Réinstaurer la culture du dialogue

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Le syndicalisme face à l’extrême droite

La CFDT Bourgogne-Franche-Comté a créé des formations à destination de ses militants afin de les aider à s’exprimer, apprendre à débattre et identifier les idées d’extrême droite. Reportage lors d’une des premières sessions, à Belfort.

Par Fabrice DedieuPublié le 02/06/2025 à 12h00

Les militantes et militants assistent à la formation : « Armons-nous contre les idées d’extrême droite », prodiguée par la CFDT Bourgogne-Franche-Comté.
Les militantes et militants assistent à la formation : « Armons-nous contre les idées d’extrême droite », prodiguée par la CFDT Bourgogne-Franche-Comté.© Joseph Melin

La Bourgogne-Franche-Comté ne fait pas exception : les suffrages en faveur des formations d’extrême droite progressent d’élection en élection. Douze des vingt-sept députés de la région sont désormais issus du parti de Marine Le Pen. « Alors que la CFDT s’est engagée dans la campagne des législatives, des militants et des adhérents nous ont dit qu’ils ne comprenaient pas l’engagement de la CFDT à faire barrage à l’extrême droite, explique Mélanie Meier, de la CFDT Bourgogne-Franche-Comté. Je me suis dit à ce moment-là qu’il y avait des choses à faire, qu’on ne pouvait pas en rester là. » Cette réflexion aboutit à la création d’une formation au titre évocateur : « Armons-nous contre les idées d’extrême droite ».

L’extrême droite, c’est…

Ce 18 mars, une quinzaine de militants de différents champs professionnels, du public et du privé, se retrouvent à la Maison du Peuple de Belfort, siège des organisations syndicales locales.

La formation, qui va durer toute la journée, commence par un exercice de remue-méninges : « Je vous propose de partir sur une définition commune. Qu’est-ce que ça vous évoque, l’extrême droite ? », interroge Mélanie Meier, qui coanime la journée. « Ça m’évoque une absence de dialogue », tente une militante. « Une perte de libertés », renchérit une autre. « L’intolérance », poursuit un militant. Les idées fusent, et chacun s’exprime. Le groupe se met d’accord : l’extrême droite, c’est un ensemble « d’idéologies qui inspirent et utilisent la peur pour véhiculer la haine de l’autre. Des idées conservatrices aux programmes mensongers et aux arguments discriminants, racistes, basés sur l’intolérance. Ces idées traditionalistes, nostalgiques de “l’ancien monde”, constituent un danger pour les acquis sociaux et sont en totale contradiction avec les valeurs défendues par la CFDT ».

Un peu avant 11 heures, le projecteur s’allume. Gérald Uhlrich, qui coanime la journée avec Mélanie, prend la parole pour un moment plus théorique. Les diapositives projetées reviennent sur l’histoire de l’extrême droite, des ultramonarchistes au Rassemblement national, les scores électoraux, ses doctrines et ses prises de position au Parlement européen ou à l’Assemblée nationale, contre le climat ou contre la régulation de l’installation des médecins qui permettrait de lutter contre les déserts médicaux.

Après une pause, une nouvelle activité commence. Sur la table, plusieurs cartes portent inscrites sur leur face des idées reçues, entendues, du côté de l’extrême droite : « L’Union européenne est un boulet au pied de la France » ; « Les étrangers sont beaucoup plus délinquants que les Français » ; ou encore : « Il faut expulser tous les étrangers qui ne veulent pas travailler ».

En duo, les militantes et militants débattent. Une personne argumente pour, tandis que l’autre apporte le contradictoire et démonte ces fausses idées. « L’objectif, avec ce jeu de cartes, c’est de susciter le débat, de pouvoir s’exprimer librement et dédramatiser le sujet », souligne Mélanie.

Mélanie Meier et Gérald Uhlrich de la CFDT Bourgogne-Franche-Comté, co-animateurs de la formation « Armons-nous contre les idées d’extrême droite ».
Mélanie Meier et Gérald Uhlrich de la CFDT Bourgogne-Franche-Comté, co-animateurs de la formation « Armons-nous contre les idées d’extrême droite ».© Joseph Melin

Et effectivement, le débat n’est pas toujours évident, reconnaît Fabien, du Syndicat CFDT Communication Conseil Culture Franche-Comté : « Aujourd’hui, j’ai des collègues à convaincre, et je manque d’arguments. » Sandrine, du syndicat Interco (collectivités locales), y voit aussi un intérêt : « Il faut en parler, mais ce n’est pas toujours facile car les personnes se braquent. Il faut savoir discuter calmement, quitte à y revenir plus tard, et démonter les idées reçues. » Selon, Jean-Luc, du Syndicat de la métallurgie de Franche-Comté, « contredire ces fausses vérités, il n’y a que ça qui fonctionne ».

Être conscient des enjeux

À propos de l'auteur

Fabrice Dedieu
Journaliste

La journée se termine et le bilan est positif selon Mélanie : « Certains se sont rendu compte que la culture du débat s’était un peu perdue dans leur syndicat… Si on a pu susciter cette envie d’en parler dans leur structure, c’est gagné. La formation leur montre aussi qu’il n’y a pas besoin d’être un expert pour être conscient des enjeux. » Le travail ne s’arrête pas là pour la militante. De nouvelles dates de formation sont prévues bientôt à Auxerre et Chalon-sur-Saône… et les sessions affichent déjà complet. La preuve que le besoin d’en parler et d’agir est bien présent.