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En deuil au travail
Amanda Castello, formatrice, thérapeute en soins palliatifs, accompagnement en fin de vie et deuil.

Vous dites que le deuil est plus délicat à vivre en entreprise que dans la sphère privée. Pourquoi ?
Quel que soit votre statut, votre grade, l’entreprise est une sorte de prison dans laquelle vous devez contrôler vos émotions, ne pas montrer que vous allez mal, où l’on ne sait pas comment se comporter vis-à-vis de vous. On n’ose pas parler à la personne endeuillée car lorsqu’on le fait, très souvent, la personne peut manifester des émotions très violentes que l’on ne sait pas gérer. Donc on ne dit rien. De ce fait, la personne se retrouve dans une totale solitude. Il faut parler du deuil : la vie et la mort sont les deux faces d’une même médaille, il faut accepter l’une comme on accepte l’autre. Or, on accepte la naissance et on refuse la mort.
Mais on n’est jamais préparé lorsqu’elle survient…
Effectivement, la mort, c’est un tir en pleine figure. Même s’il s’agit d’une personne très âgée que l’on a visitée le matin à l’Ehpad et qui s’est éteinte dans l’après-midi, on est surpris. Les équilibres relationnels qui étaient en place sont rompus. Tant que l’on n’accepte pas que la mort fait partie de la vie, on n’apprend pas à en gérer les conséquences, ni que la mort est aussi un moment à « vivre ».
“Il faut parler du deuil : la vie et la mort sont les deux faces d’une même médaille’
On parle de différentes phases dans un processus de deuil. En quoi peuvent-elles être des clés de compréhension pour mieux accompagner les personnes endeuillées ?
Différentes étapes ont été bien identifiées, en effet, mais elles ne sont pas forcément vécues au même moment par les personnes : il y a du déni (« ce n’est pas possible »), de la colère (contre les soignants, Dieu, le travail…), de la tristesse.
On observe aussi une phase de recherche obsessive du disparu (faire revivre les souvenirs, se réfugier dans la religion…) et, enfin, vient l’acceptation que la personne ne reviendra pas. Connaître ces différents moments peut permettre à l’entourage comme aux RH, aux managers, aux collègues, de pouvoir faire également un travail d’acceptation des émotions de l’autre. Il faut être à l’écoute. Si vous aidez un aveugle à traverser la rue, vous n’allez pas le faire en courant ! C’est pareil avec une personne endeuillée, il faut marcher à son pas. L’important, c’est de l’observer avec bienveillance, l’écouter sans la juger ni la contraindre.
Vous avez écrit que l’on peut sortir grandi d’un deuil*. Expliquez-nous.
Lorsque les choses s’apaisent et que la personne peut reprendre une vie « normale », elle va appréhender ses limites et sa propre finitude avec une nouvelle sérénité, que moi j’appelle sagesse. Elle peut mettre en place des relations différentes avec les autres, à l’aide de compétences qui n’étaient pas forcément sollicitées jusque-là, en lien avec son intelligence émotionnelle et ses capacités d’adaptation.