Trajets domicile-travail… oubliés des NAO

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iconeExtrait de l’hebdo n°3886

Dans les négociations annuelles obligatoires, la mobilité des salariés a toute sa place. Mais l’obligation de négocier sur ce thème est souvent méconnue, voire peu maîtrisée ou délaissée au profit d’autres sujets. C’est ce que révèle un rapport de l’Agence de la transition écologique et la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités du ministère de l’Écologie.

Par Claire Nillus— Publié le 05/09/2023 à 12h00

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© Laurent Grandguillot/RÉA

Depuis la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, tout employeur de plus de 50 salariés sur un même site est concerné par l’obligation d’intégrer la mobilité domicile-travail au volet qualité de vie au travail et égalité professionnelle des négociations annuelles obligatoires (NAO). Comment, depuis, la mobilité est-elle prise en compte dans les entreprises ? Un rapport de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) dresse un premier bilan de l’intégration des questions liées aux trajets domicile-travail dans les NAO en 2021 et 2022. Après avoir analysé près de 1 000 accords en lien avec la QVT et enquêté au printemps 2022, motivations et freins des entreprises à s’emparer du sujet ont pu être identifiés « dans le contexte particulier de la crise Covid 19, qui a particulièrement modifié les habitudes de déplacement et accru la pratique du télétravail au quotidien pour de nombreux Français », souligne l’Ademe.

De fait, l’obligation de négocier à propos de la mobilité a souvent été remisée au bénéfice d’autres priorités, dont la gestion de la crise sanitaire et le développement du travail à distance : 79 % des accords traitent ainsi la mobilité domicile-travail sous le prisme du télétravail uniquement. Mais ce n’est pas le seul frein constaté.

Une faible connaissance des dispositifs

1. Pris en charge facultative par l’employeur des frais de transport domicile-travail des salariés effectués au moyen d’un mode de transport collectif ou individuel contribuant à une baisse des émissions de CO2 (vélo, trottinette, covoiturage…), exonéré de charges sociales.

LTECV (loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte), PPA (plan de protection de l’atmosphère), LOM… : une certaine confusion s’est installée dans les esprits. Ainsi, au gré des évolutions juridiques, les incitations en faveur de la mobilité durable n’ont pas gagné en notoriété mais plutôt en complexité, notent les auteurs. Ainsi, nombre d’employeurs se réfèrent encore à l’article 51 de la loi de transition énergétique… qui a été abrogé par l’article 82 de la LOM. De même, le forfait mobilité durable (FMD)1 n’a pas fait l’objet de revendications appuyées de la part des organisations syndicales : le cumul avec la prise en charge obligatoire des frais d’abonnement aux transports en commun le rendait peu attractif au départ (400 euros au maximum par an et par salarié). Il l’est redevenu avec la loi climat et résilience du 22 août 2021, qui a porté son montant à 600 euros.

Outre la méconnaissance du cadre juridique, la volonté de négocier s’est également heurtée à l’impossibilité d’aboutir à un accord global lorsqu’une entreprise occupe plusieurs sites, chacun ayant ses spécificités locales. Le rapport mentionne d’ailleurs un périmètre de négociations « flou » qui génère des accords « très hétérogènes ».

De plus, la question des déplacements domicile-travail y est généralement abordée sous le seul angle financier. L’enveloppe à allouer constitue alors un frein supplémentaire à l’ouverture de négociations. Des aspects techniques peuvent aussi poser un problème (prise en charge financière sur justificatifs, déclarations sur l’honneur…). En outre, seulement 15 % des accords étudiés fixent de réels indicateurs de suivi. Enfin, les auteurs remarquent le manque de formation des délégués syndicaux en la matière, autre frein évident à l’ouverture d’une négociation. Ils précisent néanmoins que la question intéresse les instances représentatives du personnel dès lors qu’elles sont mieux informées.

Quelles pistes d’amélioration ?

D’ici à la fin 2023, l’Ademe souhaite rectifier le tir et mettre en place une campagne d’information pour faire connaître les dispositifs en vigueur et communiquer auprès de l’ensemble des parties prenantes sur l’obligation de négocier. Il s’agit là de préciser les attendus des accords et d’inciter les employeurs à réaliser des diagnostics mobilité comme préalables à la négociation. La problématique des transports doit aussi être envisagée avec la mise en place de groupes de travail paritaires dans des zones d’activité permettant, entre autres actions, de mutualiser les démarches des entreprises (mise en commun de réseaux de navettes, réflexion partagée avec les autorités organisatrices des transports dans la région concernée, etc.).

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Toutes ces recommandations visent à sensibiliser les entreprises sur le caractère transversal de la mobilité et ses enjeux tant sociaux qu’environnementaux : diminution du risque routier, gain pour la santé des salariés, optimisation de leurs coûts de transport, réduction de l’empreinte carbone des entreprises. Rien que ça…