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Extrait de l’hebdo n°3887
Conditions de travail, attractivité des métiers, pouvoir d’achat, service public et qualité des soins… : dans les Hauts-de-Seine, les militantes et militants du Centre hospitalier Rives de Seine sont sur tous les fronts. Une présence reconnue par les agents, qui ont massivement accordé leur confiance à la section lors des élections professionnelles de décembre 2022.

« Nous étions heureux à l’annonce des résultats, notre score est une récompense ! », résume simplement Ali Bakkali, secrétaire de la section CFDT du Centre hospitalier Rives de Seine (CHRDS), qui compte plusieurs sites répartis sur quatre communes des boucles de la Seine : Colombes, Courbevoie, Neuilly-sur-Seine et Puteaux. Heureux, il y avait de quoi l’être… et fier aussi : le 8 décembre 2022, les 1 200 agents se sont prononcés à 55,90 % pour la CFDT, loin devant FO (32,85 %) et la CGT (11,25 %). La CFDT obtient six des dix sièges du comité social d’établissement, soit deux sièges supplémentaires par rapport au nombre obtenu à l’issue des élections précédentes. En outre, la participation (64 %) a été en forte hausse par rapport au scrutin de 2018 (+ 14 points). Un résultat à l’opposé de la tendance observée au sein de la fonction publique hospitalière (– 6,3 %).
D’une vingtaine d’adhérents à… 114 !
En hausse également, le nombre d’adhérents de la section est tout aussi impressionnant. Il y avait une vingtaine d’adhérents il y a dix-sept ans ; on en compte 114 aujourd’hui, soit presque 10 % des effectifs totaux ! « Nous sommes présents dans tous les corps de métiers, chez les ouvriers, les cadres, les personnels techniques, logistiques, soignants… Nous sommes partout », résume Christophe Auvinet, secrétaire adjoint de la section. Avec Ali, Christophe fait partie des historiques qui ont créé la section voilà presque deux décennies, à une époque où seules FO et la CFTC avaient pignon sur rue. Que de chemin parcouru !
Un « militant CFDT relais » est aujourd’hui présent dans chacun des services. Ce maillage permet à l’équipe de garantir une remontée rapide des informations et des éventuelles difficultés rencontrées afin de procéder dans les meilleurs délais à la mise en place d’actions correctives. En d’autres termes, la CFDT se porte bien au sein du CHRDS, « un établissement à taille humaine où nous sommes clairement identifiés sur les différents sites », souligne Ali, qui n’entend pas s’arrêter en si bon chemin ni se reposer sur ses lauriers.
De l’énergie à revendre
De tels résultats ne sont évidemment pas le fait du hasard mais le fruit d’un travail quotidien de proximité avec les agents. Une interrogation quant à la pose des congés ? Sur la stagiairisation, la titularisation ou sur la qualité de vie et les conditions de travail ? Il y aura toujours un élu CFDT pour renseigner toute personne en quête d’informations. « On fait zéro coupure, détaille Rachid El Gourche, secrétaire adjoint de la section [il y a quatre secrétaires adjoints] et responsable du service sécurité-sûreté. On répond présent matin, midi et soir. On est là quand les agents ont besoin de nous. On ne va pas leur dire de nous rappeler la semaine prochaine. C’est quand ils ont besoin de parler que nous devons être là. »
Au-delà de l’accompagnement individuel, la section et ses militants multiplient les occasions d’aller rencontrer et informer les agents sur leurs droits. C’était notamment l’objectif du « forum social », un rendez-vous organisé par la section en mai 2022, en lien avec le Syndicat Santé-sociaux 92, lors duquel les agents ont pu échanger à propos des formations, des évolutions de carrière, de la retraite ou des services proposés par le comité de gestion des œuvres sociales… « Nous organisons aussi deux journées portes ouvertes par an », ajoute Saadia Jray, adhérente depuis 2012, également secrétaire adjointe et pour qui l’adhésion à la CFDT était une évidence. « En plus des valeurs que je partageais, il y avait les bonnes personnes à la bonne place. » Un sympathique clin d’œil aux deux fondateurs de la section.
Bonne humeur et convivialité sont d’ailleurs les maîtres mots de l’équipe. Ce qui n’empêche pas la survenue de vifs débats. « Chacun apporte sa vision, défend ses arguments », explique Rachid. « On n’hésite pas non plus à se dire les choses quand il le faut. On n’a pas de filtre. On a des débats animés pendant cinq minutes et on passe à autre chose », poursuit Julie Ferron, aide-soignante et secrétaire adjointe de la section. « Nous sommes une section qui vit », appuie Christophe. Autre sujet prioritaire aux yeux des militants : la lutte contre le harcèlement et les violences faites aux femmes. Très proactifs, ils ont obtenu la mise en place d’un référent sur le sujet et la désignation de personnes-ressources dans chacun des sites. Il est hors de question de détourner le regard ou de rester silencieux, fait savoir l’équipe… qui prépare d’ailleurs une action de sensibilisation sur cette thématique.
