Après une décennie, quel bilan tirer de l’expérimentation TZCLD ?

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icone Extrait de l'hebdo n°3980

Le rapport final du comité d’évaluation de l’expérimentation “Territoires zéro chômeur de longue durée” pointe les effets positifs du dispositif mais aussi son coût. Dans le cadre d’une pérennisation, ses auteurs préconisent de recentrer le dispositif sur les personnes le plus en difficulté.

Par Anne-Sophie BallePublié le 30/09/2025 à 12h00

Actuellement, près de 4 000 chômeurs de longue durée travaillent au sein de 92 entreprises à but d’emploi (EBE) réparties dans 83 territoires.
Actuellement, près de 4 000 chômeurs de longue durée travaillent au sein de 92 entreprises à but d’emploi (EBE) réparties dans 83 territoires.© TZCLD

C’est, de fait, la plus longue expérimentation jamais menée en France. Lancée en 2016 sous l’impulsion d’ATD Quart Monde (avant d’être renouvelée en 2021), « Territoires zéro chômeur de longue durée » est longtemps passée pour une curiosité dans le monde de l’insertion. Cette expérimentation part pourtant d’un constat simple : personne n’est inemployable – et de l’idée de convertir les prestations sociales (RSA, allocation chômage) en revenu d’activité, en proposant à des chômeurs de longue durée d’être embauchés en CDI dans des entreprises à but d’emploi (EBE).

Dix ans plus tard, l’expérimentation est-elle viable, et faut-il la pérenniser ? C’est à cette question que répond le comité d’évaluation scientifique de l’expérimentation – dont le rapport, publié le 23 septembre dernier, doit permettre d’éclairer la décision politique, le Parlement devant bientôt statuer sur l’avenir du dispositif1. À noter qu’un rapport de la Cour des comptes avait déjà été rendu public en juillet dernier ; il pointait l’efficacité du dispositif mais aussi son coût.

Une solution effective d’accès à l’emploi

In fine, « l’expérimentation produit des effets tangibles sur les territoires et encore plus sur les personnes bénéficiaires. Ces effets peuvent être qualifiés de remarquables », résumait l’un des auteurs du rapport lors d’une conférence de presse. Parmi les apports bénéfiques de l’expérimentation, les auteurs notent « une solution effective d’accès à l’emploi » pour les 4 000 bénéficiaires concernés par la deuxième vague de l’expérimentation (2021), dont « la plupart n’auraient sans doute pas accédé à l’emploi sinon », affirme le rapport. En effet, l’entrée de ces bénéficiaires en EBE a permis d’augmenter de 74 points de pourcentage le taux d’emploi des salariés conventionnés – quand, en l’absence de ce type de dispositif, seul un salarié conventionné sur quatre aurait été en emploi salarié. « L’effet emploi est nettement supérieur à tous les dispositifs d’insertion existants », poursuivent les auteurs du rapport, qui saluent également l’efficacité du dispositif lorsqu’il s’agit de cibler les publics particulièrement touchés par la privation d’emploi de longue durée : les bénéficiaires sont majoritairement des femmes, plutôt âgées et/ou porteuses de handicap…

Quelles pistes d’amélioration ?

Mais les rapporteurs en conviennent : le coût pour la collectivité de cette expérimentation XXL ne doit pas être minoré. Les recettes permises par l’embauche d’une personne très éloignée de l’emploi se situeraient entre 12 900 et 15 300 euros pour les douze mois suivant son entrée en EBE, quand le coût brut d’un emploi est estimé à 26 600 euros. Pour cette raison, le rapport préconise, dans une perspective de généralisation, de « recentrer le dispositif » en le réservant aux personnes le plus en difficulté (ou pour lesquelles aucune autre solution n’est envisageable), et de limiter le dispositif aux territoires considérés comme des zones blanches de l’insertion – où aucune structure d’insertion par l’activité économique (IAE) ou aucun établissement et service d’accompagnement par le travail (Esat) n’est présent.

La CFDT conteste une telle préconisation : « Faire ce choix revient à limiter les opportunités des territoires mais aussi à mettre les personnes dans une seule et même case alors que leurs besoins ne sont pas toujours les mêmes et appellent des réponses complémentaires », explique Chantal Richard, secrétaire confédérale chargée de la lutte contre l’exclusion.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Alors que l’expérimentation doit s’achever à la fin de l’année 2026, la question de la généralisation du dispositif se pose. Selon les auteurs du rapport, son bilan, même contrasté, ne doit pas déboucher sur l’abandon d’un dispositif possédant le meilleur « effet emploi » que la France ait jamais connu, et qui permet de combler un vide de manière pérenne en matière de politiques d’insertion.