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Extrait de l'hebdo n°3988
Le 14 novembre dernier, le Premier ministre annonçait le dépôt d’un projet de loi avant la fin de l’année visant à créer une allocation sociale unique (ASU) regroupant RSA, prime d’activité et aides au logement. Élément de maîtrise de la dépense sociale ou réelle mesure de simplification ?

Le choix du calendrier, à quelques jours du vote du budget, n’est sans doute pas anecdotique. Le 14 novembre dernier, en clôture des Assises des départements de France, Sébastien Lecornu annonçait un projet de loi relatif à l’allocation sociale unique, présenté en Conseil des ministres avant la fin décembre et précédé d’une « mission flash ». L’idée consistant à regrouper et verser en une seule fois plusieurs aides – comme la prime d’activité, le RSA et certaines aides au logement, aujourd’hui versées séparément – n’est pas nouvelle. En 2018, déjà, Emmanuel Macron l’avait évoqué lors de la présentation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.
À l’époque, on ne parlait pas encore d’allocution unique mais de revenu universel d’activité (RUA). Reprise par le Premier ministre lors de son discours de politique générale en octobre dernier puis réitérée ces derniers jours devant les départements, l’idée est régulièrement défendue par la droite depuis des années – Laurent Wauquiez (son plus fervent défenseur) préconisant une allocation plafonnée à 70 % du Smic pour « lutter contre l’assistanat ». Aussi, cette annonce, à ce moment précis du débat budgétaire, est vue par certains observateurs comme un gage politique à un bloc conservateur très demandeur d’un plafonnement du montant des aides sociales.
3,55 millions de ménages possiblement pénalisés
Officiellement, l’objectif affiché par le gouvernement à travers cette loi, qui pourrait être mise en œuvre entre 2027 et 2030, est de faciliter le recours aux prestations sociales (grâce à une simplification administrative) et ainsi lutter contre le non-recours. « La CFDT ne peut que partager cette idée, tant on sait que le non-recours conduit à une hausse sensible de la pauvreté, précise Chantal Richard, secrétaire confédérale chargée de la lutte contre la pauvreté. Mais, derrière la vitrine, nous savons d’ores et déjà qu’il y aura des perdants. Le risque d’un détricotage des droits sociaux et d’une stigmatisation des personnes les plus fragiles, qui seraient seules responsables de leur situation, nous hérisse. »
À l’époque du revenu universel d’activité, France Stratégie s’était intéressée aux effets possibles d’une fusion des allocations sociales. À enveloppe budgétaire constante, un tel regroupement entraînerait une diminution des ressources de 3,55 millions de ménages, dont 1,5 million pourrait perdre totalement leur droit à prestation. À l’inverse, 3,3 millions de ménages bénéficieraient d’une hausse de leurs revenus. Les familles monoparentales et les couples avec enfants seraient ainsi légèrement avantagés, tandis que le taux de pauvreté des personnes seules augmenterait de 1,6 point.
La CFDT auditionnée cette semaine…
À ce stade, Sébastien Lecornu n’a pas dévoilé les détails de ce futur projet de loi ni précisé si cette allocation unique serait plafonnée, comme le demande Laurent Wauquiez. La « mission flash », durant laquelle la CFDT devrait être auditionnée cette semaine, permettra à la première organisation syndicale de France de faire valoir ses points de vigilance et lignes rouges – tant en ce qui concerne les bénéficiaires de cette réforme que les personnels impactés par sa mise en œuvre administrative. « Une menée dans la précipitation risquerait d’avoir des conséquences majeures de dysfonctionnement pour l’ensemble des institutions et de leurs salariés », alerte la CFDT.