Face aux orientations stratégiques d’Atos, la section CFDT tient bon

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iconeExtrait de l’hebdo n°3878

Ébranlé par plusieurs crises, Atos cherche à retrouver la confiance de ses actionnaires. Dans un contexte tourmenté, la section CFDT, elle, se démène pour défendre les intérêts des salariés.

Par Claire Nillus— Publié le 13/06/2023 à 12h00

Alia Iassamen, coordinatrice CFDT, et Pierre Jean, délégué syndical central.
Alia Iassamen, coordinatrice CFDT, et Pierre Jean, délégué syndical central.© Syndheb

Implantée dans 73 pays, Atos – seul constructeur européen de supercalculateurs, ces ordinateurs capables de traiter des millions de milliards d’opérations complexes par seconde – se veut un fleuron de l’industrie informatique française. C’est aussi un leader dans le domaine de la cybersécurité. Ainsi, cette société sécurise des communications pour l’armée et les services secrets français. Pourtant, depuis 2021, à cause de résultats en baisse et de crises successives au sein de la gouvernance, l’entreprise inquiète les marchés financiers.

Alors, en juin 2022, un plan de relance est annoncé, reposant sur la séparation d’ici à la fin 2023 des activités en croissance de celles qui sont en difficulté. Deux nouvelles sociétés seront issues de la scission programmée : l’une regroupant les activités historiques d’Atos comme la gestion des infrastructures informatiques des entreprises ; l’autre (baptisée Eviden) les activités liées aux nouveaux marchés du numérique (Cloud, intelligence artificielle…). Chaque société aura sa propre logique de développement et son conseil d’administration.

Le jour même de l’annonce, les salariés assistaient, impuissants, à la dégringolade du cours de l’action, la démission du directeur général d’Atos et la nomination de deux directeurs généraux délégués à la tête des deux nouvelles sociétés. Pas vraiment de quoi rassurer…

Rendez-vous au ministère de l’Économie

En septembre 2022, la section CFDT, première organisation syndicale du groupe, a donc décidé de monter au créneau et d’interpeller directement l’État quant aux risques qui pèsent sur l’entreprise. Dans un courrier adressé au gouvernement et au président de la République, elle dénonce, entre autres, une campagne de déstabilisation dont Atos fait l’objet depuis plusieurs mois. La section y relate « un acharnement sans précédent contre le groupe Atos et certaines de ses activités les plus florissantes et différenciatrices, au premier rang desquelles figure la cybersécurité, avec ses 1 000 salariés en France ». Elle demande au gouvernement son soutien en vue de maintenir en France l’activité des deux nouvelles entités. « À la suite de cette lettre, nous avons été reçus au cabinet du ministère de l’Économie et nous avons pu nous exprimer sur la nécessité de mettre un terme à des rumeurs de rachat à la découpe, néfastes pour l’emploi, en France et dans le monde », développe Alia Iassamen, coordinatrice CFDT pour le groupe.

Sécuriser les parcours professionnels

Dans cette période d’incertitudes, la préoccupation permanente de la CFDT est de rassurer les salariés et de construire de nouveaux droits pour le plus grand nombre. En mars 2023, elle a signé trois accords dans ce sens. Un premier accord relatif aux mesures sociales sécurise des droits existants pour les salariés qui vont rejoindre la nouvelle société Eviden France SAS tout en en créant d’autres : le texte contient une série de mesures améliorant la convention collective (indemnités de licenciement, de départ en retraite, possibilité de transformer une partie de la rémunération en congés, subrogation de l’employeur en cas de maladie…) pour les 7 000 bénéficiaires de l’accord. « Le but était d’harmoniser par le haut les droits pour tous, au moment où nombre de salariés vont changer de société au sein du même groupe », estime Pierre Jean, délégué syndical central.

La fusion de plusieurs entités juridiques remettant en cause des accords statutaires, il a fallu renégocier les règles d’indemnisation du travail en horaires atypiques (samedi, dimanche, jours fériés, travail de nuit, posté, en horaire étendu et astreintes). « Cette négociation a été conduite dans un contexte difficile, la direction menaçant, par exemple, de réduire le volume des emplois en recourant à la sous-traitance pour ces activités », ajoute Pierre Jean. Mais la CFDT a tenu bon et obtenu un accord permettant non seulement de maintenir au maximum les dispositions antérieures mais également de les étendre au plus grand nombre possible – à savoir tous les salariés concernés par ce regroupement (près de 10 000 en tout).

Enfin, un nouvel accord télétravail, très attendu, a été conclu. « Avec 90 % de cadres chez Atos, la demande était forte… et notre accord télétravail datait d’avant la crise Covid. Nous avons souhaité que le télétravail soit accessible à plus de salariés, avec une mise en œuvre plus souple au moyen d’une demande par simple formulaire, détaille encore Pierre Jean. De plus, le précédent accord ne prenait pas en compte les frais liés à cette organisation du travail, ce qui est le cas maintenant. »

Tous les télétravailleurs du groupe bénéficient désormais de titres-restaurant et d’une indemnité mensuelle (10, 20, 30 euros pour un, deux ou trois jours de télétravail par semaine). C’est un accord groupe qui s’applique à toutes les entités actuelles et futures, par conséquent à tous les salariés prochainement transférés dans le cadre de la scission.

Croire en l’avenir

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Depuis l’annonce du découpage en deux entités, les oppositions entre organisations syndicales sont encore plus visibles. « Les autres organisations pratiquent la contestation systématique. Leurs tracts sont toujours négatifs et anxiogènes. Nous, à la CFDT, nous voulons croire que le groupe a un avenir, nous communiquons dans ce sens avec les salariés ; il faut que le projet de scission fonctionne. Il faut avancer. Ce plan a été décidé par la gouvernance, nous devons maintenant sauver nos emplois », affirme Alia Iassamen. Très suivie sur les réseaux sociaux, la section CFDT d’Atos s’emploie à délivrer des messages positifs et constructifs. Surtout, elle espère rester première à l’issue du prochain scrutin qui aura lieu cet automne afin de pouvoir continuer à porter cette vision d’avenir.