Véhicules électriques : pourquoi il faut garder le cap de 2035

temps de lecture Temps de lecture 5 min

icone Extrait de l'hebdo n°3986

Alors que les constructeurs d’automobiles multiplient les appels à la “flexibilité”, la CFDT et plusieurs organisations environnementales demandent que soit maintenu l’objectif européen de fin des ventes de véhicules thermiques neufs d’ici à 2035.

Par Sabine IzardPublié le 12/11/2025 à 13h00

image
© CFDT Métallurgie

Face à la pression croissante du lobby de l’automobile, la CFDT Transports et Environnement, la Fondation pour la Nature et l’Homme et Réseau Action Climat lancent un appel commun à ne pas reculer à propos de la transition vers la voiture électrique. Réunis le 5 novembre au siège parisien de la CFDT, ils ont mis en garde contre les conséquences industrielles et climatiques d’un abandon de l’objectif 2035 fixé par Bruxelles.

L’industrie automobile réclame plus de “souplesse”

La veille, le président de la Plateforme automobile (PFA), Luc Chatel, avait mis la pression sur les pouvoirs publics : « Le 100 % électrique en 2035, on n’y arrivera pas, c’est la réalité des chiffres. Le consommateur n’est pas au rendez-vous », a-t-il affirmé devant un millier de professionnels réunis à la Cité des sciences et de l’industrie.

Les dirigeants de Renault et de Stellantis ont, eux aussi, exprimé leurs réserves. François Provost, directeur général de Renault SA, a ainsi déploré que « les ingénieurs passent un quart de leur temps à faire de la conformité réglementaire ». Antonio Filosa, directeur général de Stellantis, juge pour sa part que « la régulation mise en place par Bruxelles n’est pas imparfaite [mais] mauvaise ».

“Il faut sortir du piège des constructeurs”

La CFDT n’entend pas céder à ces arguments. « Non, la transition écologique n’est pas responsable de la désindustrialisation de notre pays », a rétorqué Marylise Léon. Selon la secrétaire générale de la CFDT, ce sont « des stratégies purement financières » qui ont affaibli le tissu industriel français : « Beaucoup de secteurs sont touchés mais l’automobile l’est de façon plus douloureuse. Il faut sortir du piège des constructeurs. » Avant d’appeler à maintenir le cap industriel et climatique européen tout en accompagnant la mutation du secteur : « Il faut planifier démocratiquement cette transition, s’appuyer sur un dialogue social loyal et sécuriser les parcours des travailleurs vers les nouveaux métiers. »

image
© Syndheb

Les ONG dénoncent une stratégie court-termiste

Même constat du côté des organisations environnementales. « Ces dernières années, les choix des constructeurs ont été délétères pour le marché européen », estime Diane Strauss, directrice de Transport & Environnement France (T&E). Selon elle, les groupes automobiles « ont privilégié la délocalisation et les gros véhicules pour s’enrichir », avant d’utiliser la baisse des ventes et des emplois afin de réclamer un assouplissement des normes. « Certains demandent même à pouvoir continuer à vendre des véhicules thermiques après 2035. C’est le crash assuré pour l’industrie électrique et pour l’économie. »

Pierre Leflaive, responsable Transports du Réseau Action Climat, partage cette analyse : « Les constructeurs ont misé sur les véhicules électriques haut de gamme, plus rentables, mais la demande reste sur les petites citadines. Résultat : les prix des véhicules neufs ont augmenté de 24 % et les ventes ont chuté de 22 % en quelques années. »

Relancer la demande et protéger l’industrie européenne

Afin de sortir de cette impasse, les organisations plaident pour une offre plus diversifiée et accessible. « Le succès du leasing1 montre qu’il existe un marché, il faut le développer », souligne Pierre Leflaive, qui appelle aussi à « cibler les aides publiques vers les ménages modestes et les travailleurs dépendants de leur voiture ». Cela ne pourra se faire sans relocaliser une partie de la demande : « L’Europe doit se protéger et créer un véritable marché “made in UE” grâce à des aides à l’achat structurantes. »

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Journaliste

Enfin, Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer de la Fondation pour la Nature et l’Homme, veut croire à une autre voie : « L’écart avec l’Asie n’est pas insurmontable. Il faut agir sur la demande. L’Éco-score® pourrait permettre de prioriser les véhicules français et européens dans les flottes. Maintenir 2035, c’est donner à l’Europe un avenir industriel. Le remettre en cause, c’est condamner nos usines à reproduire le passé. »