Tests psychologiques : pourquoi ont-ils autant de succès ?

icone Extrait du  magazine n°514

Proposés au motif qu’ils permettent d’obtenir des données plus objectives sur la personnalité et le potentiel des candidats à un poste ou des salariés, que valent les « tests psy » utilisés pour évaluer leurs comportements dans un collectif de travail ? La CFDT alerte sur abus.

Par Claire NillusPublié le 02/06/2025 à 12h00

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L’attrait pour les tests psychologiques pratiqués par les services des ressources humaines ne faiblit pas. Commercialisés dès les années 1930, ils apparaissent encore comme une grille de lecture rapide du comportement des individus afin de développer la productivité ou des relations professionnelles harmonieuses dans l’entreprise. Ils sont considérés plus objectifs que les entretiens en face à face au cours desquels les personnes ont tendance à se présenter de manière plus avantageuse et dire ce que l’employeur attend précisément d’elles.

C’est ce qui explique leur popularité, et particulièrement, parmi eux, les tests dits psychométriques, qui mesurent les caractéristiques psychiques des personnes en s’appuyant sur des approches statistiques. D’après l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), en 2023, 30 % des salariés cadres des métiers du commerce ont été soumis à ce type de tests avant d’être embauchés.

“La validité des tests dépend à la fois de leur conception et des usages que l’on en fait.”

Even Loarer, professeur de psychologie et chercheur spécialiste de psychométrie à l’Inetop.

Mais quelle est leur validité scientifique ? « Comme d’autres sciences, la psychométrie est bâtie sur l’observation de régularités objectives, qui mènent à des conclusions similaires. On sait construire des tests valides qui limitent les biais et les erreurs, mais beaucoup ne le sont pas. Et la validité des tests dépend à la fois de leur conception et des usages que l’on en fait », explique Even Loarer, professeur de psychologie et chercheur spécialiste de psychométrie à l’Inetop (Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle) du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers). « Or, certains questionnaires les plus utilisés dans le monde du travail sont contestables d’un point de vue scientifique », alerte-t-il.

C’est le cas du test de personnalité MBTI® (Myers-Briggs Type Indicator), objet de nombreuses critiques. On lui reproche notamment son manque de fiabilité (les résultats peuvent changer pour un même individu entre deux passations) et son modèle théorique trop simplificateur. D’une manière générale, les modèles simplificateurs déterminent des types de caractère (par exemple, on est introverti ou extraverti) avec un nombre limité de critères de pondération, alors que la psychologie scientifique se réfère à des dimensions continues et plus nombreuses. « Avec un score de 51 %, on vous dira que vous êtes de type extraverti, ou introverti si vous avez un score de 49 %, ce qui ne veut rien dire car la majeure partie de la population se situe dans la zone moyenne », poursuit le chercheur.

Une pratique mal encadrée

Leur succès s’explique néanmoins grâce à cette simplification qui donne l’illusion d’un outil accessible à tous, supposé expliquer les conduites des salariés dans de multiples domaines. « L’usage de ces tests est, en outre, très souvent dévoyé », regrette Even Loarer : des outils de développement personnel, conçus pour réfléchir sur soi-même, ne devraient pas servir à classer ni à recruter. De plus, « contrairement aux croyances, un test de personnalité, à lui seul, explique peu la performance de la personne en situation de travail », insiste-t-il. « C’est pourquoi le code du travail indique que les tests doivent être choisis en fonction du poste à pourvoir : un recruteur doit d’abord déterminer les compétences spécifiques qu’il souhaite évaluer, d’après celles qui sont exigées par le poste, afin de choisir ensuite les outils pour les mesurer. Mais il y a des dérives, et la loi est peu contraignante. »

Syndicalement peu compatibles

C’est aussi un sujet syndical complexe. L’adaptation d’une personne à son milieu de travail mêle des facteurs individuels, fruits d’une histoire personnelle plus ou moins éprouvante, à des facteurs collectifs plus ou moins pesants.

« Avec l’évaluation individuelle de “soft skills”, les entreprises s’affranchissent du sujet fondamental qu’est le dialogue professionnel », fait remarquer Anne-Florence Quintin, secrétaire nationale de la CFDT Cadres.

« Les psychotests leur donnent l’illusion d’une expertise factuelle et indiscutable du salarié. Cela évite de questionner les situations de travail. » Et cela nous ramène cent ans en arrière, lorsqu’il s’agissait d’adapter les personnes à un poste de travail, à l’inverse de la logique syndicale. Selon la CFDT Cadres, le choix des tests et les règles déontologiques de leur utilisation devraient donc faire l’objet de discussion avec le comité social et économique.