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Extrait de l’hebdo n°3858
Plus d’un million et demi de personnes étaient dans les rues le jeudi 19 janvier partout en France pour clamer leur opposition au recul de l’âge de départ en retraite et montrer leur détermination à faire reculer le gouvernement.

Une mobilisation historique ! Le 19 janvier, en France, le monde du travail s’est fait entendre. Le message, repris sur la grande banderole orange et blanc qui ouvre le cortège CFDT à Paris, est clair : « Retraite à 64 ans, c’est non ! ». Derrière, des centaines de milliers de manifestants sont venus crier à quel point la réforme des retraites concoctée par le gouvernement est injuste. « Cette journée est une réussite, s’est réjoui Laurent Berger. Les chiffres de participation sont bien supérieurs à ce que l’on attendait nous-mêmes. On est suivi par nombre de salariés de ce pays, syndiqués ou non, qui estiment que cette réforme est trop brutale et injuste. » Plus d’un million de personnes étaient présentes dans les cortèges partout en France hors de Paris selon la police. Les chiffres de la mobilisation parisienne ne sont pas encore connus, mais les premières estimations tournent autour de 400 000 manifestants.
Parmi eux, Blandine. Salariée d’une entreprise du commerce, son mot d’ordre est clair : « Non aux 64 ans ! Non à cette réforme injuste ! Le gouvernement doit revoir sa copie. Les entreprises n’ont pas d’état d’âme à licencier des personnes proches de la retraite. Et on ne les remplace pas ! Cette réforme est un manque de respect pour les salariés. » Juste à côté, Ingrid vocifère contre cette réforme « bâclée, non discutée, injuste ». Elle ajoute : « Tous les efforts ne sont concentrés que sur les travailleurs ! Et est-ce que j’aurai encore du travail lorsque j’atteindrai 64 ans ?! » Avec elles, Fatima rappelle qu’à 64 ans, on n’est pas toujours en bonne santé : « La polyvalence nous use plus vite. Il faut que chacun puisse vivre pleinement sa retraite. »

Défendre ses droits
Un peu plus loin, chasubles orange sur le dos, drapeaux CFDT en main, Corinne, Milène, Lucien et Magali travaillent dans le secteur de la santé et du médico-social. Ils sont venus pour défendre leurs droits et ceux des générations futures, alors qu’ils seront touchés par la réforme à des degrés divers. Lucien fait partie de la première génération concernée : il devra travailler un trimestre de plus si la réforme est adoptée en l’état. Corinne, elle, travaillera un an et demi en plus. Quant à Magali et Milène, elles devront travailler deux ans de plus. Outre leurs cas personnels, ces quatre militants ont aussi décidé de manifester pour les autres : « Beaucoup sont contre cette réforme mais ne pourront pas être là aujourd’hui, car ils ne peuvent pas se permettre de perdre un centime sur leur paie. »

Les retraités CFDT sont également venus en soutien du mouvement. Anne-Marie est à la retraite depuis de nombreuses années, mais la question de la pénibilité l’a fait se mobiliser aujourd’hui : « J’ai deux frères qui ont travaillé dans le BTP. On a bien vu l’état physique dans lequel ils sont arrivés une fois à la retraite. Cette réforme est scandaleuse et absurde ! » Jean-François, tout en tenant la banderole des retraités CFDT d’Île-de-France, rappelle que les nouveaux retraités s’investissent beaucoup dans les associations et apportent une aide à leur famille : « C’est ce qui, en partie, fait que la société tourne. La réforme peut mettre ça à mal… »

“On se mobilisera encore”
« La réforme, on pouvait la faire autrement, lance Christian, technicien travaillant dans un atelier. Elle se fait contre l’avis de ceux qui souffrent. Les travailleurs de deuxième ligne vont tout prendre dans les dents. Beaucoup de mes collègues travaillent accroupis pour réparer du matériel, ce n’est pas pris en compte pour la pénibilité, par exemple. Je ne pense pas qu’ils arriveront à 80 ans. » À côté de lui, Abel, éducateur spécialisé, dénonce l’injustice de cette réforme : « Aujourd’hui, c’est 64 ans. Et demain, un âge légal de départ à 65 ans ? 67 ans ? » « On n’est pas d’accord, embraye Mourad, et on se mobilisera encore de nombreuses fois s’il le faut ! »


Au gouvernement, maintenant, de recevoir le message. « Si le texte de la réforme part en l’état en Conseil des ministres et au Parlement, on aura d’autres moments de mobilisation », avertit Laurent Berger. « On va aller au contact des travailleurs dans les prochains jours pour leur expliquer en quoi cette réforme est néfaste, et leur faire signer la pétition intersyndicale, qui a déjà atteint les 600 000 signatures. Enfin, faire comprendre au gouvernement qu’il n’a d’autre choix que de revoir sa copie ! »
