Métallurgie : faut-il nationaliser ?

temps de lecture Temps de lecture 5 min

icone Extrait de l'hebdo n°3989

L’Assemblée nationale a adopté, le 27 novembre en première lecture, une proposition de loi LFI visant à nationaliser la filiale française du groupe sidérurgique ArcelorMittal. Selon la CFDT, d’autres voies sont possibles…

Par Sabine IzardPublié le 02/12/2025 à 13h00

image
© Fred Marvaux/RÉA

Essentielle à de nombreux égards – puisqu’elle alimente des secteurs stratégiques comme la construction, l’automobile, le rail ou la défense –, la sidérurgie française est aujourd’hui fragilisée par le désengagement progressif d’ArcelorMittal. Depuis des mois, en effet, le géant de l’acier enchaîne les annonces de fermetures de sites, de suppressions d’emplois, de gel des investissements ou encore d’ajournement des projets de décarbonation. Des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu. L’Assemblée nationale a donc adopté, le 27 novembre en première lecture, une proposition de loi de La France insoumise (LFI) visant à nationaliser la filiale française du groupe. Si le texte a peu de chance d’aboutir (le gouvernement et la droite y sont opposés, et l’extrême droite s’est abstenue), il n’en pose pas moins la question d’une intervention publique, voire d’une nationalisation des entreprises stratégiques, lorsque la souveraineté industrielle de la France est en jeu.

Pour la rapporteure (LFI) du texte à l’Assemblée nationale, Aurélie Trouvé, cette proposition de loi est « l’unique solution » permettant de sauver la filière et ses 15 000 emplois directs. L’objectif est aussi de lutter contre le plan social annoncé par ArcelorMittal en avril derniers et de relancer la décarbonation des hauts fourneaux. Le gouvernement ne partage pas cette position et juge que la nationalisation « fragiliserait l’emploi au lieu de le protéger ». Selon le ministre délégué chargé de l’Industrie, Sébastien Martin, la principale menace vient du « tsunami » d’acier asiatique qui déferle sur le marché européen ; nationaliser ArcelorMittal ni changerait donc rien. Selon lui, la réponse se trouve à Bruxelles. Il a notamment rappelé que la France avait obtenu un plan d’urgence européen : au-delà d’un certain volume d’importations, des droits de douane de 50 % seront appliqués en vue de freiner la concurrence chinoise – mesure que Paris veut rendre effective dès 2026.

Selon la CFDT, l’entrée au capital fait partie des discussions

Une position que partage Fabien Guimbretière, secrétaire national. Selon lui, il faut créer une filière européenne de la métallurgie et ériger des barrières douanières au niveau européen pour la protéger. « Si on nationalise et que c’est le statu quo à côté, on va vers des pertes structurelles. D’autant que les finances de l’État ne sont pas bonnes. » Il rappelle par ailleurs qu’ArcelorMittal n’est pas une entreprise en difficulté. « Avant de demander à l’État de s’engager, il faut évoquer la responsabilité d’ArcelorMittal, qui s’est goinfré d’aides publiques ! »

« Le secteur de la sidérurgie est en pleine souffrance », déplore Christèle Khelf, secrétaire générale adjointe de la CFDT Métallurgie. « Chez NovAsco, la Dreets1 vient d’approuver le PSE : 548 salariés se retrouvent sans emploi, dont 450 au sein de l’aciérie bas carbone d’Hagondange ! À se demander s’il n’y a pas un choix délibéré du gouvernement de ne pas soutenir la vieille industrie française qui tend pourtant à se décarboner. »

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Journaliste

S’agissant d’ArcelorMittal France, le PSE qui vient d’être signé limite la casse : 250 suppressions de postes contre 600 initialement envisagées. D’après Christèle Khelf, il ne s’agit pas de nationaliser mais de permettre à l’État d’entrer au capital pour stabiliser la filière, à l’image du sidérurgiste suédois SSAB. Fortement appuyé par des participations publiques suédoises et finlandaises, ce groupe est devenu un pionnier de la décarbonation grâce à son projet Hybrit®, financé à 80 % par des fonds publics. « Contrairement à ses concurrents, SSAB préserve ses sites et ses emplois, démontrant qu’une transition écologique réussie nécessite un soutien politique volontariste. Ce n’est qu’en proposant à l’échelle européenne une politique commerciale claire et en revisitant la politique de gouvernance des entreprises stratégiques que l’on pourra sauver le secteur de la sidérurgie », conclut la militante.