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Extrait de l'hebdo n°3969
Chez SED, la CFDT a contribué activement à la négociation du premier accord de décarbonation du groupe. Jusqu’alors prérogative exclusive de la direction, la politique en faveur d’une plus grande sobriété associe désormais les représentants des salariés. La section CFDT se félicite de cette première étape.

Depuis quelques mois, Safran Electronics & Defense a rejoint le club encore restreint des entreprises dotées d’un accord de transition écologique. Cette filiale du groupe Safran, spécialisée dans les systèmes électroniques et optroniques embarqués (avions, satellites…), vient en effet de se doter d’un accord relatif à la décarbonation et aux écomobilités, signé à la fin janvier par l’ensemble des organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, FO et CGT) présentes au sein de l’entreprise. Cet accord pionnier, la CFDT y a largement contribué.
Un enjeu majeur pour le groupe Safran
Certes, le sujet n’est pas nouveau pour cette entreprise qui emploie 8 500 salariés répartis dans treize établissements en France (des sites de recherche et des sites de production). « La décarbonation est un enjeu majeur pour le groupe Safran. En tant qu’équipementier et motoriste dans le domaine de l’aéronautique, la réduction du poids et de la consommation de carburant a toujours été au cœur de sa stratégie », explique Romuald Périnelle, délégué syndical central (DSC) CFDT de SED. Les services R&D de l’entreprise travaillent ainsi depuis longtemps sur des solutions de carburant durable d’aviation (sustainable aviation fuel, censé remplacer progressivement le kérosène) et à des solutions mécaniques et électriques visant à alléger les équipements embarqués et réduire la consommation de carburant. D’ailleurs, le groupe a, de longue date, publié d’ambitieux engagements de réduction d’émissions de CO2.
Mais il y a encore peu, excepté les modalités d’accompagnement des salariés en matière d’écomobilité (négociées lors des négociations annuelles obligatoires), tous les choix et les décisions relevant de la décarbonation étaient pris par la direction. « Pour respecter ses objectifs, l’entreprise avait mis en place des plans d’action, que ce soit en matière de rénovation de ses établissements, de déplacements professionnels, de processus d’achat, etc. Mais toutes ces initiatives relevaient de décisions unilatérales de l’employeur », indique Jean-Yves Baude, coordinateur CFDT au sein du groupe Safran et délégué syndical CFDT de l’établissement SED de Massy. « C’est là la grande avancée produite par cet accord : remettre dans le champ du dialogue social et de la coconstruction des éléments qui étaient précédemment des décisions de la direction », se félicite Julien Lacoste, élu CFDT du site d’Éragny (Val-d’Oise / Île-de-France), qui a contribué à la négociation de l’accord au titre d’expert.
Méthodologie efficace
Évidemment, les partenaires ne se sont pas lancés n’importe comment dans la négociation. La direction a tout d’abord proposé la tenue de quatre workshops (ateliers) où sont intervenus des experts en vue de permettre une appropriation des enjeux (techniques et scientifiques) de la décarbonation. « Cela nous a fait entrer en négociation avec le même niveau d’information », apprécie Guilhem Plantarroze, DSC adjoint. « Ces ateliers ont également été très bénéfiques pour les négociateurs car si le CSE a des prérogatives en matière environnementale depuis 2021, ces dernières restent un aspect encore nouveau pour les élus comme pour les responsables des relations sociales », explique Julien.
La CFDT a ensuite proposé un travail collectif à l’ensemble de ses sections afin de définir un cahier revendicatif « équilibré, qui tienne compte de toutes les situations. Certains des treize établissements se trouvent en région parisienne, d’autres sont éloignés des centres-villes avec des problématiques de transport très différentes, par exemple. Il fallait veiller à n’oublier personne ». Tous reconnaissent que cette phase de travail collaboratif a fait émerger des dizaines d’idées.
Une première étape
Toutes ces idées n’ont pas été reprises par la direction, qui a souhaité circonscrire les sujets traités dans l’accord aux « principaux leviers pour lesquels les salariés peuvent contribuer et s’engager », indique le préambule – en l’occurrence les écogestes, l’écomobilité (trajets domicile-travail et déplacements professionnels), la formation-sensibilisation ou le verdissement des activités sociales et culturelles (lire l’encadré). La direction a ainsi écarté les sujets stratégiques comme l’écoconception, les mesures portant sur la réduction de l’empreinte carbone de la chaîne industrielle des produits, le fret, le numérique ou l’énergie… « Nous aurions voulu ouvrir davantage le champ et inscrire des mesures sur les achats et l’organisation du travail. La semaine de quatre jours nous semblait aussi une idée intéressante », regrette Julien. Mais la satisfaction l’emporte sur la frustration. L’équipe CFDT peut en effet se féliciter que les salariés et leurs représentants aient davantage de moyens et de leviers quand il s’agit d’intervenir sur la décarbonation dans l’entreprise. « C’est une première étape ; désormais, nous avons une feuille de route comprenant des sujets bien identifiés », conclut Julien.
Les mesures importantes de l’accord
• Décarbonation au travail
L’accord encourage les écogestes au bureau pour réduire la consommation d’énergie. Il promeut des pratiques alimentaires durables, avec des mesures claires : l’affichage de l’empreinte carbone des repas proposés et l’utilisation de produits locaux, biologiques et de saison. Il prévoit également une meilleure gestion des déchets tertiaires à travers leur réduction en quantité, leur recyclage et leur valorisation.
• Écomobilité et trajets domicile-travail
L’entreprise soutient les mobilités douces grâce à des aides aux déplacements à vélo, au covoiturage, à l’utilisation de véhicules propres et à une prise en charge des abonnements de transport jusqu’à 75 % de leur valeur. Elle souhaite également limiter le nombre de trajets en poursuivant la mise en œuvre du télétravail.
• Formation et sensibilisation
Des projets de formation sont mentionnés afin d’ancrer l’acculturation des salariés aux objectifs de décarbonation. Des outils pédagogiques seront déployés et mis à disposition pour accompagner la sensibilisation.
• Déplacements professionnels
L’accord rappelle les sept principes « pour des déplacements professionnels plus écoresponsables », dont vérifier le caractère nécessaire du déplacement, recourir aux services de réservation de l’entreprise pour accéder à des offres bas carbone, utiliser des véhicules moins polluants afin de réduire les émissions produites par les déplacements… « Avant, seuls les critères financiers comptaient. Désormais, l’empreinte écologique est également un critère, explique Julien. Ainsi, désormais, même si un déplacement se révèle plus long ou plus cher, on le privilégiera dans la mesure où il peut correspondre au respect de meilleurs critères environnementaux. » Bien entendu, un tel changement d’approche va nécessiter une plus forte implication des salariés et des managers.
• Leviers dans les activités sociales et culturelles du CSE
L’accord précise que le CSE doit repenser son offre de voyages dans une perspective de décarbonation ; par exemple, limiter l’avion ou mieux subventionner les voyages moins carbonés. Il est utile de préciser que si l’accord fixe les orientations générales, la mise en application dépendra d’une charte que chaque CSE devra rédiger.
Il faut enfin souligner que l’accord retient le principe de la tenue de deux réunions de CSE par an sur le thème de la décarbonation, que ce soit au niveau des établissements ou, en central, au niveau de la société.
Bertille Tannai