“Journal du Dimanche” : la détermination intacte des salariés

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iconeExtrait de l’hebdo n°3881

Entamé le 22 juin, le mouvement de contestation ne faiblit pas. Les salariés du JDD ont voté à la quasi-unanimité la reconduction de la grève ce 4 juillet. Tous les métiers de l’entreprise restent mobilisés pour empêcher l’arrivée de l’extrême droite à la direction du journal. Un combat exemplaire dont l’enjeu dépasse le seul sort des salariés.

Par Jérôme Citron— Publié le 04/07/2023 à 12h00

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© Corentin Fohlen

C’est un rituel depuis plus de dix jours : quotidiennement, à 9 h 30, les salariés du JDD se réunissent pour voter à bulletins secrets la poursuite ou non de la grève. Et, tous les jours, le résultat est identique. On dénombre seulement deux votes contre et quatre abstentions pour 90 votes en faveur du mouvement. Il y a déjà deux dimanches que le journal n’est pas disponible en kiosque. Du jamais vu dans cette rédaction – malheureuse de ne pas couvrir une actualité particulièrement chargée dans la période.

« Depuis le début, nous faisons bloc », insiste Bertrand Gréco, à la fois coprésident de la société des journalistes du JDD et élu CFDT au CSE de Lagardère News (entité qui regroupe notamment le JDD et Paris Match). « C’est notre force depuis le début du mouvement : il est hors de question d’accepter la nomination à la direction de la rédaction d’un journaliste d’extrême droite comme Geoffroy Lejeune. Quand nous avons appris cette nouvelle par la presse, la décision d’arrêter le travail s’est prise dans l’heure, comme une évidence. »

La méthode Bolloré

Le combat du JDD n’est pas un conflit du travail comme les autres. Cette grève, massivement soutenue et médiatisée, pose la question de l’indépendance de la presse et du pouvoir d’un homme, Vincent Bolloré, sur les médias français et le milieu de l’édition depuis sa prise de contrôle du groupe Lagardère. Après I-Télévision, Europe 1, Paris Match ou encore le service des sports de Canal+, sa méthode est désormais connue et rodée : licencier tous les journalistes qui se mettent en travers de ses idées réactionnaires pour disposer de rédactions à sa botte, prêtes à relayer son message. « Bolloré a un agenda politique, insiste Bertrand Gréco. Ce n’est pas un actionnaire classique qui verrait d’abord l’intérêt économique du journal. »

La nomination de Geoffroy Lejeune s’inscrit dans cette stratégie. La provocation est telle qu’elle contraint les journalistes du JDD à se positionner, sachant que l’objectif poursuivi par la direction est d’en faire partir la grande majorité. Les journalistes d’I-Télé ont connu la même histoire, une majorité d’entre eux sont partis, laissant la place à des éditorialistes d’extrême droite sur une chaîne rebaptisée pour l’occasion CNews.

Le combat de David contre Goliath

L’enjeu aujourd’hui pour le JDD est donc de tenir dans la durée et de contraindre Vincent Bolloré de revenir sur sa décision. Une caisse de grève a été ouverte pour cela. Du côté syndical, le soutien des grandes centrales est total. Présente au meeting de soutien à la rédaction du JDD – organisé par Reporters sans frontières, le 27 juin dernier, à Paris –, Marylise Léon a été on ne peut plus claire sur la position de la CFDT : « La transformation du JDD en journal au service des idées d’extrême droite serait inquiétante pour la démocratie. » Du côté des politiques, en revanche, cela reste plus compliqué. Si toute la gauche est solidaire du mouvement, la macronie le soutient du bout des lèvres, et la droite républicaine est aux abonnés absents. Manifestement, s’opposer à Vincent Bolloré fait encore peur…

Tweet de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

Ce combat de David contre Goliath force d’autant plus le respect. « Notre mobilisation est largement médiatisée. De plus, les autres entités du groupe Lagardère sont inquiètes pour leur avenir et commencent à le faire savoir », indique Bertrand Gréco, qui garde l’espoir que Vincent Bolloré finisse par se dire qu’il est préférable de sacrifier Geoffroy Lejeune plutôt que de mettre le feu aux poudres au sein du groupe que Vivendi vient de racheter.

Une contribution à la caisse de grève du JDD

Le montant de la pige du photojournaliste indépendant Corentin Fohlen sera, à sa demande, intégralement reversé à la caisse de grève du “Journal du Dimanche”.