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“Même les plus petites mesures inscrites dans la loi bien-vieillir sont remises en question”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3922

Alors que les députés entament l’examen de la loi “fin de vie”, le secrétaire général de la CFDT Retraités Benoit Prince explique le positionnement de son organisation sur ce sujet finalement plutôt consensuel. Il s’inquiète davantage des restrictions budgétaires annoncées par le gouvernement, tant en matière de politiques sociales que de revalorisation des pensions.

Par Jérôme Citron et Fabrice Dedieu— Publié le 04/06/2024 à 12h00

Benoit Prince est secrétaire général de la CFDT Retraités depuis juin 2023.
Benoit Prince est secrétaire général de la CFDT Retraités depuis juin 2023.© Aimée Thirion

Les députés sont en train de débattre de la loi “fin de vie”. Comment se positionne la CFDT Retraités ?

La CFDT Retraités, comme le reste de l’organisation, affirme sans détour qu’une nouvelle loi sur la fin de vie est nécessaire. La loi Claeys-Leonetti II ne répond clairement pas à l’attente des Français qui consiste à avoir un vrai droit de mourir dans la dignité. Nous sommes donc plutôt satisfaits que le gouvernement légifère sur le sujet. Reste à voir le contenu final de la loi. Le texte risque en effet de beaucoup évoluer.

Un premier avis sur le texte ?

Concernant la partie « soins palliatifs », nous n’avons pas d’objection si ce n’est que les financements annoncés ne sont absolument pas à la hauteur des besoins. Clairement, 1,1 milliard d’euros sur dix ans n’est pas une somme suffisante. Sur la partie « fin de vie », en revanche, le texte proposé par le gouvernement était trop restrictif (lire l’encadré). La commission spéciale l’a revu, mais cela devrait encore bouger après l’examen du texte à l’Assemblée nationale puis au Sénat.

Afin de pouvoir peser sur le contenu de la loi, la CFDT Retraités [réunie en Bureau national les 14 et 15 mai derniers] a pris la décision d’adhérer au Pacte progressiste Fin de vie. Elle rejoint ainsi la trentaine d’organisations et d’associations déjà adhérentes. Au passage, notons d’ailleurs l’adhésion à ce collectif de l’Union régionale interprofessionnelle d’Occitanie et de la Fédération Santé-Sociaux. Le message que nous portons collectivement est clair : il s’avère nécessaire que la personne dont la situation médicale est sans issue puisse reconnaître elle-même le moment où ses souffrances, qu’elles soient physiques et/ou psychologiques, deviennent insupportables.

Est-ce un sujet qui a fait débat à la CFDT Retraités ?

Non, à l’image de l’amendement voté au congrès confédéral de Rennes en 2018 – qui était porté par une Union territoriale de retraités –, il y a une forme de consensus autour du fait de vouloir offrir une plus grande liberté quant à la manière dont on souhaite mourir au crépuscule de sa vie. L’important est la liberté de choix, et que ce nouveau droit soit réel, accessible à tous, quels que soient ses moyens financiers et son lieu de résidence.

L’Europe fait également partie des sujets au cœur de votre activité…

Les militants retraités CFDT sont très europhiles. Cela fait partie de leur ADN, et l’Europe est un sujet que nous abordons régulièrement. Il est vrai qu’en cette année d’élections, les débats se sont multipliés partout en France. C’est à chaque fois l’occasion de revenir sur ce qu’est l’Union européenne, son fonctionnement et ses compétences. Cela reste toujours flou pour une partie de nos adhérents. Nous accordons une large place à ce scrutin dans nos publications Fil bleu et Le Retraité militant. Au-delà du fonctionnement de la machine européenne, nous nous consacrons au fond des dossiers, aux revendications des principaux candidats.

Il en ressort un rejet massif des idées du Rassemblement national. On ne peut pas dire qu’une partie de retraités CFDT ait été séduite. Nos adhérents sont solides sur leurs valeurs. Cela paraît évident mais cela fait plaisir. Cela étant, ils sont comme beaucoup de militants CFDT : inquiets de voir que l’extrême droite pourrait peser davantage au Parlement, si l’on en croit les derniers sondages. Ils craignent qu’une partie de la droite traditionnelle finisse par faire alliance et bloque le fonctionnement de l’Europe sociale.

