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iconeExtrait de l’hebdo n°3905

Les militants CFDT d’Aviapartner de l’aéroport de Lille ont choisi d’être acteurs tout au long de la crise Covid afin de sauvegarder les emplois. En 2023, ils ont été très largement réélus lors des dernières élections CSE.

Par Claire Nillus— Publié le 30/01/2024 à 13h00

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© Syndheb

Les stigmates de la pandémie s’effacent très lentement pour les salariés de l’aéroport de Lille-Lesquin (Nord / Hauts-de-France). En ce matin du 17 janvier, seuls deux avions sont en partance. Aux comptoirs d’enregistrement, c’est très calme, et le planning des vols inclut même une coupure de six heures en milieu de journée. Pendant six heures, donc, il ne se passera pas grand-chose sur le tarmac. Bien que le trafic soit toujours moins important pendant l’hiver et plus dynamique à partir du mois d’avril, cette situation, « c’était du jamais vu » avant la crise sanitaire qui a cloué tous les avions au sol pendant trois mois, hors fret et avions sanitaires.

Pour la section CFDT d’Aviapartner, la société qui gère les services aéroportuaires de Lille-Lesquin, le traumatisme est toujours présent. À chaque nouvelle annonce gouvernementale, l’équipe cherchait des solutions afin qu’il n’y ait aucune suppression de poste. « Nous avions un cap : 107 salariés au moment de la crise, 107 à l’issue de celle-ci. Nous avons réussi. Mais jusqu’à quand ? », observe le délégué syndical Mickaël Blas. Car, trois ans après le premier confinement de 2020, l’activité de l’aéroport n’a pas retrouvé le niveau de 2019, tant s’en faut. Début 2023, la compagnie Air France s’est même retirée définitivement de l’escale lilloise : or avec 70 % du trafic en hiver, c’était le plus gros client d’Aviapartner…

À la recherche de compromis

« Tout au long de la pandémie, nous avons été force de proposition, explique Mickaël. Nous ne voulions pas subir mais agir, et agir sans heurter : c’était une période trouble pour tout le monde, il fallait être solidaires et trouver les bons compromis. » Alors, pendant dix-huit mois, les accords signés par la CFDT ont fait preuve de concession. L’organisation du temps de travail a été revue. La section a négocié des journées avec coupures (heures non payées) et des vacations plus courtes. Autre exemple, la rémunération des dimanches (des jours payés double en temps normal) a été divisée par deux pendant la période.

1. Activité partielle de longue durée.

« Il y avait des sacrifices à faire mais le bilan a été très positif en matière de dialogue social, développe Mickaël. « Dans d’autres escales, il y a eu des grèves. Mais des grèves pour quoi ? L’employeur subissait lui aussi cette situation. Avec l’APLD1, nous avons été aidés jusqu’en mars 2023. Depuis, on serre les dents, on liquide les jours de congés accumulés pendant la crise, on attend la reprise du trafic au printemps. Nous aurons bientôt le programme des vols de la période qui va de fin mars à fin octobre. D’ici là, la direction a garanti nos emplois. » Selon le délégué syndical, c’est une juste reconnaissance des arrangements qui ont permis de tenir, mais aussi une mesure de bon sens : la sécurité des avions exigeant de l’expérience et des compétences, licencier puis former de nouvelles recrues à quelques semaines de la saison touristique aurait été un très mauvais calcul. « Garder les effectifs en CDI est évidemment un gage de qualité pour l’entreprise, assure Mickaël. Cependant, les conditions de travail ont changé, et nous travaillons sur des aménagements en faveur des personnels les plus exposés à la pénibilité. »

Des accords bénéficiant aux seniors

Depuis le départ d’Air France, les services aéroportuaires ont évolué en vue de s’adapter aux deux compagnies low cost restantes, Volotea et easyJet. « Les conséquences sur notre façon de travailler sont importantes. Sur un avion charter, nous avions une heure pour la touchée complète (débarquement et embarquement des passagers, déchargement et chargement des bagages), tandis que sur un low cost, il faut aller très vite, on a trente minutes au maximum », précise Mickaël. « Comme il y a très peu de turnover ici, l’âge moyen est maintenant proche de 43 ans… et les troubles musculo-squelettiques épaules-coudes-poignets se multiplient. Car il faut avoir en tête qu’en haute saison, les bagagistes manipulent chacun entre 10 et 15 tonnes par jour ! »

À chaque négociation annuelle obligatoire, la section propose donc plusieurs mesures, « pour en obtenir au moins une ou deux ». Ainsi, de 2019 à 2023, la situation des salariés de plus de 55 ans s’est améliorée : ils ont un jour de congé supplémentaire par an (cumulables jusqu’à 60 ans), effectuent des vacations moins longues et travaillent huit jours consécutifs au maximum. Leurs repos sont étendus à douze heures au minimum entre deux jours travaillés et ne peuvent pas être planifiés entre minuit et 4 heures. « Il faut aller plus loin ; nous voulons qu’ils ne soient pas non plus programmés entre 23 heures et 5 heures », poursuit le délégué syndical.

Les seize élus décident collégialement

En 2023, les salariés ont massivement voté aux élections du CSE (80 % de participation) et plébiscité la CFDT à 95 %. Aujourd’hui, la section compte 72 adhérents, 16 sièges sur 16 au CSE et un élu dans chaque service. Toutefois, tempère Mickaël, « obtenir de bons résultats aux élections, c’est une chose, mais c’est la manière dont nous sommes perçus qui compte le plus pour moi. Je suis satisfait quand les salariés me disent : “Depuis que c’est vous, on est au courant de tout, on voit ce que vous faites” ». À son arrivée à la tête de la section, en 2019, il a misé sur le travail d’équipe : laisser la porte du local syndical toujours ouverte, communiquer les numéros de téléphone portable des élus à tous les salariés, être joignable à toute heure et, surtout, « ne jamais prendre une décision sur un coin de table ni sans en avoir parlé au préalable ».

2. Commission santé, sécurité et conditions de travail.

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Élus et suppléants participent une fois par mois à une réunion du CSE, et une équipe de quatre délégués du personnel formés au sujet des problématiques de santé au travail se réunit chaque trimestre en CSSCT2. Enfin, avec la direction, la relation de confiance instaurée depuis la crise sanitaire est un véritable plus. « En tout cas, on a testé la stratégie du win-win [gagnant-gagnant], comme on dit, et ça marche ! »