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Extrait de l'hebdo n°3967
Première organisation syndicale du CHU de Besançon (Doubs), la CFDT est un acteur incontournable du dialogue social, succès à l’appui. Elle a récemment obtenu la titularisation de près de 300 agents. Elle agit aussi sur les valeurs, en faisant de la lutte contre l’extrême droite un de ses marqueurs.

« Dialogue ». Voilà le mantra de la CFDT de l’établissement public de santé bisontin. Un mantra décliné à tous les étages : dialogue social, dialogue en proximité avec les agents et dialogue au sein de la section. « C’est la seule façon de faire bouger les lignes ou de faire évoluer les mentalités », résume Marc Puyraveau, le secrétaire de la section du CHU et de ses 200 adhérents. Une méthode payante puisque, lors des élections professionnelles de décembre 2024, la CFDT conservait sa première place – et la confiance des 6 000 agents –, et ce pour le troisième scrutin consécutif. Pas question d’ailleurs de s’arrêter en si bon chemin. « Alors que les prochaines élections approchent [fin 2026], nous entendons bien rester [les premiers] », prévient Carlos Madeira Branco, secrétaire général adjoint de la section. Pour y parvenir, la section peut s’appuyer sur un solide bilan avec des résultats concrets.
Améliorer le quotidien des agents
À l’été 2024, elle a obtenu la titularisation de plus de 275 agents, à raison de 25 titularisations par mois sur dix mois, d’agents principalement issus des catégories C et B. « La résorption de l’emploi précaire est une priorité, en plus d’offrir de la visibilité aux agents sur leur carrière, c’est un coup de pouce bienvenu pour leur pouvoir d’achat et cela contribue à l’attractivité de l’établissement et à la fidélisation des agents, insiste Marc Puyraveau. Néanmoins, il ne faudra pas s’arrêter en si bon chemin. Notre boulot, c’est bien évidemment l’organisation et les conditions de travail, mais c’est aussi le pouvoir d’achat. Nous sommes attendus pour améliorer le quotidien des agents au bureau, mais aussi dans leur frigo. »
Justement, parlons de l'organisation du travail. C’est l’un des prochains gros chantiers qui attend la CFDT. Le 15 mai, les discussions autour de l’évolution de l’amplitude horaire, où chaque service pourrait opter pour sa formule, ont démarré. Plusieurs options, « courte » (7 h 36), « moyenne » (9 ou 10 heures) ou « longue » (12 heures) sont à l’étude. « Notre ambition est de trouver le juste équilibre entre conciliation de la vie professionnelle et personnelle des agents et prise en compte de l’impact sur la santé de certains rythmes de travail, explique Romuald Gredler, secrétaire général adjoint de la section et infirmier. Pour le dire autrement, ce n’est pas la même chose d’enchaîner douze heures de service selon qu’on a 25 ans ou 50 ans. Nous serons particulièrement vigilants. » Les agents savent qu’ils peuvent de toute façon compter sur la CFDT et sa ténacité.
Faire reconnaître l’exposition des agents à l’amiante
« Tenace. On l’est. On ne lâche rien. C’est le moins que l’on puisse dire », plaisante Valérie Tesser-Lamy, soignante au sein du service neurologie et adhérente CFDT depuis toujours. Elle est tombée dedans quand elle était « gamine », la faute à un père délégué syndical chez l’horloger Schlumberger. Les agents ayant un peu d’ancienneté dans l’hôpital peuvent d’ailleurs en témoigner : la CFDT ne lâche rien. En 2020, l’organisation avait remporté une bataille de plus de onze années d’action, en faisant condamner le centre hospitalier « pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui » après qu’une cinquantaine d’agents ont été exposés à l’amiante. Une victoire majuscule dont il faut faire vivre et cultiver le souvenir. « Certains ont déjà oublié, d’autres ignorent que nous avons mené cette lutte syndicale, explique Marc Puyraveau. La raconter, c’est saluer le travail de celles et ceux qui ont été aux manettes avant nous, mais c’est aussi montrer aux agents que nous avons été et que nous sommes toujours à leur côté. »
Renforcer la communication
Depuis décembre 2024, la section du CHU est entrée dans le dispositif « FAPG » (Faire adhérer pour gagner), impulsé par la fédération Santé-Sociaux et a lancé sa page Facebook en janvier 2025. Elle y relaie les comptes rendus d’instance et des informations dites de « saison », en fonction de l’actualité de l’établissement. Alors que démarre la campagne des entretiens annuels, elle en rappelle les règles et comment s’y préparer. « Nous devons être meilleurs dans la valorisation de nos actions et dans ce que nous obtenons, que ce soit pour des petites ou des grandes victoires », résume Carlos Madeira Branco. À l’heure où les populismes veulent imposer leurs idées, à l’heure ou l’extrême droite tente de séduire les agents des fonctions publiques, être utile c’est bien, le démontrer c’est mieux.
“Nous ne sommes pas épargnés par la progression du Rassemblement national et de ces idées.”
“Pour combattre l’extrême droite, il faut en parler”
Une enquête du Cevipof parue en 2024 confirmait cette tendance, révélant que 35 % des agents de la fonction publique hospitalière avaient voté pour un candidat nationaliste. « Nous ne sommes pas épargnés par la progression du Rassemblement national et de ces idées parmi les personnels hospitaliers », déplore Marc Puyraveau. Dans les couloirs, en salle de pause, les propos décomplexés se tiennent ouvertement : « C’est toujours les mêmes qu’on soigne » ; « Avec eux, il y a toujours des problèmes » ; « Ce n’est pas normal que les soins ne leur coûtent quasiment rien ». Le propos le plus choquant entendu par Valérie Tesser-Lamy, à propos d’un enfant hospitalisé qui avait emmené avec lui un jouet rassurant pour son séjour à l’hôpital : « Je suis sûr que ce sont mes impôts qui ont payé le jouet du gamin »…
« Cela confirme que le sujet ne doit pas être tabou et que c’est un vrai combat syndical », martèle Marc Puyraveau. Pour la section, un impératif : comprendre les ressorts du vote RN pour mieux le combattre. Le syndicaliste est convaincu que si une frange des électeurs partage indéniablement la doctrine xénophobe, misogyne et rétrograde de l’extrême droite, tous ne sont pas racistes. Il insiste surtout sur les deux leviers à leur disposition pour faire évoluer les mentalités : le dialogue et le dialogue social. « Nous changerons la donne en écoutant et en parlant avec ceux qui sont en colère ou qui vivent un sentiment de déclassement. Nous changerons la donne en agissant sur le pouvoir d’achat et sur les conditions de travail. »