Temps de lecture 4 min
Pour les organisations syndicales, la négociation relative aux retraites s’est achevée le 23 juin sur un constat d’échec. La proposition du Premier ministre de “remettre le couvert” n’a pas de sens vu l’attitude du patronat, qui refuse de partager l’effort.

Les organisations syndicales qui sont allées au bout des discussions du « conclave » (CFDT, CFTC et CFE-CGC) parlent aujourd’hui d’une seule voix : il est hors de question qu’elles se remettent autour d’une table avec le patronat afin d’entamer un nouveau round de discussions. La proposition du Premier ministre de remettre le couvert pendant deux à trois semaines pour « tenter de trouver un accord d’ici la mi-juillet » a accueilli un refus poli mais ferme. « Le conclave est terminé depuis lundi, a fait savoir Marylise Léon. Notre Bureau national [il s’est réuni le 27 juin dans la matinée] a été unanime à ce sujet. »
Dans un communiqué commun, les trois confédérations ont rappelé les raisons qui ont conduit à l’échec des discussions. Contrairement à ce qu’a laissé entendre François Bayrou lors de son allocation, jeudi dernier, les divergences entre les organisations syndicales et patronales ne portent pas sur des points mineurs mais bien sur le cœur du sujet.
Le patronat doit participer aux efforts
Le premier désaccord porte sur la manière de financer les mesures de justice sociale, autrement dit la façon de répartir les efforts. Selon les syndicats, le patronat doit participer à l’effort d’une manière ou d’une autre. Dans la dernière version du texte proposé par le facilitateur des discussions, Jean-Jacques Marette, on trouvait une hausse de deux points du forfait social ; or le patronat en a fait une ligne rouge, refusant toute contribution.
La nécessaire prise en compte de la pénibilité
Le deuxième désaccord très important porte sur la pénibilité. Lors des discussions, les organisations syndicales avaient accepté de mettre de côté un âge légal de départ à 64 ans en vue d’obtenir un nombre élevé de départs anticipés pour pénibilité. Et, là encore, le patronat est resté inflexible, refusant tout départ avant 64 ans des salariés relevant des trois critères de pénibilité ergonomiques qui ont été retirés du C2P1 en 2017 (en l’occurrence le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques). Le patronat a même osé proposer que les points accumulés sur le C2P ne puissent plus être mobilisés pour partir à la retraite de manière anticipée – une véritable provocation aux yeux des syndicats !
Les trois confédérations précisent tout de même que ces quatre mois d’échanges auront permis de dégager des pistes pour atténuer la réforme de 2023. Les partenaires sociaux auront ainsi beaucoup avancé sur les mesures en direction des femmes. De l’avis de l’ensemble des participants au conclave, il semble possible pour celles ayant eu un ou deux enfants de calculer leur pension sur les 24 meilleures années (un enfant) ou les 23 (2 enfants) au lieu de 25 actuellement. Les négociateurs s’étaient aussi retrouvés sur la possibilité de leur accorder deux trimestres supplémentaires par enfant afin qu’elles puissent accéder plus facilement au système de carrière longue.
Des mesures de justice sociale dont il faut s’inspirer
Enfin, le passage de 67 à 66,5 ans de l’âge de l’annulation de la décote aurait offert un coup de pouce aux salariés les plus fragiles, dont beaucoup de femmes. La CFDT pense qu’il revient au gouvernement puis au Parlement de reprendre ces mesures lors de l’élaboration du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2026. « Il n’existe qu’une voie de passage : celle de la justice sociale et du partage des efforts financiers », concluent unanimement la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC. Le patronat n’aura pas permis d’emprunter cette voie à l’issue du conclave. Une occasion manquée pour la démocratie sociale…