La santé des femmes, une priorité

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icone Extrait de l'hebdo n°3987

En Bourgogne-Franche-Comté, la CFDT de la Fondation Arc-en-Ciel a su devenir un acteur incontournable du dialogue social et gagner la confiance des salariés. Elle a récemment négocié un accord sur la qualité de vie au travail qui tient compte du vécu des femmes, avec de nouveaux droits à la clé.

Par Guillaume LefèvrePublié le 18/11/2025 à 13h00

Dominique Heidet et Frédérique Gerbereux Dato.
Dominique Heidet et Frédérique Gerbereux Dato.© Cyril Badet

« Nous travaillons tous les jours auprès de personnes âgées, malades ou en situation de handicap. Nous voulions prendre soin de celles et ceux qui œuvrent à prendre soin des autres. » C’est ce leitmotiv qui guide l’action de la section CFDT de la Fondation Arc-en-Ciel, structure du secteur sanitaire et médico-social. Tout en évoquant l’accord relatif à la qualité de vie et aux conditions de travail signé en juillet 2025, Frédérique Gerbereux Dato, déléguée syndicale, l’affirme : « C’est plutôt pas mal mais ça n’est qu’une étape ! »

Menstruation, dépistages divers, fausse couche : l’accord de juillet 2025 met en place des mesures concrètes en faveur de la santé des femmes (qui représentent 86 % des effectifs de la Fondation). Ledit accord prévoit trois jours de congé en cas d’interruption spontanée ou volontaire de grossesse. Les femmes souffrant d’endométriose ou de dysménorrhée bénéficient désormais de douze jours de congé menstruel par an. En outre, les salariées pourront, sans perte de salaire, s’absenter pour passer un examen de dépistage du cancer du sein. Dans le cas d’une interruption de grossesse, le ou la partenaire de la salariée concernée bénéficie de trois jours de congé. Des aménagements du temps de travail et de l’organisation du travail, en fonction des besoins de la salariée, seront également possibles.

Corriger les inégalités entre les femmes et les hommes

Dominique Heidet – délégué syndical CFDT au sein du dispositif d’accompagnement médico-éducatif (Dame 90 FAEC) de Giromagny (Territoire de Belfort) –juge cet accord « moderne ». Selon ce professionnel des activités physiques adaptées, « considérer ces sujets, c’est reconnaître les femmes dans toutes les dimensions de leur vie. D’ailleurs, ces mesures bénéficient aussi à l’employeur puisqu’elles contribuent à prévenir les risques psychosociaux, à améliorer la santé mentale et permettent, in fine, une réduction du nombre des arrêts maladie ». Pour beaucoup, le texte négocié par la CFDT résorbe des inégalités de fait entre les femmes et les hommes et permet d’agir sur les réalités vécues souvent dans la douleur et le silence. « Ce n’est ni un cadeau ni un privilège », précise néanmoins la section, mais bien l’expression d’un droit fondé sur des besoins réels, qui répond aux besoins et aux attentes des salariés.

« Ces revendications, nous les avons construites pour et avec elles, insiste Frédérique Gerbereux Dato. Elles sont le fruit du travail que nous menons en proximité, dans les services, tout au long de l’année. Et nous ne comptons pas nous arrêter là. Il y a encore de nombreux sujets, comme la ménopause, que nous souhaitons aborder lors de prochaines négociations. » Car malgré ces nouveaux outils mis à leur disposition, l’évolution des mentalités prend du temps. « Il n’est pas rare d’entendre ce genre de propos dans les couloirs : “Il y en a qui vont en abuser”, “Elles simulent !”, “Et pour nous, les hommes ?” », rapporte la syndicaliste.

Le défi des douze heures

Deux ans après l’adoption de l’organisation du travail en douze heures, il était essentiel pour la CFDT de connaître le ressenti des collègues afin d’envisager les suites à y donner, notamment en ce qui concerne les femmes. Rappelons d’ailleurs que le travail de nuit, perturbant les rythmes biologiques, est reconnu comme un facteur augmentant le risque de cancer du sein. Certaines études notent de 20 à 30 % de risque supplémentaire parmi les femmes exposées durablement… Aussi la section a-t-elle décidé de mener l’enquête sur la journée en douze heures auprès des 200 salariées (plus de 90 % des femmes) de l’Ehpad La Maison Blanche de Beaucourt (Territoire de Belfort).

Si la « formule douze heures » recueille 80,76 % d’opinions favorables chez les personnels en service Ehpad, ce n’est que de 30 % parmi les personnes exerçant dans des services spécifiques (Alzheimer, gérontopsychiatrie). Indépendamment du taux d’acceptation des douze heures, il semble se produire un fort accroissement général des arrêts maladies (+ 84,6 % dans les services spécifiques et + 61 % dans le service Ehpad). Par ailleurs, on observe une dégradation de nombreux autres indicateurs : 76,9 % des personnels des services spécifiques se disent plus fatigués, et 42,8 % en service Ehpad ; 61,5 % des salariés des services spécifiques déclarent des problèmes de sommeil, c‘est 33,3 % pour les services Ehpad.

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Guillaume Lefèvre
Journaliste

Enfin, à la question « Pensez-vous toujours travailler en douze heures dans dix ans ? », seulement 24,1 % des répondantes des services spécifiques répondent affirmativement (et 50 % dans les services Ehpad). « Malgré les effets néfastes des douze heures de travail consécutives sur leur santé, certaines salariées ne souhaitent pas forcément revenir en arrière, car elles estiment mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle », observe Laetitia Bonomi, élue CSE et aide-soignante à l’Ehpad. Oui, mais à quel prix ? Munie de ces données, la CFDT compte désormais interpeller la direction et reviendra vers les salariées afin de discuter collectivement de l’organisation du travail et de ses conséquences.

Une fulgurante progression de la CFDT Arc-en-Ciel

Première organisation syndicale au sein de la Fondation Arc-en-Ciel et des quinze établissements qui la compose, avec 82,67 % des suffrages 2023 (nettement devant FO et la CGT) obtenus lors des dernières élections professionnelles, la section CFDT a su gagner la confiance des 1 400 salariés et marquer de son empreinte le dialogue social puisqu’elle a vu son score augmenter de 30 points par rapport à l’édition 2019. Cette dynamique se traduit d’ailleurs dans le développement. En moins de deux ans, les effectifs de la section ont triplé, passant d’une trentaine d’adhérents à 91 ! Les membres de cette dernière ont désormais le regard tourné vers 2027 et sont prêts à relever de nouveaux défis.