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Extrait de l'hebdo n°3981
Le Conseil d’orientation des conditions de travail vient de reconnaître l’origine professionnelle de cancers liés à l’activité des sapeurs-pompiers. La CFDT Interco alertait depuis dix ans sur ces maladies graves qui touchent les agents des services départementaux d’incendie et de secours.

Intervenir sur les incendies n’est pas sans risques, cela va sans dire. Mais, au-delà du contact avec les flammes, l’exposition aux fumées et substances toxiques inhalées est, pour les pompiers en intervention, un facteur direct de cancer, estime le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Le risque de mésothéliome pulmonaire (cancer causé par l’exposition à des fibres minérales, l’amiante principalement) est ainsi 58 % plus élevé chez les pompiers que parmi le reste de la population ; le cancer de la vessie est, quant à lui, 16 % plus élevé…
Pourtant, la reconnaissance de ces cancers en tant que maladies professionnelles était jusqu’ici minime, notamment parce que aucun tableau de la Sécurité sociale n’incluait ce risque en lien avec les expositions de ces soldats du feu. « Puisque chaque pompier doit démontrer le lien entre sa pathologie et son activité professionnelle, on observe une sous-déclaration généralisée de ces maladies. Le nombre de sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’une reconnaissance d’invalidité a toujours été très faible, en dépit des nombreuses études internationales sur le sujet », souligne Sébastien Bouvier, secrétaire fédéral de la CFDT Interco et membre d’EPSU (European Public Service Union / Fédération syndicale européenne des services publics). « Nous avons monté un groupe de travail intersyndical à partir de 2012 après avoir constaté que d’autres pays européens étaient beaucoup plus protecteurs que la France – comme la Suède, où l’on avait déjà identifié la prévalence de cancers de la vessie chez les pompiers. »
Une sous-déclaration massive
Avec l’aide du Fonds national de prévention de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), ce groupe de travail a publié un rapport en 2019 qui corrobore de nombreuses études (du Circ, de l’Anses, de l’INRS…) et révèle de grosses failles dans la traçabilité des risques. C’est pourquoi, sur un contingent de 256 000 pompiers volontaires et de 43 500 professionnels en France, seules 24 déclarations de maladie professionnelle ont été recensées en 2023. La commission des affaires sociales du Sénat s’est saisie du sujet et a publié son propre rapport, en 2024, qui reprend les conclusions du Circ et préconise une meilleure prise en charge de ces cancers, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays européens.
L’aboutissement de tous ces travaux a finalement permis la modification des tableaux nos 16 et 30 des maladies professionnelles par le ministère du Travail, le 19 septembre dernier. Cela va faciliter la prise en charge des victimes, sapeurs-pompiers professionnels, volontaires et militaires – mais aussi, on l’espère, permettre de mieux appréhender ces pathologies en vue d’améliorer les dispositifs de prévention.