Érosion continue des IRP depuis les ordonnances Macron

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icone Extrait de l'hebdo n°3977

Une étude publiée cet été par la Dares confirme ce que la CFDT n’a cessé de dénoncer : la représentation des salariés au sein des entreprises recule depuis les ordonnances Macron de 2017.

Par Sabine IzardPublié le 10/09/2025 à 12h00

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© Dares

Le constat est cinglant. Les ordonnances Macron de 2017 – censées favoriser le dialogue social dans les entreprises en « simplifiant » les règles de représentation du personnel – ont contribué, in fine, à l’éloignement de ces instances des intérêts de celles et ceux qu’elles sont censées représenter. Alors que la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, se targuait, il y a quelques jours encore, de l’augmentation du nombre d’accords collectifs conclus ces dernières années, une étude de la Dares publiée à la fin juillet 20251 confirme la nette baisse de la représentation élue et syndicale sur les lieux de travail entre 2017 et 2023, à laquelle s’ajoutent l’impression d’un éloignement entre élus et salariés ainsi qu’une intensification du travail des élus. « Je ne pense pas que l’on puisse limiter la qualité du dialogue social au nombre d’accords signés », a immédiatement réagi Marylise Léon. Selon la secrétaire générale de la CFDT, les ordonnances n’ont clairement pas atteint leur objectif : « On a perdu en efficacité démocratique au travail. »

Une baisse de la représentation élue

À gros traits, la Dares constate notamment qu’en six ans le nombre d’établissements couverts par une instance de représentation du personnel (IRP) élue est ainsi passée de 64 % à 61 %. Le recul est particulièrement net dans les entreprises de 50 à 99 salariés (– 7 points) ainsi que dans certains secteurs tels l’hébergement-restauration (– 10 points), l’information-communication et les services aux ménages (– 8 points) ou encore l’industrie (– 6 points), pourtant normalement mieux dotée. En revanche, la représentation s’améliore dans le secteur de la construction, où elle est traditionnellement plus faible : + 4 points entre 2017 et 2023.

La Dares explique cette tendance par plusieurs facteurs : l’organisation des élections reste souvent complexe et, dans plus de la moitié des établissements dépourvus d’instance élue, l’absence totale de candidatures est invoquée. Par ailleurs, la disparition des CHSCT2 et la charge croissante liée aux mandats semblent décourager les vocations. La nouvelle instance, censée simplifier le fonctionnement, a donc parfois eu l’effet inverse en alourdissant la mission des élus.

Une représentation syndicale en net recul

Comme pour les IRP élues, la Dares note une baisse de la représentation syndicale pendant cette même période. La part des établissements de plus de dix salariés couverts par au moins un délégué syndical est ainsi passée de 37 % en 2017 à 32 % en 2023. Contrairement à ce qui se passe pour la représentation élue, cette tendance est plus marquée dans les établissements des entreprises multisites (62 % en 2017, 53 % en 2023). Autre conséquence : une réduction de la diversité syndicale. Ainsi, en 2023, 45 % des établissements avec des délégués syndicaux déclarent qu’une seule organisation syndicale y est représentée, contre 42 % en 2017. À l’inverse, la part des entreprises où cinq syndicats ou plus sont représentés a chuté de 7 % à 4 % en 2023.

Globalement, note la Dares, « en 2023, les établissements ont une propension à être couverts par au moins une IRP élue 1,4 fois inférieure à celle observée en 2017 ; leur propension à être couverts par des délégués syndicaux se rétracte, quant à elle, dans des proportions plus importantes encore (1,7) […]. Les CSE d’établissement n’ont que très peu pris le relais des anciennes instances de représentation implantées au niveau local (délégations du personnel ou comités d’établissement) ».

Quelles conséquences sur la santé des salariés ?

Autres conséquences des réformes de 2017 : l’affaiblissement de la prise en compte des conditions de travail. Avant les ordonnances, les CHSCT étaient obligatoires dès 50 salariés. Aujourd’hui, leur équivalent – le CSE avec une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) – n’est exigé qu’à partir de 300 salariés. Résultat : seules 66 % des entreprises de 50 à 300 salariés en disposent en 2023, contre 79 % en 2017 (– 13 points). Ce recul fait écho à une autre tendance inquiétante : la montée continue des accidents graves ou mortels au travail, pointée le 18 juillet dernier par les services du ministère du Travail dans un document préparatoire aux futures négociations sociales.

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Journaliste

L’étude de la Dares met également en lumière un autre effet de ces réformes : l’éloignement des représentants du personnel vis-à-vis des salariés. Dans les entreprises multisites, les réunions des CSE se tiennent le plus souvent au siège ou dans les établissements les plus grands, réduisant leur capacité à assurer une présence de terrain.

Qui sont les représentants du personnel en 2023 ?

Toujours dans une même logique d’analyse de l’impact des ordonnances Macron de 2017 sur la représentation du personnel, la Dares a publié au début du mois une étude relative aux profils des représentants du personnel en 2023 (« Les représentants du personnel : quels profils pour quelles fonctions ? », Dares Analyses no 44, septembre 2025). Et les conclusions sont similaires. Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, « le nombre de salariés exerçant un mandat d’élu ou de délégué syndical […] est en baisse de plus de 4 % par rapport à 2017, bien que l’effectif total de salariés augmente légèrement. Le nombre de mandats exercés diminue de 14 % sous l’effet notamment de la fusion des anciennes instances représentatives du personnel par les ordonnances travail de 2017 ».

Autre enseignement, la proportion des représentants du personnel accomplissant un seul mandat augmente de 8 points, passant ainsi de 68 % à 76 % entre 2017 et 2023. Note positive, les représentants du personnel se distinguent des autres salariés par un taux d’adhésion syndicale plus élevé (53 % contre 11 % des salariés en moyenne) et un engagement sociétal plus important (bénévolat, etc.).