Deux mois de mobilisation contre la vie chère en Martinique

temps de lectureTemps de lecture 4 min

iconeExtrait de l’hebdo n°3935

Depuis deux mois, l’île est le théâtre de mobilisations massives contre la hausse du coût de la vie et la forte inflation. Face à la dégradation du pouvoir d’achat des 350 000 habitants et à la montée des violences, la CFDT lance un appel au dialogue et formule des propositions.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 01/10/2024 à 12h00

Entre Bastille et Nation, à Paris, le samedi 21 septembre, une centaine de manifestants ont exprimé leur colère face à la vie chère aux Antilles et leur soutien aux manifestations qui agitent notamment la Martinique.
Entre Bastille et Nation, à Paris, le samedi 21 septembre, une centaine de manifestants ont exprimé leur colère face à la vie chère aux Antilles et leur soutien aux manifestations qui agitent notamment la Martinique.© Thierry Nectoux

« Les revendications portées par la population martiniquaise sont justes, et elles doivent être entendues à tous les niveaux, affirme Paul-Émile Beausoleil, secrétaire général de la CFDT Martinique. La problématique de la vie chère est une question centrale pour la CFDT, or, aujourd’hui, le pouvoir d’achat des Martiniquais est mis à mal, et cela risque de s’aggraver. » Il n’est pas inutile de rappeler que l’Insee, dans son « Panorama de la pauvreté en Martinique : une diversité de situations individuelles et territoriales », estime à 44 300 le nombre de ménages martiniquais vivant en dessous du seuil de pauvreté – soit 27 % de la population régionale (contre 14,4 % au niveau national) et 32 % des enfants.

1. Les données étudiées concernent l’année 2022, la note a été publiée en 2023.

L’Institut national de la statistique et des études économiques, dans cette publication1, précise que les produits alimentaires sont 40 % plus chers en Martinique qu’en France métropolitaine, que les dépenses liées à la santé y sont plus élevées (+ 13 %) ainsi que celles liées aux services de communication (+ 37 %). Toujours d’après cette note, le coût global de la vie est supérieur de 14 % en Martinique par rapport au reste du territoire national.

Enrayer la spirale infernale

Au-delà des écarts constatés avec la métropole, c’est également la hausse ininterrompue des prix qui inquiète la population et fragilise son portefeuille. En 2023, les prix de l’alimentation ont bondi de 4,6 %, celui de l’énergie de 5,6 %, celui des services de 2,3 %. Ces chiffres sont à mettre en parallèle avec le taux de chômage, qui a lui aussi bondi en un an, atteignant 14,3 % au premier semestre 2024 contre 10,6 % au premier semestre 2023, selon le « Tableau de bord de la conjoncture : Martinique ».

Selon la CFDT Martinique, il est grand temps d’enrayer cette spirale. « Cette triste réalité souligne l’urgence d’agir en profondeur afin de permettre à tous les Martiniquais de vivre dignement », alerte Paul-Émile Beausoleil. Et cela doit passer par un dialogue avec l’ensemble des acteurs, ce qui est loin d’être une évidence à ce jour. « Nous déplorons un manque de concertation, alors même que la négociation est possible », alertait la CFDT Martinique dans un courrier adressé au préfet de la collectivité le 24 septembre dernier.

Produire plus localement, une réponse concrète à la crise

En vue de sortir de cette situation très tendue, la CFDT Martinique propose plusieurs solutions. Comme en 2011, déjà, lors de mobilisations massives contre la vie chère, elle avait pris ses responsabilités après trente-huit jours de grève générale. « Cela commence par la nécessaire révision des politiques publiques et économiques, explique Paul-Émile Beausoleil. Aujourd’hui, pour trouver des solutions durables, il est impératif que tous les acteurs, les partenaires sociaux, l’État, la collectivité territoriale de Martinique, les collectivités locales ainsi que la grande distribution s’engagent sincèrement dans une démarche de révision profonde de notre modèle économique. Le statu quo n’est plus acceptable. »

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

Les militants CFDT souhaitent par ailleurs que l’État repense la gestion du patrimoine foncier agricole local. « Nous avons besoin d’une réforme ambitieuse qui permette aux agriculteurs d’exploiter davantage de terres afin de nourrir la population locale et de réduire notre dépendance à l’importation. » Enfin, la CFDT Martinique appelle à favoriser l’installation d’enseignes de hard discount sur le sol martiniquais. « L’introduction de ces acteurs devrait accroître la concurrence et remettre en question les pratiques commerciales des distributeurs en place ; ces derniers sont souvent perçus comme ceux qui profitent d’une situation monopolistique pour imposer des prix élevés. »