“Un retour à l’austérité serait un désastre social, économique et écologique”

iconeExtrait du magazine n°495

À l’occasion des 50 ans de la CES, Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, décrypte les enjeux et défis auxquels le syndicalisme européen sera confronté. Entretien.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 30/06/2023 à 09h49 et mis à jour le 07/07/2023 à 13h24

Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES).
Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES).©Etuc CES

À 50ans, la CES a-t-elle atteint l’âge de… sérénité ?

Pendant cinq décennies, la CES a contribué au développement de la société et de l’économie européenne, en plaçant les droits des travailleurs et le dialogue social au cœur du projet européen. Nous sommes passés de 17 syndicats à une organisation qui porte aujourd’hui la voix de 45 millions de travailleurs dans 41 pays. Et je pense pouvoir dire que la manière dont la CES a défendu les intérêts des travailleurs à travers les multiples crises qui ont marqué la dernière décennie témoigne de sa maturité.

Quels sont les principaux enjeux de la CES pour les dix prochaines années ?

D’abord, veiller à ce qu’il n’y ait pas de retour à l’austérité à l’échelle de l’Union européenne. Or les règles actuellement proposées par la Commission européenne obligeraient la France à réduire son budget de plus de 13 milliards d’euros en 2024. Avec de telles “coupes”, la plupart des États membres ne pourront pas suivre les propres exigences de l’Union en matière d’investissements dans la transition vers une économie verte. Un retour à l’austérité serait un désastre social, économique et écologique.

Notre seconde priorité est de s’assurer que le déploiement de l’IA sur le lieu de travail ne se fasse pas sans consultation des syndicats. L’expérience des coursiers et livreurs montre comment la gestion purement algorithmique conduit à la violation des droits des travailleurs et à la dégradation des conditions de travail. Nous avons besoin d’une directive en ce sens.

Le socle européen des droits sociaux (adopté en 2017) a servi de base à plusieurs directives qui renforcent les droits des travailleurs. Comment aller plus loin ?

La législation européenne doit modifier les règles des marchés publics pour garantir que l’argent public ne soit pas donné aux entreprises qui refusent de s’engager dans des négociations collectives. En trois ans, Amazon a reçu plus d’un milliard d’euros de subventions publiques. Nous ne pouvons plus tolérer que de telles sommes soient remises à des entreprises qui agissent contre l’intérêt général en payant des salaires dérisoires et en laissant nos systèmes de protection sociale payer la facture.

Comment le syndicalisme européen peut-il se prémunir contre la montée des extrêmes qui a lieu un peu partout en Europe ? La charte des valeurs adoptée à Berlin est-elle un outil suffisant ?

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Le syndicalisme et l’extrême droite sont antinomiques, du fait de l’histoire syndicale et de sa fière tradition d’opposition aux extrêmes par le passé, mais aussi à cause de ce que les syndicats représentent aujourd’hui. La charte des valeurs est un fondement sur lequel repose notre mouvement syndical. Vaincre l’extrême droite, ce n’est pas simplement contrer sa rhétorique haineuse, c’est aussi promouvoir une alternative syndicale au modèle économique néolibéral qui ne laisse aucun travailleur de côté et construit un monde meilleur pour tous.