“Re-considérer le travail” : le rapport des Assises du travail est publié

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iconeExtrait de l’hebdo n°3872

Lancées en plein débat sur la réforme des retraites, les Assises du travail se sont achevées le 24 avril par la remise au ministre du Travail du rapport des garants Sophie Thiéry et Jean-Dominique Senard. Sur une idée de la CFDT, ces Assises devaient remettre la question du travail au centre des débats. Que faut-il en attendre ?

Par Claire Nillus— Publié le 02/05/2023 à 12h00

Après la présentation du rapport relatif aux premières Assises du travail, le 24 avril dernier, Jean-Dominique Senard, Sophie Thiéry et le ministre Olivier Dussopt ont répondu aux questions des journalistes.
Après la présentation du rapport relatif aux premières Assises du travail, le 24 avril dernier, Jean-Dominique Senard, Sophie Thiéry et le ministre Olivier Dussopt ont répondu aux questions des journalistes.© Syndheb

1. Conseil national de la refondation.

 À l’été 2022, la CFDT avait proposé au ministère du Travail de faire un état des lieux des évolutions du travail, en marge des questions d’emploi, dans un monde ébranlé par la crise sanitaire et traversé par de nombreuses transformations. Les Assises du travail ont finalement été lancées le 2 décembre 2022 par le gouvernement dans le cadre du CNR1 avec un mantra : « pouvoir mieux vivre de son travail et mieux vivre au travail ». Cette formule fait curieusement écho aux centaines de milliers de travailleurs qui, ces derniers mois, ont manifesté contre un projet de loi de réforme des retraites ignorant la réalité du vécu au travail.

Ces derniers mois, donc, les trois thèmes retenus (sens du travail ; qualité de vie et santé au travail ; démocratie au travail) auront permis l’organisation de douze ateliers thématiques avec les partenaires sociaux, des entreprises, des universitaires, des personnalités qualifiées. Une quinzaine d’événements territoriaux ont également eu lieu, et une contribution citoyenne, lancée sur le site du CNR, a permis de recueillir près de 5 000 témoignages. « Concilier le développement économique avec l’épanouissement individuel et collectif, en plaçant le travail au cœur du débat », tel était le but poursuivi par les garants tout au long de ces ateliers. Afin de répondre à ce défi, ils ont retenu quatre grands axes d’amélioration, prioritaires mais non exhaustifs, déclinés en dix-sept propositions.

Transformer les pratiques managériales

Le premier axe suggère de « gagner la bataille de la confiance » en faisant évoluer les pratiques managériales « pour passer d’une culture du contrôle à une culture de la confiance a priori ». Ce chapitre insiste sur la formation des managers, une meilleure articulation entre dialogue professionnel et dialogue social, appuyé sur « une représentation davantage placée en proximité des situations de travail ». Une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux par les entreprises est aussi vue comme un atout indispensable pour redonner du sens au travail.

Mieux équilibrer les temps de vie

2. Conseil économique, social et environnemental.

Préoccupation croissante des travailleurs, la conciliation des temps de vie s’est trouvée accentuée par la digitalisation du travail et le développement du télétravail. Les rapporteurs souhaitent donc que le Cese2, à travers un avis, se penche sur les différents types de semaines de quatre jours et les bonnes pratiques en la matière. Ils recommandent également la mise en place du compte épargne-temps universel. Attaché à chaque travailleur, le Cetu permettrait d’épargner ses jours de congé non pris et de les utiliser de manière différée. Pour les seniors, il est proposé de concevoir un dispositif d’aménagement des fins de carrière « permettant une diminution progressive d’activité, compensée partiellement pour les entreprises/organisations et les travailleurs ».

Sécuriser les parcours professionnels

Le troisième axe vise à assurer aux travailleurs des droits effectifs et portables tout au long de leur parcours professionnel, de moins en moins linéaire. Aussi le rapport préconise-t-il de missionner l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des finances pour « évaluer le caractère effectif des droits sociaux acquis par les travailleurs dont les contrats de travail sont les plus précaires, dans le secteur privé et dans les fonctions publiques ».

Développer la culture de la prévention

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Alors que le nombre d’accidents du travail (dont les accidents graves et mortels) ne diminue plus depuis les années 2000, préserver la santé physique et mentale des travailleurs nécessite une certaine culture de la prévention dans les entreprises. « Il faut pouvoir s’appuyer sur l’ensemble des mesures issues du travail remarquable des partenaires sociaux et des pouvoirs publics », à savoir l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 relatif à la santé au travail (retranscrit dans la loi du 2 août 2021), le quatrième plan santé au travail (2021-2025) et le plan pour la prévention des accidents graves et mortels du 14 mars 2022. Il est également proposé d’ajouter un dixième principe général de prévention à l’article L4121-2 du code du travail pour y intégrer l’écoute des travailleurs sur « la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail et les relations sociales ».

3. Conférence des Parties. Composée de tous les États membres de la conférence, elle vérifie la bonne application des objectifs des conventions internationales adoptées

Trois questions à Catherine Pinchaut, secrétaire nationale

 

Ne doit-on pas regretter que ce rapport arrive après la promulgation de la loi sur les retraites… à moins que le contexte social actuel lui donne encore plus de valeur ?
Ce rapport rappelle ce que nous avons dit depuis le début du débat sur les retraites : il fallait parler du travail avant cette loi pour tenir compte du vécu des travailleurs et de leurs aspirations dans un monde du travail en pleine mutation. Mais on peut se féliciter de ces Assises, dont les conclusions arrivent à point nommé si le gouvernement souhaite renouer un dialogue avec les organisations syndicales.

Ce rapport est-il innovant ?
Il y a beaucoup de sujets que nous portions déjà tels que l’évolution des pratiques managériales et la création d’espaces d’expression des salariés ou encore la mise en œuvre d’un compte épargne-temps universel. Mais les propositions vont dans le bon sens. Ainsi, l’ajout d’un nouveau principe de prévention dans le code du travail actant la nécessité d’écouter les travailleurs sur leurs conditions de travail constitue une réelle innovation.

Quelles suites peut-on en attendre ?
D’abord, l’instauration d’un rendez-vous annuel des acteurs du travail, une sorte de « COP3du travail », comme nous le demandions, et que le rapport suggère également. Ensuite, nous allons chercher les moyens concrets de mettre en œuvre ce qu’il préconise – avec l’aide du Cese, notamment, mais aussi des autres parties prenantes, les employeurs et les pouvoirs publics. Il n’est pas question d’enterrer ce travail, qui a permis une grande diversité des approches et des échanges constructifs entre le secteur privé et le public !