“La transition écologique ne se fera ni contre les travailleurs ni sans eux”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3900

Peu avant la conclusion de la COP 28 à Dubai, la CFDT présentait son “Manifeste pour la transition écologique juste” lors d’une conférence de presse à la Confédération. Ce document de référence résume à la fois les positionnements de l’organisation et les dispositifs d’accompagnement des militants qui veulent agir en faveur de la transition écologique.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 12/12/2023 à 13h00

De gauche à droite : Sébastien Hervé, délégué syndical du groupe Éram ; Michaël Pinault, initiateur du réseau des Sentinelles vertes ; Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT ; Fabien Guimbretière, secrétaire national ; Florence Faure, déléguée fédérale (en charge de la branche pharmacie) de la CFDT-Chimie-Énergie.
De gauche à droite : Sébastien Hervé, délégué syndical du groupe Éram ; Michaël Pinault, initiateur du réseau des Sentinelles vertes ; Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT ; Fabien Guimbretière, secrétaire national ; Florence Faure, déléguée fédérale (en charge de la branche pharmacie) de la CFDT-Chimie-Énergie.© Syndheb

En matière de transition écologique, la place du syndicalisme n’est pas sur le banc de touche et encore moins dans les gradins, mais bien sur le terrain ! « Nous devons prendre toute notre place en tant qu’organisation syndicale », a d’ailleurs réaffirmé Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, lors de la conférence de presse de présentation du Manifeste pour la transition écologique juste, le 7 décembre, à la Confédération. « Si le syndicalisme n’est pas là pour porter le message de la transition écologique juste et embarquer les travailleurs dans cette voie, on prend le risque de continuer d’aborder ces questions-là uniquement sous un prisme défensif. Pour nous, l’idée est de porter cette voix dans le débat public », a-t-elle ajouté. Une voix d’autant plus nécessaire que, ces derniers mois, se sont élevés des discours relativistes teintés de climatoscepticisme.

Le monde du travail très impacté

La transition écologique, parce qu’elle ne relève pas que de questions environnementales mais implique une profonde transformation du modèle productif, va drastiquement impacter le monde du travail. Avec des conséquences sur l’emploi, bien sûr, comme on le voit déjà dans le secteur de l’automobile du fait de l’électrification des véhicules, avec des pans entiers d’emplois détruits ou créés. « Il faut dépasser cette approche par les chiffres, les plus et les moins et aller sur le terrain du travail. » Et pour cela, associer les salariés – et leurs représentants –, ces « experts de leur travail », dans un dialogue à tous les niveaux (entreprise, branche, secteur privé, fonctions publiques) est une condition indispensable. De cette participation des travailleurs dépendra d’ailleurs l’acceptabilité des transformations. « La transition écologique juste ne se fera ni contre eux ni sans eux », a martelé Marylise Léon.

Démocratie et justice sociale

Mais agir de manière coordonnée et efficace suppose d’avoir une feuille de route. D’où l’importance de ce Manifeste pour une transition écologique juste, qui synthétise à la fois la vision CFDT des transformations à conduire et un outillage pratique destiné aux militants qui veulent passer à l’action. Ainsi, selon la CFDT, « la transition écologique juste repose sur deux piliers : l’impératif de justice sociale et celui de démocratie, a pointé la secrétaire générale. La transition écologique ne peut pas se décréter d’en haut. Pour être effective et juste, elle doit être anticipée, donc planifiée, et co-construite démocratiquement. Cela nécessite d’articuler démocratie politique, démocratie sociale et démocratie participative. Le dialogue social est l’autre impératif d’une transition écologique juste ». Dans son Manifeste, la CFDT affirme clairement ses choix : transformer nos manières de créer et de mesurer les richesses, engager des transformations qui tiennent compte des limites planétaires, mener de véritables politiques de décarbonation et de sobriété.

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© InfoCom CFDT

Les outils et dispositifs d’accompagnement des militants présentés dans cette feuille de route vont désormais pouvoir aiguiller tous ceux qui veulent agir. Ils vont aussi permettre de déployer à plus grande échelle (ou d’accélérer) la mise en place de nombreuses initiatives déjà lancées. Ces dernières sont nombreuses, que ce soit au niveau des entreprises, des branches, des secteurs ou des territoires, ont rappelé plusieurs militants et responsables CFDT lors de la conférence de presse.

Des accords négociés par la CFDT

Ainsi, Sébastien Hervé, délégué syndical du groupe Éram, a exposé les différentes mesures qu’il a réussi à négocier, dont un « accord canicule », signé en 2022, sur le périmètre des activités logistiques (entrepôts où la température estivale peut atteindre plus de 40 °C). Il s’agit, dès lors que Météo France déclenche une alerte canicule, de moduler les horaires de travail des salariés et ainsi leur permettre de travailler aux heures les plus fraîches de la journée ou d’adapter la longueur des pauses. Dans la branche du médicament, Florence Faure, négociatrice de la Fédération Chimie-Énergie (FCE), a présenté les différentes avancées d’un accord conclu il y a quelques semaines à peine.

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Dans un cadre un peu différent, ce sont des réseaux de militants et adhérents qui se créent autour des problématiques liés à l’environnement et à la transition écologique, à l’image du réseau des Sentinelles vertes, lancées en septembre 2021 par la Fédération Communication, Conseil, Culture (F3C). « Le meilleur remède à la déprime et à l’éco-anxiété, c’est l’action. Nous encourageons les salariés dans les entreprises à devenir acteurs de la transition », a ainsi expliqué Michaël Pinault, initiateur du réseau. Reste maintenant à embarquer le plus grand nombre de personnes, au-delà du seul cercle militant.

En Paca, une journée pour le climat

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les effets du réchauffement climatique se font sentir très nettement : feux, sécheresses, tensions autour des ressources en eau, raréfaction de la biodiversité de la mer Méditerranée mais aussi présence de sites industriels parmi les plus polluants (six des cinquante sites les plus polluants de l’Hexagone se situent dans cette région, dont l’usine ArcelorMittal à Fos-sur-Mer)… L’Union régionale interprofessionnelle (URI) Paca est donc fortement mobilisée sur ces enjeux. Le 8 décembre, à l’occasion de la Journée mondiale pour le climat, elle avait décidé d’organiser un après-midi de réflexion et d’échanges sur le thème de la transition écologique juste. Des représentants d’ONG et d’associations (dont certaines sont membres du Pacte du pouvoir de vivre) sont venus présenter leurs actions et partager leur expertise, permettant à la cinquantaine de militants présents de mieux s’approprier les sujets.

Plus largement, cette journée s’inscrit dans un programme régional construit autour de la transition, avec de nouvelles journées de sensibilisation et de formation prévues en 2024. « Nous devons mener une réflexion sur les leviers mobilisables, en cohérence avec nos priorités régionales votées pour la mandature comme les placements verts, la mobilité durable et la réalisation de bilans carbone dans les entreprises », souligne Isabelle Godefroy, la secrétaire régionale en charge du dossier.

De gauche à droite : Fabien Guimbretière, Sandrine Henckel (chargée de mission eau, risque et aménagement – Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur) et Isabelle Godefroy, le 8 décembre, à Marseille.
De gauche à droite : Fabien Guimbretière, Sandrine Henckel (chargée de mission eau, risque et aménagement – Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur) et Isabelle Godefroy, le 8 décembre, à Marseille.© CFDT-Paca