Suppression d’emplois et cessions : peur sur la grande distribution

temps de lectureTemps de lecture 5 min

iconeExtrait de l’hebdo n°3877

Les directions d’Auchan, de Carrefour et de Casino ont annoncé ces derniers jours différents projets de cession de magasins ou de suppression d’emplois. L’inquiétude est grande dans les sections CFDT.

Par Fabrice Dedieu— Publié le 06/06/2023 à 12h00

image
© Laurent Grandguillot/RÉA

De toute évidence, Auchan a suivi de près le mouvement de location-gérance mis en œuvre par Carrefour pour ses hypers et supermarchés… jusqu’à l’imiter. Le distributeur détenu par la famille Mulliez annonçait en effet ce 31 mai, en comité central social et économique (CCSE), la cession de sept supermarchés à des franchisés. « C’est une mauvaise surprise, commente Gilles Martin, le délégué syndical central CFDT d’Auchan. Si les orientations stratégiques comportaient un développement de la franchise, elles ne précisaient pas que cela concernerait la cession de magasins intégrés à des franchisés. »

D’ailleurs, Auchan ne compte pas s’arrêter là : l’enseigne souhaite franchiser des magasins qu’elle possède déjà, tout en développant la franchise avec des magasins actuellement extérieurs au groupe. « Dans quelle proportion ? Pour l’instant, nous ne savons pas combien de supermarchés intégrés pourraient passer en franchise. Ça nous inquiète. Le plan d’Auchan est prévu pour durer jusqu’en 2032 », explique le délégué syndical central. Pour les sept premiers supermarchés, « ils ont déjà, a priori, des contacts ; ça peut aller très vite », ajoute-t-il. Et de déplorer : « Ce sont près de 250 salariés qui vont être “externalisés” du groupe, qui vont perdre leurs acquis sociaux et les avantages d’être dans un groupe intégré ! »

Interpeller le législateur

Gilles Martin ne veut pas en rester là : « Nous souhaitons interpeller le législateur. On ne peut plus accepter que des groupes intégrés comme Carrefour et Auchan basculent dans la franchise et se débarrassent ainsi du “poids” de la masse salariale. Finalement, ça leur rapporte beaucoup d’argent et ça a des conséquences sociales importantes pour les salariés. En tant que syndicat, il faut que l’on puisse continuer d’avoir un regard sur l’activité des franchisés et ne pas laisser les salariés isolés. »

Casino a également fait le choix de la franchise dans l’espoir de se désendetter. Le distributeur stéphanois a annoncé le 26 mai dernier la cession de certains points de vente à Intermarché (dont les magasins sont uniquement en franchise, comme Leclerc).

Aucun détail n’a été communiqué par la direction pour le moment, si ce n’est que ces magasins représentent 1,15 milliard d’euros de chiffres d’affaires, et qu’ils seront cédés en deux fois : une première vague d’ici à la fin de l’année, qui représente 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, puis le reste d’ici aux trois prochaines années. « Nous devons connaître la liste des magasins concernés par la première vague le 12 juin, lors d’un CSEC », indique Jean-Luc Farfal, délégué syndical CFDT du groupe Casino : « Nous estimons qu’au total 180 magasins seront cédés, toutes enseignes confondues (Casino hypers et supers, Monoprix, Franprix). Nous sommes préoccupés pour les emplois, car ça entraînera forcément des conséquences sur la logistique et au siège. Dans les magasins, avec le passage en franchise, les salariés vont perdre des acquis sociaux », anticipe-t-il. « On ne pensait pas que ça irait aussi vite ni qu’autant de magasins seraient concernés. » Parallèlement à cette annonce, le groupe Casino a annoncé son entrée dans une procédure de conciliation pour quatre mois en vue de tenter d’assainir les finances de l’entreprise, dont la dette est égale à 6,4 milliards d’euros.

Troisième réorganisation en cinq ans chez Carrefour

Chez Carrefour, ce n’est pas une énième annonce de passage de magasins en location-gérance qui préoccupe la section CFDT mais une future réorganisation des sièges. « Rien n’est encore officiel, nous avons juste une convocation, le mercredi 7 juin, pour négocier un accord sur ce sujet », indique Sylvain Macé, délégué syndical CFDT du groupe Carrefour France. « Selon nos projections, de 1 000 à 1 500 emplois pourraient être supprimés, sans que l’on sache pour l’instant si ce sera un plan de départs volontaires ou une rupture conventionnelle collective. »

1. Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

À propos de l'auteur

Fabrice Dedieu
Journaliste

Il s’agit de la troisième réorganisation des sièges en cinq ans. Les deux précédentes, en 2018 et 2021, ont été actées par un plan de départs volontaires de 1 900 salariés et une GPEC1 portant sur la suppression de 1 400 postes. « Est-ce que ce nouveau plan sera une vraie réorganisation ? Où s’agit-il de dégraisser les effectifs ? Se pose aussi la question de la charge de travail des salariés qui restent. Est-ce que tout ça est organisé ? Nous sommes inquiets, vu les précédents plans », souligne Sylvain Macé.