Du local au national, une CFDT tout-terrain

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icone Extrait de l'hebdo n°3972

À Saintes (Charente-Maritime / Nouvelle-Aquitaine), la CFDT a fait de la clinique Richelieu un bastion. Son mode d’action et ses résultats lui ont permis de gagner la confiance des salariés. Et si la section préfère jouer la carte du dialogue social, elle n’hésite pas à recourir à la grève lorsque c’est nécessaire.

Par Guillaume LefèvrePublié le 01/07/2025 à 12h00

À la clinique Richelieu de Saintes ; de gauche à droite : Éva Giraud, Célia, Christelle et Anne-Marie.
À la clinique Richelieu de Saintes ; de gauche à droite : Éva Giraud, Célia, Christelle et Anne-Marie.© Syndheb

« On ne lâche rien et on ne lâchera rien », prévient Éva Giraud, secrétaire administrative et secrétaire de la section CFDT de la clinique Richelieu, un établissement comptant 65 salariés et appartenant à la galaxie du groupe de santé privé Vivalto. Cette marque compte une centaine d’établissements répartis sur l’ensemble du territoire national… et son nom revient assez souvent dans l’actualité. Il faut dire que le géant de la branche privée lucrative fait partie des huit groupes de santé privés (le « grand huit ») assignés en justice par la CFDT Santé-Sociaux, parce qu’ils refusent encore d’appliquer les revalorisations salariales et les nouvelles classifications prévues par l’avenant 33.

Conséquences de la non-application de l’avenant 33

Ce texte, signé en février 2023 par la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et la CFDT, aurait dû entrer en vigueur au 31 décembre 2024. Oui, mais voilà, les employeurs n’appliquent pas les nouvelles règles du jeu. Une telle fin de non-recevoir (alors que les cliniques privées comptent jusqu’à 70 coefficients en dessous du Smic) adressée à 260 000 salariés ne passe résolument pas, que ce soit à Saintes ou ailleurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que la section CFDT s’est rendue à Paris, répondant ainsi à l’appel de la Fédération Santé-Sociaux à se rassembler devant le tribunal judiciaire de Paris à l’occasion de la première audience de la procédure judiciaire à l’encontre du « grand huit » patronal.

Ce message, elle le relaye aussi à l’échelon local tout en continuant à mobiliser les salariés sur un sujet vital pour l’avenir de la branche. La très forte participation à la journée d’action nationale du 18 juin 2024 témoigne de la capacité de mobilisation de la CFDT : 50 % des salariés avaient fait grève et affiché leur mécontentement devant l’entrée principale de la clinique Richelieu de Saintes.

Précisons que dans cet établissement, la voix orange porte : la CFDT est la seule organisation syndicale présente depuis 2015 et compte une dizaine d’adhérentes et d’adhérents. C’est le fruit d’un patient travail de terrain et de la stratégie de la « porte ouverte ». Au propre comme au figuré puisque la porte du local syndical est toujours ouverte, de même que celle du dialogue social. « Comme je déteste éteindre les incendies, je préfère ne pas les allumer ! », explique Éva Giraud. Mais si les mobilisations se comptaient auparavant sur les doigts d’une main, les choses ont changé depuis la crise Covid.

Démontrer sa capacité à mobiliser

En juillet 2020, il y a cinq ans, la section avait lancé un mouvement de grève illimitée porté par Éva Giraud, alors qu’elle n’était pas encore syndiquée. Elle revendiquait des revalorisations salariales et la suppression des « compteurs d’heures négatifs » que souhaitait mettre en place la direction de la clinique au lendemain de la crise sanitaire. Concrètement, la direction exigeait des salariés qu’ils rendent des heures qu’elle estimait non travaillées du fait du confinement. C’était évidemment hors de question ; la section a rappelé que « ces heures avaient été effectuées sous forme d’astreintes et assorties d’une demande informelle de disponibilité ».

Face à une décision inacceptable, la section CFDT n’a eu d’autre choix que d’appeler à la mobilisation, avec succès. Les 3 et 6 juillet 2024, 80 % des effectifs se sont mis en grève – une première pour beaucoup d’entre eux et un motif de satisfaction pour les militants. Bien que les résultats n’aient pas été à la hauteur des espérances, la section CFDT a largement démontré sa capacité à mobiliser.

