“Stellantis : le casse-tête du «back together»”

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À la recherche d’un nouvel équilibre

Le constructeur d’automobiles revient sur le télétravail. Or ce rétropédalage occasionne des grincements de dents parmi les salariés habitués à cette organisation mise en place dès 2014.

Par Sabine IzardPublié le 04/07/2025 à 09h09

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© Lageat Perroteau / Hans Lucas

Comme souvent, le mot d’ordre est venu des États-Unis. Le groupe multinational Stellantis, pourtant pionnier en matière de télétravail, a annoncé, au début de 2025, que ses quelque 8 650 salariés habitués au travail à distance, principalement des cadres et agents de maîtrise, allaient devoir réintégrer leurs bureaux au minimum trois jours par semaine. Avec un objectif intermédiaire progressif de deux jours de présentiel à partir de juin. « Aujourd’hui, la moitié d’entre eux ne sont au bureau qu’une semaine par mois ou un jour par semaine », explique Benoît Vernier, délégué syndical central du groupe. Mais la direction a ses arguments : « Ce que l’on veut, c’est augmenter les temps d’échanges en présentiel, renforcer l’animation managériale. Ce changement vise à renforcer la collaboration, à accélérer le processus décisionnel et à stimuler l’innovation. »

Marche arrière

Ce retour en arrière a des conséquences concrètes sur la vie des salariés : « Le problème est que les gens ont pris l’habitude de travailler à distance. Certains ont même déménagé dans d’autres régions, explique Benoît. Aujourd’hui, les équipes de travail sont complètement éclatées. Les salariés craignent qu’on les fasse revenir pour faire du télétravail sur site… »

Selon lui, une période de transition devrait être mise en place avec la direction afin de permettre aux salariés concernés de s’organiser pour revenir au bureau plus souvent. « La première étape de deux jours en présentiel ne devrait pas poser trop de problèmes si on réussit à garder de la souplesse pour gérer les cas particuliers », précise le militant. En revanche, le passage à trois jours par semaine en présentiel implique des changements organisationnels plus importants.

Comme d’autres, l’entreprise avait réduit ses espaces de travail, ce qui lui permettait de limiter ses coûts de fonctionnement. « Nos bureaux sont calibrés pour des salariés en télétravail à 70 % de leur temps, souligne Benoît. Il va falloir lisser les jours de présence sur la semaine pour pouvoir accueillir tout le monde sur site deux jours par semaine. » Et si l’entreprise veut faire plus, « les locaux, le parking, la restauration ne sont plus adaptés. Ils ne nous permettent pas d’accueillir tout le personnel ! », poursuit-il. Un sujet qui ne devrait pas manquer d’alimenter de prochaines négociations sociales…

Chez JCDecaux, une annonce en trompe-l’œil ?

Chez JCDecaux, leader mondial de la publicité urbaine, l’heure est aussi au retour en présentiel. Mais pour les syndicats, il s’agit surtout d’un prétexte visant à inciter les salariés à démissionner…

« La direction a toujours été fébrile à l’égard de ce mode d’organisation du travail », affirme Foued Maazouza, délégué syndical CFDT. Mais comme beaucoup d’autres, l’entreprise a été contrainte d’équiper ses salariés en télétravail pendant la période du Covid. « Aujourd’hui, entre 1 200 et 1 300 salariés y sont éligibles. Nous avons beaucoup de souplesse dans l’organisation de nos jours de télétravail. Les gens sont contents », relate le syndicaliste.

Pourtant, en ce début 2025, il sent le vent tourner : « Ça a commencé par des bruits de couloir. Un jour, notre président, Jean-Charles Decaux, est passé dans des bureaux un vendredi. Il y avait cinq salariés sur les 250 à l’effectif. Un mois plus tard, le sujet figurait à l’ordre du jour du CSE », explique Foued. Selon lui, l’employeur les a simplement informés qu’ils allaient passer de deux jours à un jour de télétravail par semaine à compter de septembre, pour « une meilleure interaction entre les salariés ». « C’est comme ça. On pense que c’est mieux. C’est l’entreprise qui décide ! », se voient alors notifier les élus. « Les salariés ne posaient plus de RTT, ne prenaient plus de journée enfant malade. La direction n’avait plus confiance », explique Foued Maazouza.

Mais derrière cet effet d’annonce, le syndicaliste craint en réalité des départs déguisés. Selon lui, l’entreprise s’est engagée dans un plan massif de réduction des coûts. « Ils rognent beaucoup d’avantages et ne parlent que d’économies. Est-ce que le but n’est pas de réduire la masse salariale ? s’inquiète-t-il. Il y a eu beaucoup de licenciements et de démissions ces derniers mois. Et le climat social est délétère. Les gens se sentent poussés vers l’extérieur. » En attendant d’en savoir plus, la CFDT multiplie les actions. « Nous avons déjà tracté devant le siège de Neuilly [Hauts-de-Seine] et nous lançons un sondage pour recueillir le ressenti des salariés. Pas question de se laisser faire ! »