1er mai : le travail en tête d’affiche

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icone Extrait de l'hebdo n°3964

Loin des traditionnels cortèges syndicaux parisiens, la CFDT et l’Unsa avaient décidé, pour ce 1er mai, d’ouvrir le débat sur le travail avec une table ronde organisée en plein cœur de Paris.

Par Anne-Sophie BallePublié le 06/05/2025 à 12h00

Adhérents et sympathisants rassemblés dans le quartier des Halles, à Paris.
Adhérents et sympathisants rassemblés dans le quartier des Halles, à Paris.©Syndheb

C’est au cœur du quartier historique des Halles, non loin de la statue Écoute, que la CFDT et l’Unsa avaient donné rendez-vous à leurs adhérents et sympathisants, ce 1er mai. Tout un symbole, pour ces organisations désireuses de donner la parole aux travailleurs et de prendre le temps de discuter. « Il y a une crise du travail aujourd’hui, assure Marylise Léon devant un parterre de militants mais aussi de passants curieux. Paradoxalement, il y a aussi, et on le voit depuis les mobilisations retraites de 2023, une forte envie de parler du travail. […] Il y a des enjeux autour du pouvoir d’achat, de l’emploi. Mais le travail reste le grand impensé du moment et il faut pouvoir le mettre sur la table. » Or quoi de mieux, pour cela, que de s’appuyer sur le ressenti des salariés ?

Un premier « Baromètre sur l’état du travail »

Quelques heures plus tôt, la CFDT rendait d’ailleurs public son premier « Baromètre annuel sur l’état du travail » (lire encadré). Presque dix ans après la grande enquête « Parlons travail » qui photographiait l’état du travail, il s’agit désormais de « suivre l’évolution du rapport des travailleurs au travail », explique Marylise Léon en préambule. L’Unsa, de son côté, n’est pas en reste, avec son « Indice sur le moral des salariés », publié en février 2024 sur la base de deux enquêtes annuelles.

Partageant les mêmes constats que la CFDT sur « ces transformations écologiques et numériques qui ont de vraies conséquences sur les métiers et sur les organisations du travail », Laurent Escure, le secrétaire général de l’Unsa, insiste également sur la menace démocratique que revêt ce contexte de transformations pour certains salariés et qui interroge la place du syndicalisme. « Si on veut que le syndicalisme joue son rôle dans les années à venir, il va falloir aller chercher ceux qui s’en éloignent ou qui choisissent des voies extrêmes, car ils en viennent à considérer que le syndicalisme n’est fait que pour ceux qui ont déjà des droits, » plaide-t-il à la tribune.

La frilosité des employeurs… et des pouvoirs publics

Quant aux employeurs, là aussi, il va falloir aller les chercher, insistent les deux secrétaires généraux. « Quand on parle du travail avec les employeurs, on a l’impression d’avoir une poule devant un couteau. On parle travail, ils répondent emploi et process, insiste Marylise Léon. Là où les plus libéraux considèrent que la seule réponse à la crise du travail consiste à travailler plus, nous répondons par la nécessité de travailler tous et mieux. C’est une vraie bataille culturelle que nous devons mener. »

Aujourd’hui encore, employeurs comme pouvoirs publics semblent frileux à l’idée de parler du travail. En témoigne la grande Conférence Travail prévue au printemps 2025 – et poussée par la CFDT depuis les Assises du travail de 2023 – que le gouvernement a choisi de reporter après les discussions sur les retraites. « Il serait pourtant temps de poser l’ensemble des problèmes sur la table et de faire du travail un objet de dialogue social et de dialogue professionnel, souligne Marylise Léon, qui ne désespère pas. Nous allons insister, affirme-t-elle. Et si c’est sans le gouvernement et sans les employeurs, ce n’est pas grave, nous le ferons de notre côté. C’est ce que l’on fera le 15 mai prochain, avec le lancement du collectif "Places du travail". Ce rendez-vous, qui réunira organisations syndicales, DRH et experts du travail, doit permettre de nourrir les réponses collectives aux problématiques que rencontrent les travailleurs. »

Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.©Syndheb

Une énième tentative de déréglementation ?

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

En marge de la table ronde sur le travail, les deux organisations ont été interrogées sur la proposition de loi – soutenue par le gouvernement – qui vise à assouplir les règles encadrant le travail le 1er mai. Balayant la proposition d’un revers de main, la secrétaire générale de la CFDT n’aura pas manqué de fustiger ces « responsables politiques qui écoutent les employeurs sans même demander aux personnes directement concernées ce qu’elles en pensent. Le 1er mai est un repère et un jour exceptionnel, particulier, dans l’année, pour les travailleurs du monde entier. Il doit rester sanctuarisé, insiste-t-elle. Cette proposition de loi est un énième ballon d’essai. Sous couvert de simplification, on est dans une nouvelle tentative de déréglementation. Ce à quoi la CFDT s’opposera farouchement. »

Comment vont les travailleurs en 2025 ? 

Après « Parlons travail », en 2016, et « Les salariés français face au Covid-19 », en 2020, la CFDT continue d’interroger les travailleurs et a publié pour ce 1er mai, « L’état du travail », un baromètre qui sera réalisé chaque année à la même période. Quel est le rapport des Français au travail ? Quelles sont leurs aspirations ? Comme à chaque enquête sur le travail, il s’agit de donner la parole à celles et ceux « qui se lèvent tôt ou qui commencent tard », de comprendre ce qui a changé dans leur travail et comment mieux les accompagner pour y faire face. Ce rapport vient en complément du document de référence « Le travail que nous voulons », le manifeste que la CFDT a envoyé aux parlementaires en avril.

« L’état du travail » confirme ainsi qu’une majorité de Français (6 sur 10) sont « plutôt satisfaits » de leur travail. Plutôt satisfaits, car de nombreux témoignages montrent un décalage croissant entre la volonté de « bien faire » et l’obligation de faire toujours plus vite et avec moins de moyens. Ce n’est pas nouveau, l’enquête « Parlons travail » avait déjà mis en évidence cette réalité mal vécue de devoir bâcler ou d’être sous pression. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que ce malaise touche de plus en plus de jeunes : 57 % des 25-34 ans interrogés cherchent du sens à leur travail, 47 % d’entre eux se sentent stressés.

Alors, si le travail demeure une source d’épanouissement, « il ne faut pas perdre de vue les 40 % de travailleurs qui se disent en difficulté », avertit la CFDT, ceux qui évoquent un travail mentalement éprouvant (59 % des répondants), ceux qui ont un travail pénible (64 % des ouvriers), ceux qui n’arrivent pas à parler avec leur hiérarchie (30 % des sondés). Comme l’indique ce baromètre, il va sans dire que leurs attentes sont fortes en matière de qualité et de conditions de travail.

                                                                                      Claire Nillus