De fait, si elle n’a pas obtenu gain de cause concernant l’ensemble de ses revendications, la mobilisation n’aura cependant pas été vaine. Cette dernière a débouché sur la mise en place de mesures d’amélioration des conditions de travail (les process de communication entre les cadres de santé et les salariés, la résolution de dysfonctionnements liés au manque de matériel, de personnel et à l’organisation du travail). Autre bonne nouvelle : l’obtention d’une prime de 600 euros. « C’est à ce moment-là que j’ai compris que nous pouvions faire bouger les choses et que j’aimais m’engager pour mes collègues », se souvient Éva Giraud, qui n’était donc pas encore adhérente à la CFDT.

Assurer la relève

Cette soif de justice, elle s’attelle à la transmettre à ses collègues. En deux ans, la section CFDT a vu ses effectifs plus que doubler ; aujourd’hui, 15 % des personnels de la clinique font partie de la famille cédétiste, et tous ont une bonne raison d’avoir franchi le pas. « Lorsque j’ai eu des ennuis, j’ai pu compter sur le soutien de la CFDT », explique Laurence, gouvernante présente sur le site depuis trente-trois ans. « Je sais que je peux me confier et que je vais trouver des réponses à mes interrogations. Longtemps, je n’ai pas perçu l’utilité d’être syndiquée, mais ils m’ont accompagnée quand j’ai eu des problèmes », poursuit Christelle, agent de service hospitalier. Chez Marie, c’est la volonté de peser et d’influer sur la vie de la clinique qui a été le moteur de son adhésion (en cours). Élue au CSE sans étiquette depuis plusieurs années, cette infirmière a fait le choix de rejoindre la CFDT afin de donner du poids à sa voix. « Je veux que les choses avancent, or c’est le collectif qui fait bouger les choses et qui les porte dans la durée. »

Parce que les femmes, les hommes et les mandats passent, la section CFDT veille au renouvellement générationnel. « J’ai toujours le regard tourné vers l’avenir », explique Éva Giraud, qui pense déjà aux prochaines élections au sein de la structure, en 2027. À ses côtés, Célia, 27 ans, a franchi le pas de l’adhésion à une organisation syndicale depuis moins d’un mois. « J’aimerais me présenter et pouvoir porter la parole de mes collègues », confie cette hôtesse d’accueil depuis un an et demi. Et comme elle n’est pas là « pour faire joli », elle entend profiter des mois à venir pour se former ; d’ici à la fin de l’année, elle suivra les deux modules « Bienvenue à la CFDT » et « ABC du juridique ».

Former et outiller les nouveaux adhérents

Éva Giraud veille à ce que chaque nouvel adhérent bénéficie d’un accompagnement personnalisé : « Mieux former, mieux outiller, on va plus loin, c’est indispensable ! » Voilà qui est d’autant plus vrai que les chantiers ne vont pas manquer dans les semaines et les mois à venir. Dès septembre prochain, les négociations annuelles obligatoires (NAO) s’ouvriront… et la section n’y va pas à l’aveugle. En vue de répondre au mieux aux besoins et aux attentes des collègues, la CFDT leur a offert plusieurs tribunes d’expression afin que les revendications soient partagées : assemblée générale et boîtes à suggestions. Le choix de la transparence, c’est la manière qu’a la section de sensibiliser, d’impliquer chaque salarié et de lui faire comprendre le rôle et la place d’un syndicat.

Lors de la campagne NAO de 2023, la CFDT avait pu obtenir une prime de partage de la valeur de 400 euros pour tous et faire graver dans le marbre la suppression des critères restrictifs (absences, congés…). En 2024, la négociation s’était conclue sur la révision à la hausse du treizième mois et la renégociation d’une prime bénéficiant aux agents d’accueil. Autre victoire saluée par les salariés, la révision des modalités de pose des congés payés ; alors qu’il leur était impossible d’en poser durant le mois de mai, la section a fait disparaître cette anomalie pour aller vers une meilleure conciliation vie professionnelle et vie personnelle.

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

Obtenir des résultats, c’est bien ; le faire savoir, c’est encore mieux. Ce mantra repris par les militantes révèle qu’elles ont fait de la communication une priorité. Outre le fait qu’elle informe régulièrement les membres de la section CFDT via les réseaux sociaux, Éva Giraud a impulsé l’édition d’une gazette bimensuelle à destination de tous les salariés de la clinique Richelieu. Une CFDT tout-terrain, on vous dit !