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Extrait de l’hebdo n°3860
Alors que la France vient de réduire de 25 % la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi, l’Allemagne instaure le revenu citoyen, mettant fin au dispositif Hartz IV, accusé d’avoir dopé la paupérisation des chômeurs.

L’objectif est toujours le même : encourager, coûte que coûte, le retour à l’emploi. En France, au nom du plein-emploi, le gouvernement a choisi de s’attaquer brique par brique au système d’assurance chômage – le dernier durcissement consistant, depuis le 1er février, à réduire de 25 % la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi lorsque la conjoncture économique est bonne (comprendre quand le taux de chômage se révèle inférieur à 9 %). « Peut-être que la France devrait tirer les leçons données par notre voisin d’outre-Rhin, elle qui aime tant se comparer à l’Allemagne ! », suggérait récemment Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT. Car en Allemagne est entré en vigueur, au début 2023, le Bürgergeld (revenu citoyen), un nouveau régime d’aide et d’indemnisation du chômage de longue durée qui doit remplacer le dispositif Hartz IV.
Quand Hartz IV prétendait remettre les chômeurs au travail
1. C’est-à-dire disposant de moins de 50 % du revenu moyen.
Mis en place en 2005 avec l’objectif d’accélérer le retour à l’emploi de chômeurs, le système Hartz IV (sans doute la plus célèbre et décriée réforme du gouvernement Schröder) n’a pas permis de réduire le taux de pauvreté en Allemagne. Pis, les inégalités de revenus n’auraient cessé de se creuser au cours de la dernière décennie, la part des personnes très pauvres1 ayant bondi de 40 % entre 2010 et 2019 pour atteindre 11,1 % de la population, selon un récent rapport de l’Institut des sciences économiques et sociales de la Fondation Hans Böckler. « L’obligation faite aux chômeurs par les lois Hartz IV d’accepter un emploi quel qu’il soit a été un puissant moteur de cette dégradation », précise ledit rapport.
Aujourd’hui, l’Allemagne fait machine arrière, consciente d’avoir favorisé avec les lois Hartz les petits boulots sous-payés et poussé des milliers de personnes dans la pauvreté sans régler le problème du chômage de longue durée. Le DGB, principal syndicat allemand, s’en réjouit : « Cette décision est une bonne nouvelle pour des millions de personnes à faible revenu et sans emploi, dont la situation sera enfin améliorée. On a trop souvent associé ceux qui recevaient Hartz IV à des gens qui ne voulaient pas travailler et se reposaient sur les aides sociales. »
En finir avec un système punitif et stigmatisant
Dans les faits, le montant de ce nouveau « revenu citoyen » a été revu à la hausse – les allocataires qui touchaient 449 euros avec les aides sociales Hartz IV recevront désormais 502 euros par mois –, et certaines conditions ont été assouplies : plus question d’obliger les allocataires à déménager dans des logements plus petits ni de diminuer l’allocation de quelqu’un (voire de l’en priver totalement) qui dispose d’une épargne ou d’un patrimoine. Finie, enfin, l’obligation d’accepter toute offre d’emploi jugée raisonnable, et qui a conduit en Allemagne des milliers des personnes à accepter n'importe quel emploi, même s’il n’avait aucun rapport avec leur qualification ou leur expérience antérieure… sans même parler des conditions salariales.
Alors que la France s’apprête de nouveau à rogner sur les droits des demandeurs d’emploi et à conditionner le versement du RSA à 15 à 20 heures d’activité hebdomadaires obligatoires dans le cadre de son projet France Travail, nos voisins allemands ont démontré par les faits les dangers liés à un système toujours plus punitif et stigmatisant vis-à-vis des publics les plus fragiles.