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Le syndicalisme face à l’extrême droite
La section CFDT du centre hospitalier de Besançon (Doubs) observe de la discrimination dans l’accueil des patients et la tenue de propos intolérables chez certains collègues. Une réalité qu’il faut regarder en face.

En 2024, lors des élections législatives, dans la préfecture du Doubs près d’un habitant sur quatre confiait son suffrage au Rassemblement national un taux deux fois plus élevé qu’en 2017. Dans le département, le parti recueillait 32,31% au second tour, contre 15,10% sept ans auparavant. « Nous ne sommes pas épargnés par la progression du Rassemblement national et de ses idées parmi les personnels hospitaliers », alerte Marc Puyraveau, secrétaire de la section CFDT au CHU de Besançon.
Une note du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), parue en 2024, confirmait cette tendance, révélant que 35 % des agents de la fonction publique hospitalière avaient voté pour un candidat nationaliste. Un défi pour la section, première organisation syndicale de l’établissement public de 7 000 agents.
Une dégradation de la prise en charge
« C’est toujours les mêmes qu’on soigne » ; « Avec eux, il y a toujours des problèmes » ; « Ce n’est pas normal que les soins ne leur coûtent quasiment rien »… L’hôpital n’est plus sanctuarisé. Comme dans le reste de la société, dans les couloirs, en salle de pause, parfois même dans les échanges entre adhérents, les conversations sont « décomplexées ».
L’élue CFDT Valérie Tesser-Lamy a été témoin de remarques affligeantes à propos d’un enfant hospitalisé qui avait emmené son doudou, afin de se rassurer lors de son séjour à l’hôpital. Un agent a dit : « Je suis sûr que ce sont mes impôts qui ont payé le jouet du gamin. » Plus grave, elle observe un contraste dans l’accueil des usagers : « Si la prise en charge technique reste la même, l’accompagnement peut différer en fonction des origines supposées. Dans une situation où un patient a besoin d’être rassuré, certains agents ne lui tiendront pas la main, se contenteront de faire le minimum. Ce sont pourtant des gestes essentiels au bien-être. »
“ Nous changerons la donne en écoutant et en parlant avec ceux qui sont en colère ou qui vivent un sentiment de déclassement.”
Le sujet ne doit pas être tabou
« Cela confirme que le sujet ne doit pas être tabou », martèle Marc Puyraveau. La section cherche à comprendre les ressorts du vote RN afin de mieux le combattre. Pour le syndicaliste, si une frange des électeurs partage la doctrine xénophobe, misogyne et rétrograde de l’extrême droite, il est convaincu que tous ne sont pas racistes, et il appelle à ne pas généraliser.
Marc Puyraveau insiste surtout sur les deux leviers à disposition pour faire évoluer les mentalités : le dialogue avec les collègues et le dialogue social avec la direction. « Nous changerons la donne en écoutant et en parlant avec ceux qui sont en colère ou qui vivent un sentiment de déclassement. Nous changerons la donne en agissant sur le pouvoir d’achat et sur les conditions de travail. » De la théorie à la pratique, il n’y a qu’un pas. Il y a un an, la CFDT obtenait la titularisation de 250 agents – avec des revalorisations salariales à la clé – et elle s’apprête à négocier l’organisation du travail.