Le 6 mai prochain, s’ouvre l’emblématique procès de l’ex-PDG de France Télécom, Didier Lombard, et de six autres cadres dirigeants, mis en cause pour harcèlement moral. Leurs méthodes agressives et déstabilisantes avaient provoqué des dizaines de suicides au début des années 2000.

Les faits
Ils seront sept au banc des accusés, le 6 mai, au tribunal de grande instance de Paris, pour un procès sans précèdent. Sept plus un, l’ancienne entreprise France télécom, désormais Orange, jugée comme personne morale.
Didier Lombard, président-directeur général à l’époque des faits (2007-2010). Louis-pierre Wenes, l’ex-numéro 2, et Olivier Barberot, ex-directeur des ressources humaines, devront répondre d’accusation de harcèlement moral ayant tenu lieu de politique de management.
Ils encourent un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Avec eux, quatre autres cadres dirigeants, cités à comparaitre pour « complicité de harcèlement ». Du côté des plaignants, des dizaines de parties civiles, dont la CFDT, attendent de ce procès qu’il fasse enfin reconnaitre la responsabilité des dirigeants de France télécom dans la mise en place d’un système effrayant de déstabilisation des salariés, en vue d’en obtenir le départ.
Un procès sans précédent Le procès, qui se tiendra du 6 mai au 12 juillet au nouveau Palais de justice de Paris, est « sans équivalent », selon Me Cadot. Par l’ampleur des faits incriminés, le nombre de victimes du système France Télécom, le nombre de parties civiles mais aussi par la personnalité des inculpés (il s’agit tout de même de plusieurs dirigeants de l’entreprise), il est tout à fait exemplaire. Durant les deux mois et demi d’audiences (elles se tiendront tous les jours sauf les mercredis, à partir de 13h30), il s’agira de faire la lumière sur la machine à broyer qu’a représenté l’entreprise France Télécom. Rappelons que seule la qualification de harcèlement moral a été retenue à l’encontre des inculpés. |
Engagée à l’époque dans le délicat virage de la privatisation et l’arrivée des nouvelles technologies, fortement endettée, l’entreprise s’était fixé comme objectif 22 000 suppressions de postes et 10 000 changements de métier dans le cadre de son plan de réorganisation, Next, et sa déclinaison concernant le personnel, ACT.
Afin d’y parvenir, des méthodes à faire froid dans le dos : incitations répétées au départ, mobilités forcées, isolement, humiliations diverses (placardisations, suppression de mission sans préavis, déclassement…) ou même fermetures de services… non pour manque de performance économique mais tout simplement pour « faire bouger les collègues, afin qu’ils se repositionnent sur des métiers porteurs pour l’entreprise, explique Laurent Riche, délégué syndical central (DSC) CFDT de 2009 à 2017. Tous les services avaient des objectifs de départs. À chaque réunion de cadres, on y avait droit : “Vous en êtes où dans les départs ?” Il fallait mettre en œuvre la réduction des effectifs, coûte que coûte ».
Malgré les multiples alertes lancées par les organisations syndicales, la médecine du travail et même l’inspection du travail, la machine à broyer continue de détruire. Le coût humain est terrible : des dizaines de suicides ou tentatives de suicide, dont un militant CFDT qui s’est immolé par le feu sur le parking de son agence France Telecom de Mérignac. Et, en parallèle, une explosion du nombre d’arrêts maladie, de dépressions… l’instruction a retenu plus particulièrement 39 cas individuels : 19 suicides, 2 tentatives de suicide et 8 autres situations (dépressions…).
Les arguments juridiques
L’enjeu du procès : « Faire reconnaître qu’il s’agissait d’une politique délibérée de harcèlement et de management…