Le faible taux d’emploi des seniors, un mal français ?

temps de lectureTemps de lecture 4 min

iconeExtrait de l’hebdo n°3907

Un colloque organisé par la Confédération française des retraités a permis, à travers un regard pluridisciplinaire, de faire un pas de côté dans la réflexion alors qu’a lieu actuellement une négociation paritaire sur le sujet.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 13/02/2024 à 13h00

image
© Stéphane Audras/RÉA

C’est devenu le sujet du moment. Touchant tous les salariés, toutes les entreprises et, plus largement, toute la société, l’emploi des seniors n’est pas un sujet de niche. Il est pourtant on ne peut plus complexe à aborder, tant ses ramifications sur le sens du travail et la globalité des parcours professionnels sont prégnantes, nécessitant une approche globale.

Le colloque du 8 février dernier à la Maison de la Chimie, à Paris, a permis de dresser un état des lieux de la situation de l’emploi en France et a cherché à déconstruire un certain nombre d’idées reçues. Selon l’économiste Jean-Hervé Lorenzi, « il n’y a pas, contrairement à ce que l’on pense, de substitution de l’emploi des seniors par rapport à l’emploi des jeunes ». Le taux d’emploi des « personnes expérimentées » – c’est ainsi que préfèrent les appeler plusieurs intervenants – semble pourtant figé depuis des décennies avec, passé le cap des 50 ans, un fort sentiment d’absence de perspectives, de trajectoire de carrière bloquée. « À l’inverse de nos voisins, notre pays ne permet pas de bouger de son statut et de faire marcher ce que l’on appelle l’ascenseur social », poursuit l’économiste, qui propose un « congé de réflexion de carrière », lequel se traduirait par un temps obligatoire hors de l’entreprise afin de réfléchir à son statut et à son évolution de carrière.

Un panel de solutions tout au long de la carrière

Très sensible à la volonté de renforcer (voire de créer) de nouveaux droits profitant aux salariés avant même d’avoir atteint « l’âge seniors », la CFDT, actuellement engagée dans la négociation « Pacte de la vie au travail », esquisse d’autres pistes (à moyen et long terme) à activer pour y parvenir. Un « rendez-vous perspective professionnelle », différent de l’idée avancée par Jean-Hervé Lorenzi, permettrait, au salarié au bout de vingt ou vingt-cinq ans de carrière, de faire un premier bilan et de porter un autre regard sur les compétences ; un renforcement de la formation… dont les seniors sont souvent écartés dans la dernière partie de leur carrière. « Nous avons un panel de solutions adaptables à chacun et qui peuvent se mettre en place tout au long de la carrière, explique Olivier Guivarch, secrétaire national CFDT. C’est essentiel de considérer toutes ces options si l’on veut renforcer l’employabilité de ces salariés. Mais cela doit se faire par le dialogue social, au niveau des entreprises comme des branches. »

Un défi pour les politiques publiques ?

1. Association pour l’emploi des cadres.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Au-delà de l’entreprise, l’emploi des seniors constitue également un défi pour les politiques publiques. La mise en place, au 1er janvier 2024, de France Travail doit, dans sa philosophie originelle, « permettre de produire des parcours sans couture, où chacun possède un morceau de la solution », résume son directeur général adjoint, Paul Bazin. À cet égard, « l’emploi des seniors est peut-être la solution à beaucoup de paradoxes qui traversent la société française, comme celui qui veut que nous connaissions des tensions de recrutement dans les entreprises alors que, dans le même temps, les seniors sont systématiquement écartés du retour ou du maintien dans l’emploi », assure Gilles Gateau, le directeur de l’Apec1, qui appelle à se servir des outils en notre possession telle l’immersion professionnelle, par exemple. Reste que, dans les faits, certains dispositifs très coûteux ne peuvent s’appliquer qu’aux grandes entreprises…