L’idée d’une contribution des plus hauts revenus s’impose enfin

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icone Extrait de l'hebdo n°3979

Le débat autour de la taxe Zucman a l’immense mérite d’imposer le thème de la justice fiscale en cette rentrée sociale. La CFDT, qui demande depuis plusieurs années une réforme de la fiscalité, soutient tout projet sérieux consistant à faire contribuer davantage les plus hauts revenus.

Par Jérôme CitronPublié le 23/09/2025 à 12h00

Le multimilliardaire Bernard Arnault a récemment pris pour cible l’économiste Gabriel Zucman, qualifiant ce dernier de « militant d’extrême gauche » et de « pseudo-universitaire » dont l’idéologie « vise la destruction de l’économie libérale ».
Le multimilliardaire Bernard Arnault a récemment pris pour cible l’économiste Gabriel Zucman, qualifiant ce dernier de « militant d’extrême gauche » et de « pseudo-universitaire » dont l’idéologie « vise la destruction de l’économie libérale ».© Éric Tschaen/RÉA

En quelques semaines, Gabriel Zucman sera passé du statut de jeune économiste surdoué, mais inconnu du grand public, à héros d’une grande partie de la gauche et ennemi juré du patronat. Sa proposition de taxer les plus hauts revenus (les 1 800 personnes dont la fortune dépasse les 100 millions d’euros) s’est en effet imposée dans l’opinion publique.

Le projet de taxe Zucman consiste à instaurer un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine (personnel et professionnel) des ultrariches pour compenser le fait qu’ils échappent largement à l’impôt grâce à divers mécanismes d’évasion et d’optimisation fiscale. Il ne s’agit donc pas d’une taxe de 2 % supplémentaires mais bien d’un plancher. Les détenteurs d’un patrimoine de 100 millions d’euros ne pourraient pas payer moins que l’équivalent de 2 % de leur patrimoine. Cette mesure, si elle était adoptée, rapporterait, selon l’économiste, environ 22 milliards d’euros – beaucoup moins selon ses détracteurs.

La menace de l’exil fiscal

Dans le contexte actuel de crise budgétaire, cette proposition n’est pas passée inaperçue et a provoqué des réactions très diverses. Le patronat y voit une taxe nouvelle sur les entreprises et rejette en bloc l’idée, laissant entendre que cela conduirait les chefs d’entreprise à l’exil. Le milieu des start-ups a, quant à lui, soulevé une faiblesse de la proposition : que faire si le patrimoine professionnel détenu n’est pas liquide ? Pour le dire autrement, comment exiger des personnes possédant des parts (à hauteur de plus de 100 millions d’euros) dans des start-ups qui ne rapportent rien qu’elles reversent au fisc en argent l’équivalent de 2 % de ces parts ? La solution pourrait éventuellement passer par un paiement en actions (avec option de rachat du cédant s’il le désire) plutôt qu’en liquide…

« Dans la mesure où la fortune héritée représente 60 % des patrimoines en France, cette taxe concerne majoritairement ces héritiers et pas les entrepreneurs, explique Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT chargé des questions de fiscalité. Il faut, bien entendu, prendre en considération les cas particuliers et veiller à ce qu’une telle mesure ne pénalise pas le développement des entreprises, mais cela ne doit pas être une excuse pour refermer le dossier. » Selon la CFDT, faire participer les plus hauts revenus à hauteur de leurs moyens constitue un impératif de justice sociale, que ce soit à travers une taxe Zucman ou un autre dispositif.

Une réforme globale s’impose

Mais le débat actuel autour de la taxe Zucman ne couvre pas la totalité du sujet « fiscal ». La CFDT demande depuis de longues années une réforme globale de la fiscalité afin de la rendre plus juste et plus progressive. Elle estime notamment nécessaire d’instaurer une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu à 50 % (au-delà de 300 000 euros annuels) et souhaite revenir sur la flat tax (taux unique) de 30 % sur les revenus financiers, instaurée en 2017 par le chef de l’État dans ses premiers mois d’exercice. « L’idée est de taxer les revenus du capital autant que les revenus du travail », résume Luc Mathieu.

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

Enfin, la CFDT souhaite imposer davantage les successions – même s’il s’agit d’une mesure souvent mal comprise et impopulaire. « Les Français sont très réticents lorsque l’on parle de taxer davantage les successions alors qu’il s’agit d’une mesure de justice évidente dans une période où l’on constate que les inégalités de patrimoine ne cessent de s’amplifier », insiste Luc Mathieu. Le sujet de la fiscalité est donc loin d’être épuisé. Espérons que ce « moment Zucman » permette de faire un premier pas dans la bonne direction.