Filière porcine, la facture est très salée

temps de lecture Temps de lecture 4 min

icone Extrait de l'hebdo n°3985

L’un des objectifs de la proposition de loi Duplomb, adoptée l’été dernier, était de faciliter l’industrialisation des exploitations d’élevage. La Fondation pour la Nature et l’Homme, membre du Pacte du pouvoir de vivre, a enquêté sur la filière porcine afin d’analyser en détail les impacts sociétaux et environnementaux de cette filière, l’une des plus industrialisées en France.

Par Claire NillusPublié le 04/11/2025 à 13h00

image
© Côme Sittler/RÉA

C’est à ce jour l’un des aliments les plus courants dans le chariot de supermarché. De fait, le rayon charcuterie représente à lui seul un cinquième des bénéfices totaux de la grande distribution. À première vue, la filière est florissante, avec près de 7 milliards d’euros de bénéfices réalisés, 130 000 emplois directs et indirects, des revenus d’élevage plus élevés que ceux de leurs homologues dans d’autres filières agricoles.

Mais, depuis les années 70, la casse sociale va bon train. On est passé de près de 600 000 exploitations en 1979 (avec 19 cochons en moyenne par ferme) à environ 13 000 aujourd’hui, avec de 1 000 à 2 000 cochons par exploitation. Et tandis que la filière bénéficie de 800 millions d’euros d’aides publiques par an (sous forme de subventions, d’exonérations sociales liées aux bas salaires et d’exonérations fiscales), elle ne cesse de détruire des emplois : 70 000 au total, et des volumes qui ont, dans le même temps, augmenté de 87 %. « D’une part, le nombre d’emplois par kilo de viande baisse tendanciellement ; d’autre part, il existe des conditions de travail alarmantes, comme le constate aussi la CFDT, avec des taux d’absentéisme deux fois supérieurs à la moyenne et un nombre de départs pour inaptitude très élevé parmi les plus de 55 ans », précise Élyne Étienne, responsable élevages durables à la Fondation pour la Nature et l’Homme. Voilà pour l’emploi.

Un coût environnemental très élevé

Au sujet des impacts environnementaux, l’étude rappelle, entre autres, l’excessive utilisation d’azote (à l’origine de la prolifération des algues vertes) et de nitrates (à l’origine de la pollution de l’eau) ou encore la concentration de déjections animales qui altère la qualité de l’air (en dégageant de l’ammoniac). La Fondation estime donc à environ trois milliards d’euros les coûts dérivés de la filière, en y incluant les problèmes de santé générés par la consommation de nitrites.

Beaucoup de pays européens ont amorcé la transition vers une agroécologie plus respectueuse de l’emploi, de l’environnement et la santé. Mais, en France, avec 95 % de porcs élevés en cage, sans lumière naturelle, sur des caillebotis de moins de 0,7 mètre carré (un porc adulte ne peut pas s’allonger), les filières labels rouge fermier ou bio restent largement sous-développées. « Il y a également une forme d’hypocrisie à ne pas vouloir accélérer la transition écologique du secteur au prétexte qu’il se produirait des suppressions d’emplois puisque c’est déjà le cas », insiste Élyne Étienne.

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Il y aurait pourtant de la place pour une production nettement plus qualitative, conclut l’enquête, en commençant par la réduction des marges de la grande distribution, grande gagnante de la filière. Une trajectoire plus vertueuse peut également s’envisager à partir de la remise à plat des incitations économiques et de la conditionnalité (inexistante à ce jour) des aides, laquelle serait associée à un plan de désendettement des éleveurs. Comme au Danemark, la diversification de la production agricole pourrait être vue comme une opportunité. Seulement, la consommation des Français ne faiblit pas (63 % des Français ont une consommation supérieure aux quantités maximales recommandées par les autorités sanitaires)… et la filière n’est donc pas prête à produire moins.