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Extrait de l'hebdo n°3969
Très controversé, le décret relatif aux sanctions applicables aux demandeurs d’emploi ne respectant pas leurs obligations vis-à-vis de France Travail est paru au Journal officiel. Il est entré en application le 1er juin.

Depuis le 1er janvier 2025, les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) sont obligatoirement et automatiquement inscrits comme demandeurs d’emploi auprès de l’opérateur France Travail. Cette nouvelle modalité d’indemnisation, issue de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein-emploi, vise à encourager le retour à l’emploi de certains bénéficiaires jugés trop attentistes par le gouvernement vis-à-vis de ce minimum social.
Une mesure subie par 1,9 million d’allocataires du RSA
Vivement critiquée, la mesure est pourtant, depuis le 1er juin, une réalité pour quelque 1,9 million d’allocataires du RSA. Un décret du 30 mai a en effet entériné son entrée en vigueur en fixant les sanctions applicables aux allocataires qui ne respecteraient pas leurs obligations contractuelles.
Concrètement, quatre situations peuvent désormais faire l’objet d’une sanction : lorsque le demandeur d’emploi refuse d’élaborer ou d’actualiser son contrat d’engagement avec France travail ; lorsqu’il ne respecte pas les obligations y afférentes (assiduité, participation active aux actions prévues par le plan d'action, obligation d’effectuer des actes positifs et répétés en vue de trouver un emploi) ; lorsqu’il refuse de se soumettre aux contrôles ; lorsqu’il refuse une offre raisonnable d’emploi à deux reprises sans « motif légitime ».
Dans ces quatre cas, le président du conseil départemental peut décider de réduire d’au moins 30 % (et jusqu’à 80 %)1 le montant de l’allocation pour une durée comprise entre un et deux mois. En cas de « persistance » ou « réitération du manquement », il peut continuer de suspendre ou décider de supprimer partiellement ou totalement le versement de l’allocation pendant un à quatre mois.
“On ne remobilise pas en sanctionnant !”
Ce décret a été vivement critiqué par le milieu associatif et les centrales syndicales. Même le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), instance pourtant placée auprès du Premier ministre, a, dans son avis du 7 mai 2025, été très critique. Selon lui, l’idée même d’utiliser les mêmes règles pour l’ensemble des publics inscrits à France Travail n’est pas la bonne. « Les régimes d’obligations ne sauraient être strictement alignés entre les allocataires du RSA et les demandeurs d’emploi », précise l’avis. Ce choix ne prend pas « suffisamment en compte les spécificités et fragilités propres à ces publics ».
Par ailleurs, l’introduction d’une nouvelle sanction dite de suspension-remobilisation risque, contrairement à son objectif premier, « d’affaiblir l’accès aux droits des publics visés en multipliant les sanctions » et de contribuer « à l’accroissement du non-recours aux droits et de la pauvreté ». Le CNLE propose plutôt d’introduire un premier niveau de sanction qui serait une convocation pour un rappel aux obligations de l’allocataire en lieu et place de la sanction suspension-remobilisation.
La CFDT partage cet avis selon lequel « on ne remobilise pas les personnes en les sanctionnant. C’est contre-productif ! ». Elle s’inquiète également pour les agents qui risquent d’être mis en difficulté quand ils devront définir le pourcentage de réduction du montant de l’allocation. « Sur quel critère objectif ?, s’interroge Chantal Richard, secrétaire confédérale chargée du dossier à la CFDT. Ils devront également définir la durée de la suspension… » Enfin, alors que le gouvernement se félicite d’une harmonisation des régimes de sanctions à des fins d’« équité » entre les demandeurs d’emploi et d’une meilleure « visibilité » du dispositif, la CFDT relève au contraire « un risque de comportement distinct d’une agence à l’autre, d’un département à l’autre, d’un opérateur à l’autre ».