Green Deal : séisme politique à Bruxelles

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icone Extrait de l'hebdo n°3987

Une alliance inédite de la droite et de l’extrême droite au Parlement européen a permis de voter le démantèlement des normes sociales et environnementales issues du Green Deal. Un recul majeur dans la construction de l’Europe sociale et environnementale.

Par Anne-Sophie BallePublié le 18/11/2025 à 13h00

Le Parlement européen, à Bruxelles (Belgique).
Le Parlement européen, à Bruxelles (Belgique).: © Wiktor Dabkowski/Zuma-RÉA

Triste jour pour l’Europe sociale. Alors que l’ouverture de la COP30 à Belém (Brésil) fait naître de nouveau l’espoir d’un engagement climatique des États, l’Union européenne vient de torpiller tous les engagements qui en avaient fait un exemple à suivre en matière sociale et environnementale ces dernières années. Subissant les pressions des lobbies industriels et de l’administration Trump, le paquet législatif « Omnibus I » a été adopté en plénière le 13 novembre par le Parlement européen (382 voix pour, 249 contre et 13 abstentions) à la faveur d’une alliance inédite des droites et extrêmes droites européennes. Le « cordon sanitaire » qui prévalait jusqu’alors en Europe pour empêcher ce type d’alliances vient d’être rompu.

Un pilier du Green Deal s’effondre

Selon la CFDT, c’est un véritable « séisme politique et réglementaire » qui vient de se produire à Bruxelles. « Sous couvert de simplification, ce vote accorde en réalité une dérégulation mondiale mettant en péril l’équilibre entre compétitivité, justice sociale et transition écologique, menaçant par là même la crédibilité du projet européen et la confiance des citoyens dans ses institutions. » De fait, la directive relative le devoir de vigilance, adoptée en avril 2024, constituait l’un des piliers du Green Deal, incarnant l’ambition écologique et sociale de l’Union européenne à agir concrètement pour une conduite responsable des entreprises partout dans le monde. Mais, depuis un an, l’offensive inédite menée par les puissances industrielles, l’administration Trump et le Qatar ont fait chanceler la Commission européenne. « Les conservateurs et l’extrême droite ont fait le reste en votant le démantèlement des protections sociales et environnementales européennes », fustige pour sa part l’ONG Bloom.

Concrètement, le vote d’Omnibus reconfigure (ou plutôt défigure) profondément le devoir de vigilance en réduisant le périmètre de responsabilité des entreprises. De fait, la réduction du périmètre de reporting extrafinancier exclut un grand nombre d’entreprises de leurs obligations réglementaires. Désormais, les acteurs intermédiaires – souvent impliqués dans les chaînes de valeur étendues – n’auront plus à détailler leurs impacts sociaux et environnementaux. La révision de la CS3D1 – qui obligeait les entreprises à établir systématiquement des plans de transition climatique – suit la même logique.

Une brèche est ouverte

Malheureusement pour les observateurs européens, ce vote constitue une sorte de test pour l’Union européenne et pourrait ouvrir la voie à d’autres mesures de simplification. Plusieurs projets similaires au paquet Omnibus I sont déjà dans les cartons ; le prochain, présenté début décembre, portera notamment sur l’environnement. D’aucuns craignent donc que ce vote ne provoque une réaction en chaîne, à la suite duquel lobbies industriels et alliances politiques antiécologiques pourraient faire tomber tous les garde-fous élaborés par le Green Deal – en démantelant une à une les protections sociales environnementales et climatiques européennes.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Côté procédure, s’ouvre le 18 novembre la phase dite de trilogue, à savoir les négociations entre le Parlement, le Conseil et la Commission, en vue d’une adoption définitive de la directive avant la fin décembre 2025. Les trois instances étant relativement alignées quant à leurs propositions, les espoirs d’un revirement sont minces. Aussi, la CFDT comme diverses ONG françaises appellent-elles « les États membres, dont la France, à défendre l’intérêt général et le devoir de vigilance dans le cadre du trilogue à venir ».