Un accord à faire respecter par la direction
Cette énergie, la section la met aussi au service du dialogue social. Toujours prête à négocier, elle a par exemple obtenu la mise à disposition d’une salle de pause dans chaque service et s’est battue pour que le temps de repos des agents soit pleinement respecté. « Un vrai bras de fer qui a nécessité de réaménager les espaces de travail et de changer les habitudes de celles et ceux qui n’avaient que faire des temps de récupération des agents. Ils bénéficient aujourd’hui d’une vraie pause de quarante minutes dans de bonnes conditions », explique Ali.
Lorsque le dialogue est au point mort, l’équipe sait taper du poing sur la table. Le 28 juin 2022, un mouvement de grève interservices a ainsi débouché sur l’obtention de 28 jours de congés annuels bénéficiant à tous les agents, la reconnaissance en travail de nuit de toutes les heures de nuit (sur douze heures travaillées de nuit, trois étaient payées en heure de jour), la priorité des agents locaux en matière d’heures supplémentaires (afin de limiter le recours aux vacataires) ou encore la fourniture de bouteilles d’eau en cas de fortes chaleurs.
L’attribution de deux échelons supplémentaires aux agents titulaires ayant au moins huit années d’ancienneté dans la fonction publique hospitalière et les contractuels (dix ans d’ancienneté) a également été actée. Sur ce dernier point – et malgré la signature de l’accord –, la direction a fait marche arrière et a suspendu sa décision, invoquant des motifs budgétaires. « On ne lâchera rien, martèle Ali, C’est un enjeu essentiel pour l’attractivité de notre établissement, de nos métiers et pour la crédibilité du dialogue social. »
La proximité mise à mal
« Ce qui est dans l’intérêt des agents est dans l’intérêt de l’établissement », poursuit Julie. Des agents reconnus et valorisés, ce sont des agents qui restent en poste. Alors que les départs vers le privé et que les reconversions se multiplient, les militants tirent le signal d’alarme : il manque une soixante d’équivalents temps plein… avec des conséquences à la fois sur les conditions de travail dans les services et sur les conditions d’accueil des usagers. Depuis six mois, les urgences, jusque-là ouvertes 24 heures sur 24, ferment désormais leurs portes à 18 h 30. Ce sont aussi 30 lits qui ont dû être fermés. Enfin, le nombre d’accouchements a été réduit, passant de 2 500 à 1 500 pour que les sages-femmes puissent (enfin) prendre leurs congés, et ce, pour la première fois depuis plusieurs années.
« Nous sommes inquiets », confie Ali. Et les perspectives à court, moyen et long terme ne rassurent pas les militants. L’établissement fait face à un déficit de près de 14 millions d’euros, contre 4 millions quelques années plus tôt. « Quand on voit que l’on a supprimé des postes lorsqu’on avait un déficit trois fois moins élevé… Nous étions les héros pendant le Covid, mais la page a rapidement été tournée. On a le sentiment d’être abandonnés par les pouvoirs publics et par l’État, mais on continuera la bataille. On aime notre établissement. On aime nos métiers. Heureusement qu’il y a eu le Ségur de la santé, mais ça ne règle pas tout », développe Christophe.
Cette bataille passe également par la communication, régulière auprès des agents. Obtenir des choses, c’est bien ; le faire savoir, c’est mieux. Pas question de laisser la place au fatalisme et aux fatalistes. En plus du téléphone, outil d’échange numéro un des militants, des tracts sont distribués régulièrement afin de rappeler les victoires, acquis et revendications de la CFDT. La communication passe également par la mise en place d’un code QR que chaque agent peut scanner en vue de s’adresser à l’équipe et lui poser directement ses questions. C’est aussi le fait d’accueillir Laurent Berger, alors secrétaire général, et Marylise Léon, alors secrétaire générale adjointe, le 8 juin dernier pour échanger sur le quotidien dans l’établissement. « Un événement important pour nous, bien sûr, précise Saadia, mais surtout un moment privilégié pour les agents qui ont pu témoigner de leurs difficultés et qui ont compris que leur parole était portée au-delà des murs de l’établissement. »
Enfin, communiquer, c’est faire connaître la nature de son travail auprès des collègues du territoire. « C’est essentiel de pouvoir partager les bonnes pratiques », insiste Julie, qui, en plus de ses activités au sein de la section, est responsable de la formation au sein du Syndicat Santé-Sociaux 92. Décidément, voilà une section CFDT active sur tous les terrains.