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Extrait de l’hebdo n°3836
Le 6 juillet, la Première ministre, Élisabeth Borne, a dressé les priorités de son gouvernement et appelé à bâtir des compromis afin d’éviter l’immobilisme.

Le discours de politique générale est un baptême du feu pour chaque Premier ministre. Cette fois-ci, peut-être plus encore. Près de deux mois après sa nomination à Matignon, Élisabeth Borne a donc énoncé quelques-unes des grandes réformes qu’elle souhaite engager au nom de son gouvernement, tout en affirmant que chaque texte sera abordé « dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture ». De fait, les résultats des législatives et la composition inédite de l’Assemblée rendent la recherche de compromis obligatoire pour espérer faire adopter le moindre texte. Annonçant une nouvelle page de notre histoire politique et parlementaire, la Première ministre a également appelé à mener « chaque réforme en lien avec les organisations syndicales et patronales ».
Pouvoir d’achat et plein-emploi
Moins de 24 heures avant la présentation en Conseil des ministres de son premier projet de loi, l’exécutif rappelait son premier défi, à savoir « répondre à l’urgence du pouvoir d’achat [par] des mesures concrètes, rapides et efficaces ». Outre la prolongation du bouclier tarifaire et l’augmentation des revenus du travail à travers le triplement de la prime Macron, figure dans ce texte la régulation de l’accès au logement via le plafonnement de la hausse des loyers.
En parallèle, la Première ministre est venue préciser le deuxième défi de ce quinquennat érigé comme une des clés du « pouvoir d’achat durable » : le plein-emploi. « Nous devons changer notre rapport au travail, et le cœur de ce changement, c’est le plein-emploi et le bon emploi », a plaidé l’ancienne ministre du Travail, n’hésitant pas à affirmer que « la moitié du chemin [a déjà été faite] lors du précédent quinquennat ». Devant les parlementaires, elle appelle donc à franchir la deuxième étape, qui suppose « d’œuvrer à l’attractivité des métiers [et de] ramener vers l’emploi ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail ». Revenant sur la réforme du RSA proposée par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, le gouvernement réitère sa volonté de rétablir « un équilibre entre les droits et les devoirs ».
Gardant le plus clivant pour la fin, la Première ministre lie directement l’atteinte du plein-emploi au « financement de notre modèle social » – en l’occurrence à une nouvelle réforme des retraites. Tout en affirmant que celle-ci serait « menée dans la concertation avec les partenaires sociaux », et sans donner de précisions en matière de calendrier, elle réaffirme sa conviction qu’une telle réforme est indispensable. La CFDT, par la voix de Laurent Berger, prévient : « Chez les travailleurs, l’inquiétude domine. Si vous rajoutez à ça l’idée de lancer une réforme des retraites, c’est intenable. Annoncer à la rentrée le report de l’âge légal du départ à la retraite, c’est le chaos social », dans l’édition datée du 7 juillet de Libération.
Sur la transition écologique, le choix de la radicalité
Face à l’urgence climatique, la Première ministre, directement chargée par le chef de l’État de la planification écologique du gouvernement, fait une promesse : chaque ministre aura une feuille de route climat et biodiversité ; et annonce également une « concertation, filière par filière, territoire par territoire », en vue d’une loi d’orientation (lire l’encadré). La révolution écologique passe selon elle par des innovations, des filières nouvelles, des emplois d’avenir, et doit aller « de pair avec un engagement pour la formation et la reconversion ». Elle adresse aussi un message au patronat : leur rémunération dépendra de l’atteinte des objectifs environnementaux.
Pour atteindre l’engagement européen de neutralité carbone en 2050, elle appelle à « des transformations radiales dans les manières de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer », mais aussi à décarboner la production énergétique en se dotant « d’un mix énergétique équilibré autour des énergies renouvelables et du nucléaire ». C’est en ce sens qu’elle a confirmé l’intention du gouvernement que l’État détienne 100 % du capital d’EDF. Inquiète des conséquences de cette annonce, la FCE-CFDT a rappelé dans un communiqué « son opposition à tout démantèlement du groupe, dont les objectifs seraient capitalistiques et non portés par un véritable projet industriel inscrit dans les objectifs de la transition écologique ».
Sobriété énergétique : les discussions commencent
Quelques jours après la réunion d’ensemble avec les partenaires sociaux sur l’enjeu de la sobriété, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, lançait un groupe de travail rassemblant les acteurs du commerce et des établissements recevant du public. Il s’agit de trouver les moyens de réduire de 10 % la consommation énergétique française pendant les deux prochaines années, dans un contexte de difficultés d’approvisionnement en gaz et en électricité et de fortes hausses des prix de l’énergie. Pour rappel, les bâtiments tertiaires doivent réduire de 40 % leur consommation énergétique d’ici à 2030. La feuille de route issue de ces travaux pourrait être présentée cet automne.