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Extrait de l'hebdo n°3970
Réunis à Genève du 2 au 13 juin, les délégués tripartites membres de l’Organisation internationale du travail ont attribué davantage de droits à la Palestine, entamé des discussions normatives sur les travailleurs des plateformes et adopté, non sans mal, le budget 2026-2027.

Il aura fallu un vote pour approuver le projet de résolution soumis aux 187 autorités et membres de l’OIT1 réunis à Genève à l’occasion de la 113e Conférence internationale du travail. Le résultat du scrutin, mené le 4 juin, n’a été dévoilé en plénière que le lendemain, dans un contexte international particulièrement tendu. La résolution – approuvée par 386 voix, contre 15 oppositions et 42 abstentions – attribue à la Palestine le statut d’État observateur non membre, elle qui n’avait jusqu’alors que le statut de mouvement de libération. À ce titre, elle pourra déposer des propositions et des amendements comme à l’OMS2, où elle est désormais associée au Règlement sanitaire international.
Des droits élargis mais pas de possibilité de voter
Elle peut également participer à toutes les réunions en tant qu’État et aux travaux de l’OIT avec des délégations tripartites. En revanche, elle ne pourra ni voter ni présenter de candidatures aux organes de l’institution.
« Nous vous sommes reconnaissants de cette décision historique au terme d’un long processus diplomatique. Elle va porter la voix de tous les Palestiniens dans cette institution. Merci à tous ceux qui défendent les droits humains. C’est une preuve de solidarité internationale », a lancé la ministre palestinienne du Travail, Enas Dahadha Attari, à la tribune de l’ONU. Loin d’être anodine, cette décision intervient quelques jours avant la conférence concernant la situation au Proche-Orient prévue à New York… et qui pourrait voir la France reconnaître l’État de Palestine3.
Une fois encore, les tensions autour des droits des personnes LGBT+ auront émaillé les débats et menacé l’adoption du programme de travail et du budget 2026-2027 de l’OIT. Alors que de nombreux pays célèbrent ces jours-ci le mois des fiertés, de nouvelles tentatives des groupes Afrique et État arabes de restreindre le langage sur les questions de minorités sexuelles et de genre se sont produites ; il a fallu trouver un compromis pour garantir la lutte contre les discriminations. In fine, il faudra se contenter d’une enveloppe de 885 millions de dollars sur deux ans, d’autant plus que les États-Unis, depuis 2023, n’ont plus payé leurs contributions (elles représentent près d’un quart du financement de l’institution).
Le cas des travailleurs des plateformes
Un autre sujet est également apparu sur le devant de la scène, qui devrait occuper l’OIT au cours des deux prochaines années : le travail décent dans l’économie des plateformes. Des discussions normatives ont en effet débuté lors de cette 113e session de la CIT. Elles devront établir clairement la forme juridique du statut de ces travailleurs et étudier les obstacles de l’accès au droit, estime Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, présente à Genève. « En France, nous avons décidé d’organiser ces travailleurs indépendants via Union-Indépendants. Nous avons à ce titre l’expérience d’un certain nombre de discussions, qui s’avèrent extrêmement difficiles, avec les employeurs. On sait le besoin urgent qu’il y a à mettre de l’équité dans la négociation. »
À ce jour, il n’existe aucune loi internationale contraignante traitant explicitement des conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques. L’OIT a l’occasion de garantir que les travailleurs des plateformes, qui représentent une part importante et croissante de la main-d’œuvre mondiale, puissent exercer pleinement leurs droits. Dans une déclaration commune publiée le 3 juin dernier, la Confédération syndicale internationale et une trentaine d’autres organisations de la société civile et de défense des droits humains soulignaient d’ailleurs l’urgence de « combler les lacunes critiques en matière de protection des droits des travailleurs dans le secteur de l’économie des plateformes numériques ».