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Extrait de l'hebdo n°3982
Si la volonté de supprimer deux jours fériés a rouvert le débat sur le temps de travail à l’échelle nationale, le sujet est régulièrement débattu dans les entreprises, et les accords sont nombreux à être signés chaque année.

Le temps de travail, « un sujet vivace », affirme l’économiste Philippe Askenazy. S’il revient épisodiquement dans le débat public – lorsqu’il est question de supprimer deux jours fériés ou quand on évoque les 35 heures –, il vit de façon continue au sein des entreprises. « Ce sont les partenaires sociaux qui créent de la norme sur ce sujet actuellement. » Avec 17 500 accords d’entreprise et avenants signés en 2023, le temps de travail est ainsi le troisième thème de négociation le plus traité.
« Dans ces accords, nous voyons toutes les dimensions du temps de travail, pour les salariés comme pour les entreprises », précise Philippe Askenazy, notamment « la répartition des quotités de temps journalières. On va réfléchir à la pause du midi, les horaires de début et de fin de travail, la question de la déconnexion, la frontière entre le temps travaillé sur le lieu de travail et en télétravail, à domicile », poursuivait l’économiste à l’occasion d’une table ronde sur ce sujet organisé le 7 octobre par l’Ajis1. « Une autre dimension traitée par ces accords est plutôt annuelle, avec la répartition des congés, les délais de prévenance. Et aussi des visions de long terme : la fin de carrière, la retraite progressive… »
Accords d’entreprise versus accords de branche
Néanmoins, cette dynamique du dialogue social ne profite pas à tout le monde, selon Éric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Avec les ordonnances de 2017, les accords d’entreprise peuvent l’emporter sur les accords de branche s’ils sont plus favorables. « Cela nous a amenés à une modification des conditions concurrentielles », car les grandes entreprises sont en mesure de proposer des accords mieux-disants par rapport à la branche, « alors que les TPE-PME sont sous la coupe de la branche et n’ont pas la possibilité de s’en extraire ». Pire, « les accords de branche sont négociés par les grandes entreprises et ne s’appliquent qu’aux petites ». De façon plus générale, et en matière de temps de travail en particulier, « la relation contractuelle entre les salariés et l’employeur est trop encadrée par le code du travail, les règlements européens et les accords de branche », estime Éric Chevée.
Faut-il traiter la question du temps de travail uniquement à travers le contrat de travail ? Selon Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres (une organisation syndicale européenne qui représente les cadres), « le lien de subordination reste et le salarié n’est pas en position de force pour négocier seul. Et puis limiter le temps de travail, c’est aussi une façon de préserver la santé et la sécurité du travailleur », qui sont des obligations de l’employeur. « Je ne pense pas que déréglementer, c’est ce qui va aider les travailleurs ! »
Difficiles négociations avec le patronat européen
Il n’est évidemment pas toujours facile de réglementer. Eurocadres et la Confédération européenne des syndicats ont négocié avec le patronat européen pendant quatorze mois, jusqu’en novembre 2023, à propos du télétravail et du droit à la déconnexion, des sujets qui concernent directement le temps de travail : « Cela a été un échec, les employeurs ont décidé d’arrêter la négociation », se rappelle Nayla Glaise. La Commission européenne s’est ensuite saisie du sujet. « Il y a des chances pour que ça aboutisse, ces sujets étant dans l’actualité », veut croire la présidente d’Eurocadres. Les partenaires sociaux européens étaient invités à faire part de leurs remarques lors d’une deuxième phase de consultations, qui s’est conclue le 6 octobre 2025. Bruxelles doit maintenant dire ce que l’UE compte faire…