Revenons en France. Quels sont vos dossiers en cours ?

Nous suivons la création des services publics départementaux de l’autonomie. Il y a dix-huit départements pilotes. On travaille sur ce sujet avec les unions régionales et la Confédération. Nous sommes également mobilisés sur les nouvelles règles de financement des Ehpad. Vingt-trois départements vont expérimenter pendant quatre ans une nouvelle tarification. À l’heure où de nombreux établissements sont en difficulté financière, il est important de suivre la mise en œuvre de cette réforme.

Sur ces deux sujets comme sur d’autres, l’idée est d’acquérir une expertise et de pouvoir peser sur les choix futurs ; challenger les pouvoirs publics, à l’instar de ce que nous faisons sur le dossier des retraites, pour lequel notre savoir-faire et nos connaissances sont reconnus. Nous sommes particulièrement inquiets de voir toutes les politiques sociales remises en question. Même les plus petites mesures inscrites dans la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie semblent aujourd’hui remises en question pour des raisons budgétaires. Et le gouvernement revient sur son engagement d’une loi de programmation relative au grand âge prévue dans la loi bien-vieillir. Cela pose un problème si les lois de finances remettent en question des lois votées par les mêmes députés.

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© Syndheb

Enfin, n’oublions pas les sujets interpro comme les élections TPE puisque nous sommes engagés à participer aux initiatives locales et à sensibiliser nos adhérents. Certains sont des particuliers employeurs qui peuvent convaincre leurs salariés de faire le choix de la CFDT.

En parlant de finances publiques, où en sont les discussions concernant la revalorisation des pensions en 2025 ?

Il est encore trop tôt pour avoir des réponses officielles, mais nous sommes inquiets. Il y a une petite musique actuellement qui laisse entendre que le gouvernement réfléchirait à désindexer les pensions l’année prochaine. Le ministre délégué chargé des Comptes publiques, Thomas Cazenave, a évoqué cette piste sur France Inter en février. Et le président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Sylvain Maillard, a confirmé ces derniers jours l’étude de cette mesure dans le cadre des préparations des lois de finances en 2025.

Dans une période où le gouvernement a annoncé un nouveau tour de vis budgétaire et où le déficit de la Sécurité sociale s’annonce plus élevé que prévu, on ne peut qu’être vigilant et rappeler que les retraités ont perdu du pouvoir d’achat ces dernières années, contrairement à ce que l’on entend parfois. Depuis 2017, nous avons perdu en moyenne 5 % de pouvoir d’achat. Or, si l’inflation se maintient au niveau actuel, les pensions devraient être augmentées entre 2,5 et 3 % au 1er janvier 2025 en vue de maintenir le pouvoir d’achat des retraités.

Le projet de loi “fin de vie” en discussion à l’Assemblée nationale

Après être resté dans les cartons de l’exécutif de nombreux mois, le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie a été présenté par le gouvernement à la mi-avril. Ce texte en deux parties prévoit tout d’abord de renforcer les soins palliatifs et d’accompagnement, avec notamment de nouveaux crédits alloués à ce secteur ; l’autre partie ouvre la voie à une aide à mourir.

Concrètement, le projet de loi prévoit qu’une personne majeure et française « atteinte d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou à moyen terme », présentant « une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection » et qui peut « manifester sa volonté de façon libre et éclairée » a la possibilité de demander la mise à disposition d’une substance létale qu’elle pourra s’injecter elle-même ou par un médecin, un infirmier ou une personne majeure désignée. La demande devra être formulée à un médecin. Une clause de conscience est prévue pour les professionnels de santé.

Lors de son passage devant la commission spécialement créée à l’Assemblée nationale pour examiner ce texte, les députés ont notamment modifié l’une des conditions d’accès à l’aide à mourir, en supprimant la nécessité d’un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme. L’affection « grave et incurable » devra plutôt être « en phase avancée ou terminale », ouvrant plus grand le champ des interprétations possibles. Désormais, le texte est débattu dans l’hémicycle de l’Assemblée, théoriquement jusqu’au 11 juin. Il devrait être examiné par le Sénat à l’automne. Le gouvernement table sur une adoption définitive dans le courant de l’année 2025.

Fabrice Dedieu

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