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Extrait de l'hebdo n°3987
Alors que s’ouvre la 29e Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, des associations alertent sur la persistance des discriminations à l’embauche dont sont victimes les personnes en situation de handicap, malgré la loi. Un constat que partage la CFDT, qui appelle à plus d’égalité.

Vingt ans après l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, l’accès à l’emploi des personnes handicapées ne progresse que timidement. Malgré quelques avancées, les discriminations demeurent structurelles, alertent plusieurs associations à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (du 17 au 23 novembre 2025). Elles appellent à un « sursaut collectif ».
Des préjugés ancrés dans le monde professionnel
« Les préjugés négatifs restent profondément ancrés », déplore Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap, à l’occasion d’un webinaire le 14 novembre. Selon l’association, la dernière opération de testing menée (entre février et septembre 2025) avec des chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1 confirme une réalité dénoncée depuis des années : « 1 974 candidatures fictives ont été envoyées en Île-de-France et à Lyon pour des postes de secrétaire-réceptionniste et d’assistante comptable… » Or les résultats sont sans appel : à compétences égales, les candidats mentionnant un handicap reçoivent moins de réponses positives que les autres (22 % contre 27,6 %).
Les handicaps moteurs (et plus encore lorsqu’ils sont associés à un handicap auditif) diminuent drastiquement les chances d’être recontacté – jusqu’à 10 points de moins. Les postes en contact avec le public sont également les plus discriminants : – 8,6 points pour les emplois de secrétaire-réceptionniste, – 2,8 points pour les postes d’assistante comptable. « Ce n’est pas parce que je suis handicapé que je ne peux pas occuper un poste d’accueil. C’est parce que le responsable ne veut pas, pour l’image de marque de l’entreprise, d’une personne en situation de handicap au poste d’accueil », témoigne Théo, victime de discrimination à l’embauche.
Des dispositifs d’insertion peu efficaces
Autre constat rapporté par l’étude, les outils censés améliorer la visibilité des candidats handicapés ne produisent pas les effets escomptés. Le CV vidéo, visionné dans seulement un quart des cas, se révèle même contre-productif dès lors qu’il rend visible le handicap : les chances d’obtenir une réponse positive chutent de 50 %. La lettre de recommandation, quant à elle, n’a aucun impact notable sur les candidatures de personnes en situation de handicap moteur. « Ces résultats montrent que les discriminations à l’embauche sont systémiques », insiste Pascale Ribes, qui regrette l’inefficacité persistante des dispositifs mis en place depuis 2005.
Une loi ambitieuse mais des résultats contrastés
La loi handicap de 2005 avait pourtant posé des bases fortes : obligation pour les entreprises d’au moins 20 salariés d’employer 6 % de travailleurs handicapés, extension de cette obligation à la fonction publique, aménagement obligatoire des postes de travail. Néanmoins, deux décennies plus tard, le taux de chômage des personnes handicapées reste deux fois supérieur à celui de la population générale (12 % contre 7,7 % à la fin septembre 2025 pour l’ensemble de la population). Le Sénat soulignait en février 2025 un autre frein majeur : l’accès aux formations. Seuls 29 % des travailleurs handicapés en emploi disposent d’un diplôme bac + 2 ou plus, contre 47 % dans l’ensemble de la population active.
« Certaines idées reçues persistent, comme penser qu’une personne handicapée sera plus souvent malade ou moins compétente », explique Patrick Maincent, vice-président de l’Unapei, pour qui les freins sont avant tout culturels. Un constat partagé par l’Agefiph : « Il est temps de démystifier le handicap, affirme sa directrice générale, Caroline Dekerle. 80 % des handicaps sont invisibles : diabète, épilepsie, maladies chroniques, dépression, sclérose en plaques… Le handicap ne se résume pas au fauteuil roulant ou à la canne blanche ! » Elle souligne également l’importance des role models1 lorsqu’il s’agit de faire évoluer les mentalités, saluant la prise de parole de Nicolas Demorand, animateur de France Inter, qui a révélé en 2024 être atteint de bipolarité.
Un enjeu syndical
Les organisations syndicales ont évidemment un rôle à jouer, en impulsant la négociation d’accords collectifs permettant une meilleure considération du handicap au sein des entreprises. « Si l’emploi des personnes en situation de handicap a progressé et s’établit désormais à 1,3 million (+ 12 % en 2024), il reste encore beaucoup à faire dans les entreprises et les administrations », rappelle la CFDT dans un communiqué daté du 17 novembre. Pour elle, deux axes importants sont à poursuivre : « sensibiliser et former les travailleurs et les managers comme les élus et représentants du personnel, notamment les référents handicap [et] accompagner les personnes en situation de handicap et victimes de discrimination, y compris en conseil de prud’hommes ou au tribunal judiciaire ».
Alors qu’a débuté cette nouvelle semaine de sensibilisation, le sujet reste donc aussi éminemment syndical…