, quant à elles, été limitées dans 17 % des États. La CSI alerte également sur l’essor des « syndicats jaunes » en Arménie, en Grèce ou aux Pays-Bas. Le rapport n’épargne d’ailleurs pas la France : la CSI y constate un service minimum qui tend à s’imposer peu à peu comme la norme dans les services publics.

Seuls sept pays obtiennent la note maximale

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

Dans le monde, seuls l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Irlande, l’Islande, la Norvège et la Suède ont obtenu la note maximale. L’Italie a quitté ce peloton de tête à la suite des mesures prises par le gouvernement de la néofasciste Georgia Meloni, mesures qui visent à affaiblir le droit de manifester. Rappelons qu’il y a à peine une décennie, dix-huit pays décrochaient la note maximale. « Si le déclin se poursuit à ce rythme, dans dix ans, plus aucun pays au monde n’obtiendra la note la plus élevée en matière de respect des droits des travailleurs. Ce scandale mondial n’est toutefois pas inéluctable, affirme Luc Triangle. Ensemble, avec des syndicats forts et indépendants et une démocratie qui bénéficie à tous, nous pouvons reprendre le pouvoir et reconstruire des économies qui servent les personnes et non les entreprises. »