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Le syndicalisme face à l’extrême droite
Essayiste, ex-conseiller de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, Hakim el Karoui et ses coauteurs font le récit des conséquences d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir*.

Votre ouvrage sonne comme un avertissement, évoquant ce qui risque de nous arriver en cas de victoire de Marine Le Pen à la présidence de la République. Vous vouliez créer l’effroi ? Le sursaut ?
Il n’était pas dans notre intention de créer l’effroi, mais un effet de réel… Et cet effet de réel est effrayant ! On ne voulait justement pas être caricaturaux ou loufoques, mais crédibles.
Notre engagement est clair : combattre les idées d’extrême droite. La méthode que nous avons choisie, c’est partir du programme du Rassemblement national, de leurs positionnements, et montrer comment, petit à petit, un engrenage se mettrait en place, pour aboutir au chaos, et à une remise en question de l’État de droit. Ce livre est aussi une réponse à ceux qui se disent : « On ne les a pas essayés. » Alors, voilà ce qui va se passer si on les essaye… Contrairement aux autres partis, ces gens n’ont jamais été au pouvoir, depuis 1944. Donc, personne n’a la mémoire de ce qu’est l’extrême droite au pouvoir. D’autant plus qu’ils ont lissé leur image, et cherchent à faire accroire leur « normalisation »…
Ce n’est donc pas de la politique-fiction ?
Ce que nous racontons dans le livre, c’est ce qui figure véritablement dans leur programme, dans leurs textes. Nous avons donc développé un scénario à partir des lignes principales de leur projet, dont la préférence nationale et les cinq catégories considérées comme ennemies : les bobos des centres-villes, les « cassos », le monde de la culture, les étrangers et les immigrés.
“En fait, ils n’ont aucune doctrine, aucune colonne vertébrale. Regardez leur position sur les retraites : ils en ont changé comme de chemise.”
Le RN se présente comme le parti des travailleurs. Comment contrer cette idée ? Quelles sont ses positions sur le travail ?
Le Rassemblement national s’est peu exprimé sur le sujet, mis à part le fait de dire qu’il n’aime pas les corps intermédiaires et les syndicats. Pour le reste, ces gens sont totalement démagogues. Ils sont pour le bien et contre le mal : ils sont contre les licenciements, mais pour les augmentations de salaires, pour la baisse des factures EDF, pour la baisse des impôts, pour l’augmentation des prestations, sauf pour les immigrés et les « cassos »...
En fait, ils n’ont aucune doctrine, aucune colonne vertébrale. Regardez leur position sur les retraites : ils en ont changé comme de chemise. À cela, il faut ajouter la dichotomie entre ce que l’on pourrait appeler le « RN du Nord » et le « RN du Sud ». Ce dernier, porté par la tendance Marion Maréchal, est identitaire et ultralibéral, hostile aux impôts, à l’intervention de l’État.
Et le RN du Nord, c’est l’inverse : il prône l’intervention de l’État. Seule leur position sur l’immigration est commune. Ce que l’on peut donc craindre, s’ils parviennent au pouvoir, c’est qu’ils fassent comme Trump : de l’identitaire, en rejetant les responsabilités sur les étrangers. Au bout du bout, c’est le chaos complet dans le pays ! Ils sont comme tous les populistes : leur sujet n’est pas de gérer l’intérêt général, mais une somme d’intérêts particuliers. Souvenons-nous aussi que le vote d’extrême droite est un vote de ressentiment. S’ils arrivent au pouvoir, ils feront comme les autres populistes : ils vont régler leurs comptes. Regardez ce qui se passe aux États-Unis : nous avons la dystopie en temps réel avec Trump.
* Marine Le Pen présidente. Dystopie politique 2026-2029. Hakim El Karoui, Guillaume Hannezo et Thierry Pech. Éditions Les Petits matins, « Essais », 260 pages.