Grâce à un travail de proximité en prise avec les réalités, la CFDT s’est implantée chez les assistantes maternelles d’Argenteuil. Et à faire avancer leur revendication phare : la sécurité de l’emploi.

La pluie fine et la grisaille n’entament pas la bonne humeur de Micheline et Olivia. Les deux femmes affichent de larges sourires. Après des années passées à enchaîner les contrats courts, elles viennent de décrocher leur précieux sésame : un contrat à durée indéterminé. Le 1er septembre 2019 restera une date à jamais gravée dans leur mémoire. Depuis, elles n’ont qu’un mot à la bouche : « CDIsation » ! Un mot qui ne figure pas dans les dictionnaires, mais un sacré soulagement pour ces deux assistantes maternelles de la crèche familiale La Farandole, une structure d’accueil d’enfants gérée par la municipalité d’Argenteuil. Au sein de l’établissement, la grande majorité des assistantes maternelles sont embauchées en CDD, lequel va de quelques mois à trois ans, sans la moindre perspective d’évolution. Une situation de précarité et de sujétion sur laquelle certains n’hésitent pas à s’appuyer pour accentuer la pression. « Combien de fois j’ai entendu des responsables dire : “Ne rêvez pas, vous ne serez jamais CDIsées !” », s’énerve Farida Megherbi, assistante maternelle et adhérente à la CFDT depuis 2014. « On a encore du mal à y croire », avoue Micheline Mennock, émue, qui travaille ici et a enchaîné les CDD. « Pendant dix ans, j’avais les chocottes. Je n’osais pas dire non quand on me demandait quelque chose. J’avais toujours peur que mon contrat ne soit pas renouvelé… » Même son de cloche chez Olivia Galepoix, adhérente depuis deux ans. « J’avais toujours la boule au ventre. Maintenant, on est détendues, on peut vivre normalement, on a plus à s’inquiéter pour notre avenir ! » Grâce à l’action de la CFDT, ce mauvais souvenir appartient au passé. « Les assistantes maternelles n’étaient pas respectées et pas reconnues à leur juste valeur pour le travail qu’elles faisaient !, se rappelle Emmanuel de Jonghe, secrétaire de section à Argenteuil et nouveau secrétaire général du Syndicat CFDT Interco du Val-d’Oise. On s’est battus afin de mettre fin à cette injustice. »
Des travailleuses solitaires
Reconnaissance “CDIsation” ! Convivialité |
Comment a-t-on réussi à obtenir un tel résultat ? D’abord, tout n’a pas été simple, tant s’en faut. Il a fallu commencer par reconstruire la section et regagner la confiance des agents argenteuillais. Une gageure dans une commune ou la CGT et la FSU étaient solidement implantées et largement majoritaires. Absente du paysage syndical, la CFDT a présenté une liste aux élections de 2014 et a recueilli 11 % des voix, puis 18 % en 2018. « Nous avons mené un travail de proximité, loin des grands débats idéologiques et nationaux dans lesquels d’autres organisations se complaisent, glisse Emmanuel de Jonghe. Nous nous intéressons aux agents et à leur quotidien. » Un choix payant. Les rencontres se succèdent. Farida Megherbi interpelle Emmanuel sur la réalité de ses conditions de travail et celles de ces collègues. « Je connaissais Emmanuel et, au moment de déposer les listes, il cherchait du monde. Il m’a proposé d’y figurer et j’ai accepté d’être sur la liste, mais vers la fin. J’ai été prise en photo à cette occasion. On a vu ma tête. C’est comme ça que tout a commencé. » Alors que le boulot des assistantes est invisible et que leur problématique est ignorée, c’est une mise en avant bienvenue. Elles travaillent à leur domicile, de sept heures à dix-neuf heures, sans pause, souvent avec trois enfants à gérer. « On a très peu de contact avec l’extérieur, on ne sait pas vers qui se tourner quand on a une question. D’ailleurs, la plupart du temps, on ne la pose pas parce que l’on a peur de froisser notre employeur… » Une crainte qui pousse les assistantes maternelles à accepter des missions qui ne font pas partie de leurs attributions ou à ne pas réclamer le paiement de congés non pris. « On leur monte le bourrichon, on les infantilise, on les prend pour des idiotes !, résume Farida. Il fallait que ça change. »
Un climat de défiance…
Elle fait alors le pari de la solidarité. Elle contacte ses collègues les unes après les autres, leur explique que la CFDT demande la « CDIsation » de toutes les assistantes maternelles. Une action impliquant à terme une sécurité de l’emploi et des garanties contractuelles : un revenu minimum garanti dès l’embauche (même en cas d’absence d’accueil d’enfants), une hausse des indemnités liées à l’accueil des enfants (achat de jouets, repas…) ou des frais de déplacement. Une révolution à Argenteuil. Ces annonces et ce coup de fil paraissent d’abord suspects aux yeux de Micheline : « Je me suis méfiée, je me…