Rippers : dialoguer, c’est la clé abonné

À la métropole Rouen Normandie, la CFDT a été à l’initiative d’une dynamique de dialogue social exemplaire. Pour les rippers, premiers à avoir expérimenté la méthode, cela s’est traduit par de nettes améliorations de leurs conditions de travail.

Par Emmanuelle PiratPublié le 02/08/2019 à 08h01

image

L’équipe CFDT (de g. à dr.) Boris Huignard, responsable développement et communication de la section CFDT, David Lecomte, secrétaire, et Ingrid Ioannidis, secrétaire adjointe.

 

Rien ne saurait le déconcentrer. Pas même la pluie et les rafales glacées qui s’abattent sur Rouen et sa métropole en ce matin frisquet de printemps. Stéphane Bouvet, « agent de collecte en apport volontaire », reste les yeux fixés sur les colonnes d’ordures ménagères qu’il ramasse à l’aide du bras de grue articulé monté sur son camion-poubelle, grâce à un système de commande à distance.

Rippers rouen JMelinCFDTUne erreur d’inattention, un bac mal arrimé à la grue et qui tombe, une colonne qui percute un balcon, et c’est l’accident. Stéphane fait partie de ces rippers d’un nouveau genre, davantage grutiers qu’éboueurs, qui vident les colonnes d’ordures ménagères et dont la vigilance est requise à chaque instant. « Ce matin encore, j’ai trouvé des voitures garées devant les colonnes. J’ai dû faire ma collecte en passant au-dessus. C’était chaud », explique le ripper qui, pour chaque tournée, s’acquitte de vider ainsi 70 colonnes de plusieurs tonnes. Et entièrement seul pour la conduite du camion et les manœuvres.

Un climat très dégradé

Si le métier de ripper reste à risque et pénible, la CFDT implantée dans la métropole Rouen Normandie (qui couvre 71 communes et emploie 150 rippers sur un total de 1600 agents) a réussi à en modifier quelque peu la donne. Et ce, grâce à un long travail visant à renouer avec le dialogue social, qui a débuté en 2014. À l’époque, le climat au Centre technique de collecte – le « camp de base » des rippers – est très dégradé. Les différentes réorganisations, comme le regroupement des rippers en 2010 (alors qu’auparavant ils travaillaient dans de petites entités disséminées), n’ont pas permis de créer un véritable collectif de travail. D’autant plus qu’une grève dure, menée en 2014 du fait de problèmes liés au temps de travail, a laissé les équipes divisées entre grévistes et non-grévistes. Surtout, « à la fin du conflit, toutes les questions d’organisation du travail restaient entières », relate David Lecomte, le secrétaire de la section CFDT de la métropole.

D’où l’idée d’impulser « une démarche participative pour traiter l’ensemble des problèmes des agents et trouver collectivement des solutions ». Le projet reçoit l’approbation de la direction des services, qui fait appel à un consultant extérieur, du réseau Areso, un dispositif d’appui pour l’amélioration des relations sociales (lire ci-dessous).

Entraide

La participation est record, « 80% des rippers se sont impliqués et ont participé à au moins un groupe d’expression. Certains n’hésitaient pas à rester, même après leur tournée, sur le temps personnel », souligne David Lecomte.
« Il y avait un déficit d’écoute avant. Là, on leur offrait la possibilité de s’exprimer. Et surtout, on tenait compte de ce qu’ils disaient. » « On a tout de suite vu des résultats concrets. Cela nous a encouragés à participer », se souvient Thomas Roulland, chauffeur-ripper à l’époque de cette démarche et désormais agent de précollecte*, et membre CFDT du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Lui-même s’est largement impliqué dans ces groupes d’expression, dont il reconnaît les nombreux bénéfices. Notamment pour recréer un collectif de travail soudé.

« Le fait de travailler ensemble dans ces groupes nous a permis de mieux nous connaître. Depuis, l’ambiance au centre a complètement changé. On n’hésite plus à s’entraider sur une tournée. Si on a une panne ou qu’on crève un pneu, on appelle les copains. Avant, c’était davantage chacun pour soi. »

ripeursrouen JMelin CFDTLes préconisations des groupes ont aussi permis d’améliorer les conditions de travail. Un réel effort de transparence a été consenti afin que les agents aient le sentiment d’être à égalité, là où, auparavant, pouvait exister une suspicion de favoritisme à l’égard de certains. « Désormais, on affiche toutes les infos concernant les tournées, le tonnage ramassé, le temps de travail de chaque équipe, etc. On affiche aussi tous les créneaux d’heures supplémentaires qui sont proposés les vendredis soir après le marché ou lors d’événements ponctuels comme les foires, les salons, qui nécessitent qu’on nettoie après », indique Thomas.

Côté direction aussi, on mesure les améliorations avec « un taux d’absentéisme qui est passé de plus de 10% à moins de 6% et des arrêts de travail ramenés à 24% entre 2017 et  2018 », précise Olivier Grégoris, directeur de la maîtrise des déchets à la…

Pour continuer de lire cet article, vous devez être abonné.

s'abonner

Déjà abonné ?  Connectez-vous