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Nouvelle-Calédonie : un accord politique, et après ?

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icone Extrait de l'hebdo n°3975

Après plus d’un an de tensions et de violences sur le Caillou, le ministre des Outre-mer et les acteurs politiques néo-calédoniens ont trouvé, le 12 juillet, un accord visant à ouvrir une nouvelle page de l’histoire du territoire ultramarin. Si ce texte est porteur d’espoir, l’Usoenc rappelle que le processus de reconstruction devra impérativement passer par le dialogue social.

Par Guillaume LefèvrePublié le 22/07/2025 à 12h00

François Bayrou, Premier ministre, Manuel Valls, ministre des Outre-mer, et Emmanuel Macron, président de la République, le 12 juillet 2025 à l’Élysée, avec les négociateurs lors de la conclusion du Sommet pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
François Bayrou, Premier ministre, Manuel Valls, ministre des Outre-mer, et Emmanuel Macron, président de la République, le 12 juillet 2025 à l’Élysée, avec les négociateurs lors de la conclusion du Sommet pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.© Éric Tschaen/RÉA

« La Nouvelle-Calédonie réaffirme sa volonté de reconstruire son projet de société, son économie et de bâtir un avenir stable et prospère. Le présent accord […] propose une nouvelle organisation politique, une souveraineté plus partagée encore, une refondation économique et sociale, un destin commun », peut-on lire dans le préambule du document final signé le 12 juillet à Bougival (Yvelines / Île-de-France).

Cet accord de 13 pages est sous-titré « Le pari de la confiance » et a été signé par les différences forces politiques néo-calédoniennes et Manuel Valls, le ministre des Outre-mer. Il doit permettre de tourner la page d’une année de chaos économique, social et politique et d’ouvrir un nouveau chapitre. Mais les équilibres restent fragiles. L’année écoulée a été endeuillée par la mort de 14 personnes, mais aussi marquée par une chute de 20 % du PIB, la destruction de plus de 11 000 emplois et des dégâts matériels estimés à hauteur de 2 milliards d’euros.

Ce que prévoit le texte

L’accord, qui doit être approuvé par le vote des Néo-Calédoniens lors d’un référendum en février 2026, promet une réforme institutionnelle du Caillou et la création d’une nationalité calédonienne (se joignant à la nationalité française). Des discussions doivent s’ouvrir autour d’un éventuel transfert de compétences entre l’État français et la Nouvelle-Calédonie.

Surtout, le texte acte la création d’un « pacte de refondation économique et financière » – dont les contours restent à préciser – devant permettre « le redressement des comptes sociaux, l’assainissement des comptes publics et la diversification économique ». Poumon économique de l’île et pourvoyeur d’emplois, la filière nickel se verra dotée d’un plan stratégique.

L’Usoenc a su faire entendre ses propositions

« Si le texte est porteur d’espoir, les décisions économiques et leurs impacts sociaux devront impérativement faire l’objet d’un dialogue social constructif et soutenu avec les représentants des travailleurs », prévient la secrétaire nationale CFDT Béatrice Lestic dans Syndicalisme Hebdo.

L’Union des syndicats des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie (Usoenc), partenaire syndical de la CFDT, se félicite d’avoir largement contribué à enrichir les discussions du fait de sa participation aux concertations relatives à la situation économique et sociale qui se tenaient en parallèle des discussions politiques. Vie chère, difficultés à se loger, transition énergétique, filière nickel à bout de souffle… : elle a mis tous les sujets sur la table. L’Usoenc – qui réclamait un plan d’une relance « globale, durable et juste » s’appuyant sur des investissements dans divers secteurs (formation, transition énergétique, économie bleue, tourisme durable, agriculture locale, jeunesse), le principe de solidarité et le renforcement du dialogue social – a en partie été entendue.

« Nous avons pu faire intégrer certaines de nos propositions dans les champs qui sont les nôtres et porter la voix de celles et ceux que l’on n’entend plus : les travailleurs, les retraités, les jeunes, les familles calédoniennes, poursuit Jean-Marc Burette, le secrétaire général de l’Usoenc. Il s’agit d’une avancée notable pour la Nouvelle-Calédonie. Toutefois, soyons vigilants, le texte fixe seulement une trajectoire et une liste de thématiques à aborder. Il reste encore beaucoup à faire. Précisons également que l’accord ne répond pas aux enjeux de court terme, à savoir, pour les Néo-Calédoniens, se loger, se nourrir, travailler, se déplacer. On reconstruit, d’accord, mais en attendant, quels sont les amortisseurs sociaux ? »

Un indispensable plan stratégique nickel

L’élaboration d’un plan stratégique nickel, « en concertation avec tous les acteurs », constitue également une réponse aux revendications de l’Usoenc. Le secteur et ses groupes industriels sont en crise : la Société Le Nickel (SLN) vacille ; Prony Resources Nouvelle-Calédonie est dans l’attente d’un repreneur ; les activités de production et de transformation sont à l’arrêt. Rappelons qu’en août 2024, l’usine KNS avait fermé ses portes, laissant sur le carreau 1 200 salariés et détruisant des milliers d’emplois indirects.

Ce plan stratégique nickel pourrait donc permettre de s’attaquer au prix de l’énergie qui plombe la rentabilité du nickel néo-calédonien et lui offrir la possibilité de diversifier et réorienter les exportations, avec l’Union européenne notamment, alors que 80 % de la production est aujourd’hui destinée à l’Asie. Dès la fin de ce mois de juillet, l’Usoenc sera présente autour de la table avec les membres du gouvernement néo-calédonien pour parler de l’avenir de la filière. « Nous prendrons nos responsabilités », affirme Alexis Falematagia, du Soenc Nickel.

Un référendum sur l’accord en février 2026

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

Du dire au faire, la route est encore longue. Elle passera d’abord par les suffrages des habitants du territoire ultramarin à l’horizon 2026. Quoi qu’il arrive, l’Usoenc estime qu’il sera nécessaire d’impliquer les partenaires sociaux dans chaque étape du processus de reconstruction. « Le dialogue social ne doit plus être vu comme un obstacle mais comme un outil de reconstruction collective. La voix des syndicats doit être entendue, reconnue et intégrée. C’est une condition indispensable pour coécrire une trajectoire commune. »